SEYRÜ'L ERVÂH TERCÜMESİ...Fransızca...Paul Ballanfat
ou
Livre de la lampe qui dévoile la naissance des esprits
A lui nous
demandons assistance
Au nom de Dieu le
Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux
— Grâce soit rendue à Dieu
qui a extrait les esprits des mystiques du secret du néant, leur a fait
parcourir l’esplanade de la prééternité, les a revêtus de l’armure de la
providence, les a ceints de la couronne de la satiété, leur a éclairé l’orient
de la vision spirituelle, leur a ouvert les trésors de l’évidence, leur a fait
voir la majesté de Sa face depuis la lucarne de la surexistence, et les a
purifiés d’une pureté simple. Que Dieu bénisse notre prince Muhammad, le
meilleur des prophètes, sa famille et ses compagnons, les meilleurs serviteurs
très révérencieux.
1-
Quant
au propos : certains de mes frères m’ont demandé que j’expose quelque
enseignement concernant la naissance des esprits. J’en ai parlé autant qu’il me
l’a été permis, et que ce que Dieu a ouvert à mon cœur par le dévoilement pour
ce qui est de sa description et de sa qualité. Ce qui est allé droit au but
provient de la guidance excellente de Dieu, de Son inspiration, et de Sa bonne
direction. Quant à ce en quoi je me suis trompé ce n’est qu’inven- tion émanant
de l’âme, et j’en demande pardon à Dieu le Très- Haut. Les allusions subtiles
que j’ai pu indiquer sont les riches broderies de la science de la vérité, et
les redondances des raretés issues du dévoilement.
2-
J’affirme,
et je demande assistance à Dieu le Très-Haut [que] lorsqu’il S’éleva — que Sa
majesté soit exaltée — depuis l’orient de la prééternité, et qu’il Se dévoila
au néant par Sa science, Il ne vit rien d’autre que Lui-même. Il s’émerveilla à
la vue de Sa beauté, et II éloigna Ses attributs les uns des autres. Il donna
forme à Ses amants, jusqu’à ce qu’ils jouissent d’être unis à Lui, et qu’ils se
réjouissent de Sa surexistence. De par Sa volonté créatrice, Il désira créer
les esprits de Ses prophètes et de Ses amis, ainsi qu’il l’a dit — que Son nom
soit magnifié — « J’étais un trésor caché et j’ai aspiré à être connu ».
Il puisa dans la mer du kâf et du nûn. Il répandit [ce qu’il
avait puisé] dans le chaudron de la puissance divine, et II alluma dessous le
feu de l’amour incréé (mahabba). Alors la crème de la réalité
phénoménale s’enflamma et [y] fut précipitée. Elle devint si pure qu’elle se
mit à briller d’elle-même. Il l’illumina d’une lumière issue de Sa lumière,
ainsi qu’il l’a dit — que Son nom soit exalté — « Quand bien même nul feu ne
l’effleurerait, lumière sur lumière » [Cor : XXIV=36]. Et il plaça cette
clarté au repos au sein des lumières de la réalité prééternelle et de la pureté
perpétuelle.
3-
Il
[l’]accomplit par Sa condition seigneuriale et II [l’]étendit pour la servitude
qui lui est due. Il [le] décocha au milieu du libre espace de Sa magnificence.
Il fit ruisseler sur lui de la mer de Sa superbe. Par les façons qui
appartiennent à Sa générosité II le transforma en boules de pâte pétries.
Puis, par après, Il les fit fermenter le temps que dure l’aurore de Sa clarté.
Puis II le créa avec Sa nature, et le suscita avec Sa beauté ainsi qu’il l’a
dit — les bénédictions du Très Miséricordieux soient sur lui — « Dieu le
Très Haut a créé Adam à Son image » , puis « Il insuffla en lui de Son
esprit » [Cor. : XXXII=9] ; il se dressa avec Sa permission et il proclama
la transcendance de Dieu par l’affirmation de Sa transcendance. Puis II dit «
Ensuite Nous Pavons suscité par une seconde création, béni soit Dieu
l'excellent créateur» [Cor. : XXIII=14]. Il le purifia dans la source de la
Sainteté. Il lui fit revêtir les manteaux
de l’intimité. Il l’orna avec la parure de l’amitié. Il enduisit ses
yeux du fard de la pureté. Il lui fit ceindre son front de la couronne de la
fin. Il lui fit enfourcher la noble monture de la guidance, et l’emporta dans
son ascension nocturne de l’extrême commencement des réalités phénoménales
jusqu’à l’œil de la vision spirituelle. Il le fit alors pénétrer dans le voile
de la proximité de la proximité, et le gratifia des subtilités de l’amour (hubb).
Il lui accorda de Le voir par Lui-même, et l’arracha de sa racine. Puis II lui
fit don de la surexistence, après cette annihilation de soi. Alors, Il lui
adressa la parole et dit de Son discours excellent : « Qui suis-je ? ». Il
répondit « Tu es tel que Tu T'es loué Toi- même ». Puis II l’emporta de
l’étape spirituelle de la contemplation jusqu’aux patries d’élection du
dévoilement. Il exposa à sa vue Ses attributs dissimulés sous un vêtement,
jusqu’à ce qu’il se réalise dans la connaissance mystique, et qu’il se
raffermisse dans l’amour incréé. Puis II le saisit de la main de la compassion
et le fit asseoir auprès de Lui sur le tapis déployé de la distinction. Alors
II lui versa à boire du vin de la familiarité dans la coupe de la grâce. Il le
plongea dans l’ivresse que suscite la vérité de la beauté, et le fit
disparaître dans l’union la plus belle. Un vent d’est se levant des profondeurs
de la surexistence se souleva contre lui, et l’arracha du déclin dans l’annihilation.
Alors il se trouva existant entre l’essence divine et les attributs, et il
s’échappa de l’étroitesse des déterminations formelles.
5
-
Puis il franchit la distance séparant l’imminent du sublime, et lui fut
dévoilée la vérité de la vérité. Dieu lui fit une révélation et demanda : « Qui
es-tu ? » Il répondit : « Toi ». Les assauts de la sainteté apparurent du haut
des montagnes de la Munificence, et les abîmes profonds de la divinité
l’entourèrent. Alors, Il fut arraché jusqu’en ses racines de l’étape de
l’unité, et il fut dispersé dans l’atmosphère de l’ipséité divine. Il le ramena
à la vie [en lui insufflant] Sa vie, et
II lui fit hériter de la vénération avec humilité et modestie au sein de la
perfection de Sa perfection. Puis II l’envoya jusqu’à la désolation de
l’éternel primordial, et II le précipita dans la stupéfaction dans la primauté
de la primauté. Il erra, éperdu, dans le désert du monde de majesté, s’égarant
dans la vallée de la terreur, tenaillé par la soif dans les océans de la
compassion. Et, passé cela, Il le mena, en le poussant à l’aide de la cravache
de la jalousie divine [ms. AS = de la voix de la Magnificence], d’une force
suprême, jusque dans les déserts stériles de l’éternité et les déserts arides
de la pérennité.
6
-
Il ne pouvait voir ce qu’il recherchait, ni découvrir ce dont il percevait bien
l’absence ; la douleur le rendit fou et il se lamenta du manque de la
découverte. Il l’accueillit après le désespoir. Il le libéra de l’entrave de
l’analogie , et dit : « Jusqu’où va ton aspiration ? » Il répondit « Serviteur
de l’aspirant ». Il le fit s’envoler hors de la cage des formes seigneuriales
jusqu’aux jardins de la solitude divine. Il vit beauté sur beauté, majesté sur
majesté, éclat sur éclat, perfection sur perfection. Il dit : « O mon prince !
Je T’ai cherché à l’orient de la surexistence et à l’occident de
l’annihilation. J’ai voyagé dans la primauté, et j’ai gravité dans l’extrémité.
Mais je ne pouvais Te découvrir tant que je ne m’étais pas séparé de Toi pour
aller vers Toi ». Il répondit : « Tu ne Me verras pas [Cor., VII=143]
autrement que dans la source de l’effacement et la stabilisation de la sobriété
».
7
-
Puis II dirigea Son regard — que soit exaltée Sa majesté —vers lui par l’œil de
la totalité, et il devint une essence que n’altèrent ni la venue de la douceur,
ni le passage de la violence. Il le fit graviter dans la sphère céleste de la
munificence, et les étoiles de la puissance fondirent sur lui depuis les cieux
de l’immutabilité. Il fut pris de folie sous l’effet des gloires de la divinité
dans le cercle de la condition seigneuriale, et il vit les calamités de la
puissance émanant des réalités de la force. Puis Dieu lui ouvrit les portes des
trésors des sciences du monde caché. Il le fit sortir des ténèbres du
doute et II le fit pénétrer dans le livre de la science qui englobe tout. Il
dévoila la tablette préservée qui appartient à l’impénétrabilité. Il vit alors
vision évidente, et évidence en vision. Il lut à haute voix sur la première
ligne tracée dans le mince parchemin déroulé en ordre dispersé l’univers du
mystère. Or, « Il ne fait accéder personne à Son mystère si ce nest un
envoyé dont II est satisfait » [Cor : LXXII=26-27]. Il découvrit un océan
de lumière qui s’écoulait du kâf de l’être Qiâri). Il demanda ce
que c’était. Il répondit — qu’il soit loué et exalté — : « Ce sont les étapes
de la source de vie. Quiconque en boit une gorgée est délivré des « ivresses
du trépas » [Cor, L= 19]. Il entendit les voix des gouttes de
l’inspiration descendre de l’océan des attributs magnifiques, et il cueillit
les purs joyaux des symboles mystiques de la vague déferlante des trésors. Puis
il voyagea dans l’aspiration. Il ne pouvait voir la limite de la fin. Il
tournoya, se métamorphosant encore et encore, dans les vergers de la
providence, lesquels ne peuvent être décrits dans le récit. Des lumières
brillèrent de l’horizon de l’essence divine, et illuminèrent le miroir des
attributs. Il demanda : « Qu’est-ce que ceci ô seigneur ? ». Il répondit : « Un
œil qui regarde bienveillant, affranchi du où ». Puis parurent les
scintillements des consciences secrètes à l’écoute des mouvements des idées
émergeant d’un matin sans fin et les broderies des parures divines ; il demanda
: « Ô mon maître! Qu’est-ce que ceci ? ». Il répondit : « Entente sans
instrument et attribut sans ressemblance » .
8
-
Puis il vit les suprématies de Sa fureur, et le pouvoir de Sa domination. Il
demanda ce qu’il en était en ces termes : « Que sont ces deux attributs
prééternels, les deux voies claires qui me sont destinées ? ». Puis il vit les
bienfaits attachés aux grâces, et les arrêts dans les faveurs accordées [par
Dieu], et il s’enquit de cela. Il répondit en ces termes : « Mes deux mains
ouvertes pour M’accorder Mes faveurs ». Puis il vit surexistence et sagesse,
ainsi que la voie de Son arrêt et de Son destin. Il demanda : « Qu’est-ce que
ceci, ô Seigneur ? ». Il répondit : « Voici mes doigts rendant leur sentence
dans Ma cour » . Il vit,
ensuite, surexistence sur surexistence, et grandeur sur grandeur. Il chercha à
comprendre cela, alors II dit : « Voici Ma généreuse face » 66. Puis
il vit les vagues de l’océan de l’ordre et les raretés de l’ordre. Il voulut
connaître cela. Il répondit : « Ceci est Ma venue sur Ma création, et Mon
secret qui demeure dans Ma création ». Puis il vit les merveilles de la
générosité dans les bienfaits accordés aux moments difficiles, les diverses
sortes de dons que l’on acquiert tels le torrent qui déverse son eau, et les
mets de la félicité rassemblés sur le plateau de la providence. Il demanda : «
Ô Seigneur ! qu’est-ce que ceci ? ». Il répondit : « Voici l’un d’entre Mes
mets que Je fais descendre, et l’une de Mes manifestations. » .
9- Lorsqu’il se fut établi fermement dans la
stabilisation de l’être, et qu’il eut échappé à l’agitation propre à la
coloration des états, la langue de sa conscience secrète énonça la vérité et
les spécificités de la glorification de Dieu. Puis il dirigea son regard vers
le ciel de l’esseulement. Il [y] vit le croissant de lune de l’unification. Il
s’illumina à la lumière de la réalisation spirituelle, et se sauva des
dominations de l’obstruction. Alors il fut anéanti dans l’annihilation de
l’annihilation, et fut existant dans la surexistence de la surexistence. Il
demanda : « Ô Maître du décret, qu’est ce que ceci ? ». Il répondit : « Ceci
est l’étape de l’affirmation de l’unicité ». Puis il descendit du lotus [Cor.,
LIII=14, 16] de la munificence jusqu’au jardin luxuriant de la connaissance
mystique. Il atteignit alors la fleur pure de la sagesse et s’assit sur les
coussins de la proximité. Il se reposa sur la pierre de l’union. Il fendit les
foudres du désir parfait. Il demanda les vérités de l’immersion absolue, et il
rechercha d’autres visions encore en supplément. Il s’adressa alors à lui par
le mystère de Son mystère et dit : « L’impuissance à [Me] voir c’est [Me] voir
» . Puis il avança de la voie de la réclamation jusqu’à l’ascension [qui mène
à] la contemplation. Il éprouva du plaisir à écouter le discours de l’amant et il
s’envola sous l’effet de la majesté de l’aimé.
10 - Lorsqu’il vit ce qu’il vit il fut
transporté d’amour pour Sa beauté, pétri d’affection pour Sa douceur, plongé
dans le silence par Sa puissance, doué d’énonciation par l’éclat de Ses
attributs, pleurant de L’avoir perdu, et riant de L’avoir trouvé. Dieu lui
versa alors à boire du doux souffle de l’amour. Il le fit disparaître dans la
vallée du désir. Il le plaça en immersion dans l’océan des larmes et condamné à
demeurer dans les chaînes des ravissements. Il le déposa dans la catapulte de
la séparation et le projeta dans le feu des désirs. Alors le feu de la
séparation consuma l’aile de la concentration visionnaire [ms. AS = Le feu de
la séparation le consuma et l’aile de la concentration visionnaire prit son
envol]. Il lui fit voir l’exubérance de l’amour. Il le laissa paître librement
dans les jardins de l’amour. Il le combla du souffle de l’affection, et le
délivra de la vision de la souffrance. Puis il fit ruisseler sur lui la pluie
abondante de l’amour, et II le fit voyager dans les vergers de la proximité. La
joie qu’il éprouvait [à voir] le narcisse de la tendresse n’en finissait pas,
non plus que l’ivresse qu’il ressentait [à boire] le vin de la proximité. Puis
les étendards de la crainte apparurent venus des hauteurs de la révérence. Il
se rendit sur les esplanades de la stupéfaction et il chuta sous la violence de
l’attaque de la jalousie divine. Alors il fut pris de dégoût pour la
circumambulation [douceur : ms. AS], et s’enfuit loin de la violence de la
peur. La protection de l’espoir vint à lui. Il le préserva de l’immensité
[inclination : ms. AS] de la peine. Il le fit pénétrer dans la demeure de la
pureté et lui fit partager l’intimité de la fiancée de la surexistence.
11- Il lui fit l’annonce comme
un héraut, en ces termes : « Qui y pénètre est sauvegardé (âmin) » [Cor.,
111=97]. Puis il vit le jardin du probe
dans lequel s’écoulent les fleuves de la certitude. Il but une gorgée au
fleuve de la science certaine, et il médita sur les versets. Il but une gorgée
au fleuve de la certitude visionnaire et il se remémora les dévoilements. II
but une gorgée au fleuve de la certitude substantielle et il réfléchit sur ce
qu’il avait vu de ses propres yeux. Puis il pénétra dans le jardin de la
révélation intérieure, et il s’assit sur la rive du fleuve de la paix
intérieure. Il but du pur liquide de la foi et il jouit de la paix que procure
la pureté de la claire évidence ainsi qu’il — qu’il soit loué et exalté — l’a
dit : « Et son cœur est pacifié par la foi » [Cor. : XVI=106]. Puis il
but un peu de l’eau suave des versets, et il jouit de la paix au milieu des
ambiguïtés70, ainsi que l’a dit al-Khalîl [Abraham] — sur lui le
salut : « Seigneur, montre-moi comment Tu ressuscites les morts ! — Il
répondit — que sa majesté soit exaltée : Ne crois-tu donc pas ? - Il dit :
Certes ! Mais mon cœur ne trouve pas la paix » [Cor. : 11=260]. Puis il but
du vin de Salsabîl qui procure l’invocation et il jouit de la paix dans la
vérité de l’invocation [ms. T = la méditiation], comme Dieu le Très-Haut l’a
dit : « N’est-ce pas par l’invocation de Dieu que les cœurs trouvent la paix
? » [Cor. : XIII=28].
12
-
Puis il se reposa dans la Ka'aba de l’intimité et se familiarisa avec la vérité
de la sainteté. Il fendit la fine robe rouge de la pudeur et il se réjouit de
l’excellente rencontre. Il tourna [autour de la Ka‘aba] en compagnie des petits
groupes d’hommes de la sainteté. Il respira les parfums de l’amour. Dieu le
protégea de l’éloignement comme le fait un
père et dit : « Et Nous sommes plus proche de lui que sa veine jugulaire. »
[Cor. : L=16]. Puis il voyagea dans le défilé de la contraction. Il arracha
le pacte de l’amour de la main de la dissolution et il fut pris de stupeur
entre l’union et la séparation. Le chemin qui mène à la surexistence s’effaça
pour lui, et se confondit avec la voie de l’annihilation. Alors la fiancée de
l’instant le rejoignit. Elle l’enivra avec le vin de la dilatation. Elle
dévoila le visage de la surexistence [rencontre : ms. AS] et le fit sortir de
la vision de l’annihilation.
13
-
Puis il erra éperdu d’amour dans le cercle de l’ipséité divine et plongea dans
les retenues d’eau de la sublimité. Chaque fois qu’il réclama de sortir de
l’océan de la divinité, les ressacs [obscurités : ms. T] de la sainteté l’y
plongèrent à nouveau. Il perdit toute force d’y résister. Il demanda : « Ô
Secours de ceux qui implorent [Ton] secours ! Qu’est-ce que ceci ? ». Il —
qu’il soit loué et exalté — répondit : « Ceci est l’étape du rassemblement de
soi ». Puis il s’attacha à la porte de la proximité, et il se répandit en
lamentations sur la séparation. Il aspirait de tout son être à pénétrer dans
les étendues de pierre du recueillement. L’obstacle de l’impénétrabilité voila
son regard, et il demanda : « O Seigneur ! Qu’est ce donc que cette désolation
? ». Il répondit : « Ceci est l’étape de la dispersion de soi ». Puis apparut
le soleil des vérités spirituelles. Les éclosions de lumière des calamités
surgirent soudainement, et les lumières de la providence l’encerclèrent. Il
l’instruisit [de cela] en disant : « Ceci est l’étape de la vérité ». Puis
parut le croissant de lune des mystères de derrière les voiles [qui
l’occultent]. Il l’éleva au-dessus de la révolution du monde caché et Il le
libéra de l’oscillation [vérités : ms. T] du doute.
14
-
Puis Dieu le Très-Haut le regarda en lui lançant le coup d’œil de la superbe et
II le fit fondre dans la source de l’annihilation. Puis II le fit disparaître
lui-même de l’annihilation. Puis il fit disparaître l’annihilation hors de
l’annihilation elle-même jusqu’à ce que ne subsiste rien d’autre que Lui ainsi
qu’il — que sa majesté soit exaltée — l’a dit : « Tout ceux qui sont sur
elle [la terre]périssent, alors que subsiste la face de ton seigneur qui détient
la majesté et la générosité » [Cor. : LV=26]. Puis il le fit subsister par
la surexistence de la surexistence. Il lui conféra la station de la pureté, et
II lui accorda généreusement l’honneur de la rencontre. II ne cessa plus de
demeurer surexistant, et ne fut plus soumis à l’annihilation, ainsi que Dieu le
Très-Haut l’a dit : « Il soufflera dans la trompe, et ceux qui sont dans les
cieux et sur la terre seront foudroyés sauf ceux que Dieu voudra [épargner]
» [Cor. : XXXIX=68]. Puis il se mit à briller de tout son éclat par la
lumière de l’essence, illuminé par l’aurore des attributs, contemplé par l’œil
de la lumière, au comble de la joie dans la demeure de la présence. Il ne fut
plus retranché de l’union et il ne fut plus interdit de [L’] atteindre.
15
-
Puis il s’évanouit dans le vaste désert de l’occultation sous l’impact de la
foudre de la jalousie, gémissant d’affliction dans le mirage de stupeur que
provoque la majesté sans délivrance, ligoté par la corde de la soumission [à
Dieu], égorgé par le sabre de la mutilation , réduit à néant sous l’immensité
de Sa puissance, répandu sous l’effet des gloires de Sa face. Puis II lui versa
à boire du vin de l’amour. Il l’enivra par la vérité du Désiré [Dieu] d’une
ivresse qui ne laisse aucun repos, d’un vin qui ne fait pas mal à la tête. Puis
II l’emporta loin de la lice de l’effacement de soi et le fit descendre dans le
site de la lucidité. Il lui enseigna l’interprétation mystique des questions
difficiles et lui fit voir les étrangetés des ambiguïtés. Puis il lui fit voir
les parures des contemplations revêtues de l’habit des dévoilements. Il fut
teint de multiples couleurs sous l’effet de la grâce de sa beauté, appréhendant
la proximité de Sa proximité. Puis II le protégea de Lui-même par Lui-même. Il
lui donna à voir ce qui préserve sa précellence. Il le para de la parure de la
certitude. Il le fit asseoir sur le trône de la stabilisation, et le fit sortir
de l’agitation dont frappe la coloration des états .
16
-
Puis II l’installa en face du dais de la royauté et II le regarda avec
bienveillance de l’œil de la magnificence. Il eut honte de lui-même pour Lui.
Il voulut que son existence ne demeure pas au sein de Son existence car
l’établissement respectif de deux [existences ensemble] est contraire à la
condition de l’unification. Il fut abandonné entre la honte et la confusion,
blessé par le sabre de la majesté . Puis II le consola en rafraîchissant son
œil avec la lumière de la pudeur pour le consoler. Il lui donna à entendre les
merveilleuses voix du discours. Il le recouvrit des manteaux qui commandent le
respect. Il plaça sur la raie qui sépare ses cheveux en deux la couronne de
l’amitié. Il le fit asseoir sur le siège de la vénération. Il ouvrit pour lui
le coffret de la satisfaction dans lequel se trouvent les lumières de la
providence. L’ivresse qu’il éprouva à voir la dilatation de soi lui troubla
totalement l’esprit. Il fendit en deux le voile qui masque l’exultation, et
réclama que la solitude divine soit isolée [pour lui] recouverte du vêtement de
la souveraineté [réconciliation : ms. AS]. Les attributs de la nature
spirituelle disparurent dans la majesté de la nature compatissante par la rectitude
de [son] jugement .
17
-
Puis II lui fit boire le vin de la sincérité à la coupe de l’effacement de soi
[vérité : ms. T]. Il le fit pénétrer dans les jardins de la pureté d’intention 75.
Il lui versa à boire [de l’eau] des sources de la distinction. Puis II tira de
lui la partie la plus limpide au moyen de la crème de la pureté. Il lui fit
présent du manteau du don. Puis II le rendit apte à [accéder] à l’amitié et le
distingua par la providence. Il lui fit don de l’étendard de l’observance. Il
l’honora en le gratifiant des subtilités des prodiges . Il l’éleva à la dignité
des vérités des étapes spirituelles jusqu’à ce qu’il règne en commandant selon
Son ordre, et qu’il possède un pouvoir absolu sur Son royaume par Son autorité.
Chaque fois qu’il désira une chose elle fut sienne, ainsi que l’a dit le
Très-Haut, et ses attributs sont décrits dans les propos de Jésus — sur lui le
salut : « Je vais pour vous créer d’aigile une forme d’oiseau. Je soufflerai
en elle, et ce sera un oiseau avec la permission de Dieu. Je guérirai le muet
et le lépreux Je ferai revivre les morts avec la permission de Dieu » [Cor.
: 111=49].
18
-
Puis II ouvrit sa poitrine par Sa lumière. Il y plaça un miroir dans lequel se
reflétaient les merveilles de Son œuvre afin qu’il voit les trésors de Son
monde caché par la vérité de Son œil ainsi que l’a dit l’aimé de l’aimé — les
bénédictions du Compatissant soient sur lui : « Croyez en la concentration
visionnaire du croyant, car il voit à la lumière de Dieu » . Puis II lui
fit revêtir la robe d’apparat de l’invocation. Il lui fit chevaucher la monture
de la méditation et II le fit voyager sur les esplanades de la perception
claire. Il lui ordonna [de passer] la porte de l’abondance [pénitence : ms. T].
Il fut familier [de Dieu] par l’invocation, croyant par la méditation, et
convaincu par la perception claire.
19
-
Puis la lampe de la sagesse vint à lui et éclaira pour lui les recoins obscurs
de la vérité. Il apprit les réalités cachées de Sa science, et les subtilités
de Son mystère. Il devint une feuille des versets divins ainsi qu’il l’a dit —
que s’élève Sa louange : « Tout au contraire ce sont là des versets clairs
dans les poitrines de ceux à qui a été conférée la science » [Cor. :
XXIX=49]. Quand il n’eut plus la force de graviter dans les secrets, et qu’il
se trouva tourmenté par ce qu’il apprenait, il pénétra dans la demeure de
l’observation vigilante. Il fut éparpillé dans tous les coins à cause du lion
qui prononce le discours. Il plongea dans l’océan du guet. Il s’envola par
l’aile de l’amour. Il entendit les voix du hautbois (mizmâr ) des
attributs, et il se mit à chanter en
proie au désir d’obtenir les rendez-vous [avec Dieu]. Il fut envahi par
l’excitation du fait des égards que lui témoignait l’essence de l’existence. Il
fut transporté d’avoir rencontré l’existence en soi. Il hurla sous l’effet de
l’éclat de la contemplation.
Il frappa dans ses mains pour
applaudir la libéralité dans la discussion. Les lumières de l’essence sortirent
de la confusion. Il récita des vers sous l’effet du dévoilement des attributs.
Il fut ravi par l’extase à l’apparition de la beauté divine. Il déchira le vêtement
de la condition créaturelle sous l’effet de la violence avec laquelle la
condition seigneuriale le frappa dans la perfection de la perfection. Il se mit
à danser du fait de la plus belle union. Son instant d’extase fut un délice
grâce à la douceur [que revêtait] la majesté. Il pleura de l’éloignement de Son
éloignement au sein même de la proximité de Sa proximité, et il rit de la
proximité de Sa proximité dans l’éloignement de Son éloignement.
- Puis il fut transporté de la halte des états spirituels à
l’oasis des étapes spirituelles ainsi que l’a dit le Seigneur des mondes : « Il
n'est pas des Nôtres à moins qu'il n'ait une station évidente » {Cor. :
XXXVII=164]. Il [y] trouva la fraîcheur du doux souffle de la satisfaction, et
il demeura stabilisé dans le flot courant de l’arrêt divin. Puis il se saisit
de l’anse de la remise confiante. Il s’abaissa humblement dans les océans de
l’humiliation devant celui qui terrifie le royaume de gloire. Puis il porta les
fardeaux de la patience. Il s’envola loin des diverses sortes de faveur au
moyen de l’aile de la gratitude. Puis il revêtit le manteau rapiécé de la
pauvreté 80 et porta les parures du fardeau.
Puis il regarda les anciennes faveurs dont il jouissait et il les dédaigna pour
[goûter] la vérité de Sa vénération. Puis il apprit à pratiquer l’ascèse
lorsqu’il est loin, et il s’habitua à ce qu’il soit proche. Il s’abstint de
s’occuper d’un autre que Lui, par la crainte révérencieuse. Puis Dieu lui fit
revêtir le vêtement de la piété. Il lui ordonna de supporter l’épreuve. Puis II
lui fit don de la lampe du repentir, et II l’éleva jusqu’aux trésors de la
connaissance mystique. Puis Dieu le Très-Haut le fit asseoir dans l’océan de la
sainteté afin qu’il chante les gloires de Dieu le Très-Haut, qu’il récite l’attestation
de foi en Son nom, qu’il Le loue, qu’il Le sanctifie, qu’il Le prie, et qu’il
affirme Sa transcendance, durant mille années.
20
-
Puis Dieu le Très-Haut créa l’intelligence, lumineuse, brillante. Il l’envoya
pour qu’elle se mette à son service. Lorsqu’elle le vit, elle le salua et le
servit. Il demanda : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : « Je suis l’intelligence
; c’est par moi que l’on s’adresse, par moi que l’on reçoit la plus grande
récompense et que l’on est puni du châtiment ». L’esprit dit : « Que soit
bienvenue l’honorée que Dieu le Très-Haut a choisie parmi tout ce dont II a
suscité l’existence en la tirant du néant, ainsi qu’il — qu’il soit loué et
exalté — l’a dit : « Certes en ceci sont des signes pour ceux qui sont doués
de prudence » [Cor. : XX=54, 128] ». Puis Dieu créa la compréhension,
pénétrant avec perspicacité les finesses les plus subtiles des états
spirituels, et dominant les vérités des opérations théophaniques, et Il la lui
envoya. Il la salua et demanda : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : « Je suis
celle qui explique les difficultés, celle qui éclaire les obscurités ». Il dit
: « Bienvenue au guide, bienvenue à celui qui suit une voie droite ». Puis Dieu
créa la réflexion, qui remonte par degrés d’analogies en analogies et qui fait
germer l’imagination ; et Il la lui envoya. Lorsqu’il la vit, il la salua et
demanda : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : « Je suis la réflexion, celle qui
est le miroir des ressemblances. Quiconque regarde en moi voit la vérité de la
science et des actions ». Il dit : « Bienvenue à l’intermédiaire qui a été créé
pour la créature [lieutenant : ms. AS] ». Puis Dieu créa la conscience, le lit
où s’écoule [le fleuve de] la sagesse, le rouleau de papier où écrit
l’intelligence, et II la lui envoya pour qu’elle entre à son service.
Lorsqu’elle le rencontra, il la salua et demanda : « Qui es-tu ? ». Elle
répondit : «Je suis la sentinelle de la science, l’observateur du connu ». Puis
Dieu créa la perception, espion de l’intelligence, et chambellan de la science,
et la lui envoya pour qu’elle entre à son service. Lorsqu’il la découvrit, il
demanda : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : « Je suis le gardien de la
compréhension et de l’imagination, le comptable de la réflexion. ». Il dit : «
Bienvenue à celle qui étudie le droit, bienvenue au jurisconsulte ». Puis Dieu
créa l’imagination, tablette où sont tracées les lignes d’écriture, feuille où
s’aligne ce qui est écrit, et II la lui envoya pour qu’elle se mette à son
service. Lorsqu’il la vit, il la salua et demanda : « Qui es-tu ? ». Elle
répondit : « Je suis le gouverneur qui soumet les dévoilements à sa loi, le
gardien qui conserve les ambiguïtés ». Il dit : « Bienvenue au tisserand qui
entrelace les difficultés, bienvenue aux registres des signes ». Puis Dieu créa
le cœur, brillant de la lumière du dévoilement des secrets, orné de la parure
des purs, tenu à distance par la pudeur, qualifié par la loyauté, créé de
générosité, pétri de douceur et de rareté, le front ceint de la couronne du
songe, marquant de son empreinte l’étoffe colorée de la science, vêtu de
l’habit du pardon, enclin à la sympathie par la noblesse de l’inclination,
amélioré par les états spirituels, joyeux de la beauté, généreux par les nobles
actions de ses dispositions innées, brillant de la lumière levante des désirs,
distingué par la méditation, purifié par la pureté de l’invocation, ainsi qu’il
— que Son nom soit béni — l’a dit : « Certes en ceci est une réminiscence
pour qui a un cœur » [Cor. : L=37], Il l’envoya à l’esprit, et lorsque
celui-ci apprit sa venue il alla à sa rencontre. Il [le cœur] dit : « La paix
soit sur le pur élu de Dieu teint de la teinture de Dieu. ». Il demanda : « Qui es-tu ? ». Il
répondit : «Je suis le breuvage dont s’alimente la certitude, le lieu où fait
halte la tendre affection ». Il dit : « Bienvenue à la lampe de la pureté qui
brille de la lumière de la splendeur ». Il donna au cœur l’étape de
l’invocation par le détachement [des choses]. Il accorda à l’intelligence
l’étape du discernement au moyen du don. Il offrit à la compréhension l’étape
de l’intuition. A la conscience, Il fit don de l’étape de la vision. A
l’imagination il rendit clair le discernement du dessin des dévoilements. Il
donna pour domaine à la réflexion la figuration de la science en image, et à la
perception la recherche des sciences.
82
- Lorsque l’esprit se fut rendu maître de l’armée de Dieu,
qu’il fût devenu prince, commandant selon l’ordre de Dieu, Dieu le Très-Haut
lui dit par voie de révélation : « O esprit, voyage dans les ténèbres de Ma
fureur, dans le pays de Mon tourment, comme tu as voyagé dans les jardins de Ma
douceur et le verger de Ma sainteté, car celui qui n’a pas goûté à l’amertume
de Ma fureur ne connaît pas la vérité de Ma douceur. La fureur est un attribut
d’entre Mes attributs, et celui qui me connaît par la douceur mais ne me
connaît pas par la fureur, ne me connaît pas d’une connaissance vraie. Entrer
dans l’abysse de Mon tourment [Mon feu : ms. AS] est une condition de Mon amour
». Il dit : « Ou bien pensiez-vous que vous entreriez dans le paradis et que
Dieu ne saurait pas lesquels d'entre vous firent des efforts sur eux-mêmes et
lesquels furent patients ? » [Cor. : 111=142]. Comme l’a dit Ahmad [le
Prophète] — sur lui le salut : « Le tourment se repaît des prophètes, puis des
amis de Dieu, puis de ceux qui leur ressemblent » 82. Quant à ceux qui leur ressemblent, il en est
comme II — qu’il soit loué et exalté — l’a dit dans la Torah : « O Moïse, qui
M’aime, Je le tourmente. » 83. L’esprit dit : « Mon Dieu, Mon prince
où donc se trouve le pays de Ta fureur ? ». Dieu fit paraître les ténèbres se
superposant les unes au-dessus des autres. Il vit un abîme infernal 84
autour duquel poussaient les diverses sortes d’appétits. En lui se divisaient
les diverses sortes de la passion ainsi qu’il — sur lui le salut — l’a dit : «
Le paradis est encerclé par les misères qui provoquent le dégoût, et le feu [de
l’enfer] est entouré par les appétits ». Il rencontra un vieillard voleur,
tricheur, appuyé sur le trône de la vanité, sur le coussin de l’envie. Il y
avait entre ses mains un large plat dans lequel étaient toutes sortes de
turpitudes telles que l’appétit, la colère, l’avarice, la rancune, la haine,
l’inimitié, le soin de son aspect extérieur, la recherche des honneurs, de
l’argent, des louanges, la mollesse, la paresse, la stupidité, l’oubli,
l’arrogance, la vantardise, l’avidité, l’insolence, la diffamation, la
calomnie, la lâcheté, et l’ignorance et tant d’autres choses répugnantes en
nombre tel que l’on ne peut les dénombrer. Comme l’a dit Dieu le Très-Haut : « L’âme
appétitive est certes instigatrice du vice » [Cor : XII=53]. Elle mange
comme mange la vache grasse une large et grande quantité de nourriture, plus elle diminue, plus elle grandit.
L’esprit s’adressa à lui en ces termes : « Qui es-tu et d’où viens-tu ? ». Il
répondit : « Je viens du pays de la divergence. Je suis le pharaon de
l’égarement85 ». Alors la main blanche [de Dieu] fit sortir l’esprit
de [ce] versant du monde caché. L’âme fut mise en déroute fuyant l’esprit. Il
la retrouva renversée sur la tête avec l’aide de Dieu le Très-Haut. Il la
frappa avec le fouet de lanières tressées de la paix intérieure, et il la
ligota avec la corde du blâme. Il la fit entrer dans le cachot de la condition
de servitude, et il l’attacha à la porte de la condition seigneuriale. Après
que l’esprit eût capturé l’âme, il vit dans la vallée de l’aberration un
vieillard qui égare et qui sème la dépravation 86. Il portait la
graine de l’impiété, et sa tête était coiffée du turban de l’associationnisme.
Il portait à la taille la ceinture de la duplicité, et tenait à la main la cage
de la ruse, de la tromperie, et de l’imposture. Il récitait [des formules] de
magie tirées de la tablette de la fureur. L’esprit demanda : « Qui es-tu ? D’où
viens-tu ? ». II répondit : « Je suis celui qui a été créé du feu de la
négligence, le plongeur qui pêche dans l’océan de la malédiction, comme Dieu le
Très-Haut l’a dit : « Tu m'as créé de feu alors que Tu Pas créé de boue »
[Cor, VII=12 et XXXVIII=76] » . Il le transperça en lui jetant [la lance
de] la récitation du Coran, et il le ligota avec la corde de la formule « Je
prends refuge en Dieu contre Satan le maudit », comme Dieu le Très-Haut l’a
dit : «Assurément quelque incitation de Satan t'animera. Cherche alors
refuge en Dieu. » [Cor. : VII=200, XLI=36]. Lorsqu’il eût récité le Coran,
il chercha refuge en Dieu. Lorsqu’il trouva Satan captif, il l’installa dans un
cachot, et il l’attacha à l’âme. Et il récita une supplique à Dieu en ces
termes : « O notre seigneur, fais-nous sortir de cette contrée dont les
habitants sont injustes » Alors Dieu le fit sortir de l’abysse du tourment. Il
le délivra de l’immensité de l’accablement. Il l’aida à se défendre contre
Satan et l’âme jusqu’à ce qu’il les ait tous deux fait sortir avec lui. Il les
mena se rendre prisonnier sous sa garde, et II lui conféra sur eux deux un
pouvoir absolu de chaque instant.
89
- Après cela, Dieu le rendit apte à [pénétrer dans] l’étape
spirituelle de la gratitude. Il rendit grâce à Dieu pendant mille ans, Le
remerciant de L’avoir comblé de bienfaits et de faveurs. Puis Dieu créa le
trône d’une lumière qui se répand. Il le contempla de l’œil de l’admiration, et
il chancela à tel point qu’il faillit en être renversé. Il le retint par Sa
douceur. Il le fit entrer sous son ordre, et le fit sortir du néant, ainsi
qu’il le savait de toute éternité. Son œuvre fut entièrement à la mesure de Sa
science. Comme II — que Sa superbe soit exaltée — l’a dit : « Le compatissant
se tient entièrement sur le trône » [Cor., XX=5]. Il disposa le trône pour
être le manège où tourne l’esprit, et il plaça en son sein les trésors des
conquêtes spirituelles. Il ordonna à l’esprit d’accomplir ses circumambulations
rituelles autour du trône. Il se lava avec l’eau de sanctification. Il revêtit l’habit consacré pour réciter
les gloires de Dieu. Il saisit au vol l’annonce que lui jeta Dieu le Très-Haut.
Il dit : « Me voilà mon Dieu ! Me voilà ! ». Et il tourna rituellement autour
du trône durant mille ans. Puis il se prosterna devant Dieu le Très-Haut, et
dit : « Mon Dieu, Je ne T’ai pas invoqué autrement qu’avec négligence, je ne
T’ai pas adoré autrement qu’avec mollesse ». Puis Dieu le Très-Haut créa
l’enclos de la sainteté, et II l’orna avec les lumières de l’intimité. Il
envoya l’esprit vers lui. Lorsqu’il le vit il demeura dressé en lui et
sanctifia Dieu le Très-Haut durant mille ans. Puis Dieu créa mille voiles de
lumière, sept cent mille voiles de musc à l’odeur puissante, et sept cent mille
voiles de camphre, chaque voile se trouvant entre les cieux et la terre. Puis
Dieu créa le piédestal de la lumière la plus pure . Puis II ordonna à l’esprit
de pénétrer dans ces voiles. Il y entra, et il vit Dieu le Très- Haut entre
chaque voile revêtu d’un vêtement composé de parties de la majesté et de la
beauté, de la clarté et de l’éclat en nombre tel qu’on ne peut le compter,
comme II veut, de la manière qu’il veut. Comme le Prince des amants de Dieu —
sur lui le salut — l’a dit : « Dieu le Très-Haut donne à voir la belle
apparence de Son essence comme II le veut ». L’esprit parvint au piédestal. Il
vit le trône, le piédestal et le voile remplis par Dieu le Très-Haut, de sorte
qu’il apparaissait à partir d’eux. Il demanda : « O seigneur ! que sont ces
raretés et ces étrangetés ?» Il — que soit exaltée Sa majesté — répondit : «
Ceci est la station des ambiguïtés dans les dévoilements. Qui ne Me voit pas
dans ces attributs ne peut voir la vérité de l’essence. Nul autre n’en connaît
l’interprétation que Moi-même et celui que J’aime ».
Comme II l’a dit : « Nul n’en connaît
l’interprétation que Dieu et ceux qui sont enracinés dans la science » [Cor.
: 111=7 ; cf. Luma‘-, 79]. Lorsque l’esprit vit ce qu’il vit il tourna
autour du piédestal, il affirma la transcendance de Dieu, il s’inclina et il se
prosterna devant Lui durant mille ans 93.
21
-
Puis Dieu créa la tablette [préservée] et le calame [l’esprit et la science :
ms. AS]. Il dit : « Ecris, ô calame ! ce qui témoigne pour lui et ce qui est
contre lui ! ». Le calame passa mille ans à écrire ce qui était et ce qui sera.
Dieu le Très-Haut dit alors : « Ô esprit ! contemple les réalités cachées de Ma
science et la munificence de Mon verbe ! ». L’esprit regarda la tablette
préservée. Il y vit ses lettres, chacune d’entre elles étant comme la montagne
Qâf. Chaque fois qu’une chose y apparaissait, une chose y disparaissait94.
Il demanda : « O seigneur ! que sont donc cette disparition et cette
apparition, et que sont ces écritures ?» — Il répondit : « Dieu efface ce
qu’il veut et inscrit [ce qu’il veut], en Lui est la mère du Livre » [Cor :
XIII=39]. Puis Dieu le Très-Haut le fit asseoir entre le piédestal et le trône
sous une tente faite de lumière jusqu’à qu’il soit familier de Son royaume
angélique, et qu’il allume son feu avec le tison enflammé de la lumière de Son
royaume de majesté 95.
93
- Puis Dieu créa les porteurs du trône, qui sont les
gnostiques, les très nobles anges vertueux. Dieu créa Séraphiel, Azraël96,
Michel et Gabriel 97 — sur eux le salut. Dieu le Très-Haut leur
adressa une révélation en ces termes : « Ô Mes anges
! allez vous mettre au service du pur élu de l’amour, le prince du royaume ! »,
ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Prosternez-vous devant Adam ! » [Cor
: 11=34, VII=11, XVII=61, XVIII=50, XX=116]. Ils dirent : « Yaurait-il donc
meilleur que nous dans le monde angélique ? » Ils s’étonnèrent et furent pris
de stupeur. Lorsqu’ils le virent, lui, le signe de Dieu qualifié par les
attributs de Dieu le Très-Haut, dans le pays de Dieu, ils s’envolèrent pris
d’étourdissement, et se prosternèrent sous l’effet de sa beauté et de son
aspect vénérable. Dieu le Très-Haut ordonna : « Relevez vos têtes ! ». Alors
ils relevèrent leurs têtes et demeurèrent en face de Lui, honteux et rouges de confüsion.
Ils dirent d’une voix triste : « Nous ne possédons pas d'autre science que
celle que Tu nous as enseignée » [Cor., 11=32]. Puis il le saluèrent et
entrèrent à son service. Alors l’esprit dit : « Bienvenue aux très nobles que
Dieu a choisis pour l’obéissance et la soumission ». Il s’habituèrent98
à le servir et le vénérèrent pour sa dignité. L’esprit se mit debout au milieu
des anges pour remplir le service divin, mille ans en une seule station debout.
Puis il s’inclina mille ans en une seule inclinaison, et il se prosterna mille
ans en une seule prosternation. Ils furent stupéfaits par son comportement. Ils
lui témoignèrent leur respect. Tous reconnurent qu’il était leur prince et
qu’il était meilleur qu’eux-mêmes, ainsi qu’il — sur lui le salut — l’a dit : «
Le croyant est meilleur que les anges » ".
22
-
Puis Dieu créa le lotus de la limite d’une lumière brillante 10ü. Et
Dieu créa en-dessous de lui le jardin de la demeure 101, comme II —
que Sa louange soit exaltée — l’a dit : « Dans le lotus de la limite, en lui
est le jardin de la demeure » [Cor. : LIII= 14-15]. L’esprit s’envola avec
les anges. Il se posa sur le lotus, et récita les gloires de Dieu mille années
durant. Puis il pénétra dans le jardin de la demeure. Il mangea de ses fruits,
et il but à ses fleuves. Il vit ses palais et ses tentes. La belle (hûr)
du paradis se tint devant lui prête à le servir et ses pages aussi. Puis Dieu
le Très- Haut créa huit jardins [du paradis] emplis du délice éternel ; et il
s’envola en leur sein mille années durant. Il se consacra à l’invocation de
Dieu le Très-Haut en disant : « Le Très-Exalté, le Très-Saint ! O seigneur des
anges et de l’esprit ». Alors Dieu le Très-Haut créa sept cieux pour être le
lieu de sa gravitation. Il descendit dans les cieux et adora Dieu le Très-Haut
durant mille années. Et Dieu créa le soleil, la lune et les étoiles pour lui
servir d’édification. Puis II créa le feu pour l’effrayer et le menacer [d’un
châtiment éternel]. Puis Dieu — qu’il soit béni et exalté — créa le temps et
les jours pour fixer l’ordre de son culte, de son jeûne rituel, et de sa
dévotion. Ensuite Dieu créa la terre, les montagnes, les océans, les fleuves,
les nuages, les vents, les animaux, et les plantes pour qu’il retourne dans
tous les sens Sa création, qu’il en agisse à sa guise avec elle, et qu’il la
scrute avec discernement, ainsi qu’il — qu’il soit loué et exalté — l’a dit : «
Dans la création des cieux et de la terre, l’opposition de la nuit et du
jour sont des siffles pour ceux qui sont doués d’esprit » [Cor. : 111=190].
Puis Dieu voulut créer son corps et sa forme pour qu’il s’en charge, parce que
les cieux, la terre, le trône, et le
piédestal refusèrent à cause de la force de la connaissance mystique, et de
l’empire de l’affirmation de l’unicité, ainsi qu’il — que soit exaltée Sa
majesté — l’a dit : « Nous avons présenté le dépôt divin aux deux, à la
terre et aux montagnes. Ils ont refusé de s3en charger et en furent
terrifiés. Alors Phomme s3en chaigea » [Cor. : XXXIII=72]. Puis
II saisit un peu de la surface de la terre et II la fit fermenter pour la
destiner à la condition créaturelle. Il créa pour que s’écoule [en lui] la
condition seigneuriale. Il créa ses deux yeux afin qu’il s’instruise en
observant, ses deux oreilles afin qu’il écoute, la langue pour qu’il s’exprime,
ses deux mains pour saisir avec force, ses deux jambes pour marcher, pour [lui]
être une dignité spécifique et une marque d’honneur. Puis II fit croître avec
soin le corps, durant quarante [matins], de la main de la tendresse et de la
compatissance, ainsi qu’il l’a dit : « fai créé de Mes mains » , et ce
jusqu’à ce qu’il atteigne la perfection de la puissance. Puis Dieu envoya
l’esprit depuis le ciel jusque sur la terre, et lui ordonna d’entrer dans le
corps. Il le vit à l’image de Sa propre forme, et bien fait à l’image de Sa
belle apparence. Mais II vit qu’il était affaibli et livré à l’angoisse et
qu’il le redoutait. Dieu — qu’il soit loué — dit alors : « Entre et n’ai pas
peur car tu fais partie des loyaux ». Et il entra sur l’ordre de Dieu ainsi que
l’a dit Dieu le Très-Haut : « fai insufflé en lui de mon esprit » [Cor. : XV=29,
XXXVIII=72]. Lorsqu’il entra, il vit les signes supérieurs dans le lieu
inférieur, tels que le trône, le piédestal, le voile, les anges, la tablette,
le calame, le paradis, le feu [l’enfer], les cieux, la terre, les montagnes,
les déserts, et les océans ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Nous leur
ferons voir Nos signes dans ïunivers et en eux-mêmes » [Cor. : XLI=53].
Puis il vit les voiles nuptiaux dans les voiles nuptiaux, le voile dans le
voile, le supérieur dans l’inférieur, l’inférieur dans le supérieur, le proche
dans le lointain, le lointain dans le proche, le temps dans l’espace, l’espace
dans le temps, et il y pénétra. Il rechercha Dieu le Très-Haut dans chaque
demeure, dans chaque étape, mais II ne [Le] trouva pas. Il fut pris de stupeur
après cela. Alors Dieu dévoila la Superbe [dans] le voile de la Superbe, et Se
montra pour qu’il Le voit. Il se prosterna devant Dieu le Très-Haut et dit : «
O mon prince ! J’ai été pris de stupeur à cause de Toi, et à cause Ton ordre.
Quelle est donc cette amitié ? ». Il répondit : « La mine de la providence, la
vérité de la suffisance, le site de la proximité et de la contemplation ».
Comme Il — qu’il soit béni et exalté — l’a dit : « Nous sommes plus proches
de lui que sa veine jugulaire » [Cor. : L=16].
23
-
Puis, après cela, il fut doué de puissance dans la présence de la présence, et
il fut façonné dans le monde de la forme. Il installa l’imagination dans le
cerveau, l’intelligence, la compréhension, la réflexion, la perception, et la
conscience dans le cœur, et le cœur dans la poitrine. Il emprisonna l’âme
[appétitive] entre ses deux flancs et II plaça Satan, stupéfait et blessé, tapi
entre la chair et le sang, ainsi qu’il — la bénédiction et le salut de Dieu
soient sur lui — l’a dit : « Satan s’écoule de la descendance d’Adam par les
canaux du sang » . Et l’on obstrue ses canaux par la faim et la soif.
24
-
Lorsque la forme corporelle se mit à briller de la beauté de l’esprit, elle se
mit en mouvement. Elle se dressa sur l’ordre de Dieu. Elle regarda le monde
angélique des cieux et de la terre. Puis, après cela, elle dirigea son regard
vers elle-même. Alors elle sut et connut qu’elle avait été créée, et qu’elle
avait un créateur. Alors elle exalta la transcendance de Dieu le Très-Haut et
Le sanctifia. Elle dit : « Que Dieu soit béni ! Lui, le meilleur des créateurs
». Elle se prosterna devant Dieu — qu’il soit béni et exalté — en gratitude et
action de grâce pour Sa générosité et Ses faveurs, pour sa création et sa
nature. Alors les anges du ciel se mirent à pleurer du fait de son désir [pour
Dieu]. Ils demandèrent à Dieu de l’élever. Dieu l’éleva alors jusqu’au ciel. Il
le fit pénétrer dans Son jardin, et II le fit asseoir sur le trône du royaume.
Il fit se prosterner les anges du ciel devant lui jusqu’à ce que fût passé autant de temps que
ce que Dieu le Très-Haut voulut. Puis il apprit le péché jusqu’à ce qu’il lui
pardonne par l’indulgence et lui fasse voir l’étape spirituelle du repentir.
Comme Dieu le Très-Haut l’a dit : «Adam désobéit à son seigneur et fut dans
l’erreur Puis son seigneur l’élut, lui pardonna et le dirigea. Il dit » [Cor.,
XX=121-122]. Dieu — qu’il soit loué et exalté — dit : « Ô vous qui êtes soumis
à l’épreuve ! Sors de Mon paradis et va habiter la demeure de Mon épreuve » .
Dieu le fit descendre du ciel jusque sur la terre, Il le précipita dans la
stupeur, Il l’emplit de tristesse, et lui interdit de s’unir à Lui. Il [Le]
supplia avec humilité. Il pleura deux cent années sur sa séparation et son
exil. Puis II lui pardonna par Sa bienveillance et Son pardon. Il lui fit voir
l’étape spirituelle de la résipiscence, et lui inspira la plus belle excuse et
la récitation de : « Celui qui Me voit, L’a vu au tout premier commencement »,
ainsi qu’il — que Sa majesté soit exaltée — l’a dit : « Adam reçut des
prescriptions de son seigneur, et II lui pardonna » [Cor., 11=37]. Puis II
l’emprisonna dans la maison de l’épreuve jusqu’à ce que se soit écoulé un long
moment. Et II le transportait chaque jour soixante-dix fois d’une étape
spirituelle à une autre, ainsi que l’aimé du Compatissant — la bénédiction et
le salut de Dieu soient sur lui — l’a dit : « Je demande pardon à Dieu
soixante-dix fois par jour » et ce jusqu’à ce qu’il découvre dans l’exil ce
qu’il avait vu dans la proximité [de Dieu]. Le commencement de l’esprit
s’établit entièrement dans la nature primordiale par son achèvement dans la forme
sensible. Lorsque ses opérations furent achevées, que ses états spirituels
eurent atteint la perfection, vint l’instant du retour à sa demeure et au lieu
de son séjour. Alors Dieu le Très-Haut l’appela par ses mots : « O âme
pacifiée retourne à ton seigneur » [Cor., LXXXIX^ZT-ZS]. L’esprit atteignit
les vergers de la contemplation. Dieu éleva alors sa forme corporelle jusqu’au
paradis du dévoilement. Il la purifia avec la pureté simple, et lui fit revêtir
la robe de la surexistence. L’esprit se mêla à la forme corporelle, et la forme
à l’esprit jusqu’à ce qu’il devienne telle une lampe claire dont le verre est
un verre limpide. Il pénétra dans Son éternité sans fin comme il était sorti de
Son éternité sans commencement. Par Lui il fut suscité, à Lui il retourne .
II
29
-
Nous avons décrit l’itinéraire de l’esprit dans les étapes spirituelles de ceux
qui sont doués du dévoilement, des gnostiques, des unifiés, et des amants,
ainsi que ce que Dieu m’a révélé des principes de leur religion, de leur but,
de leurs états spirituels, de leur dévoilement, de leurs secrets, de leurs
sciences, de leur connaissance mystique, de leurs vérités, de leurs finesses
spirituelles, de leur ascension céleste, de leurs entretiens spirituels, et ce
qui n’a pas de fin, celui que Dieu le Très-Haut a caché aux cœurs des créatures
depuis le début de sa création jusqu’à la fin de son itinéraire dans le monde
angélique du Seigneur des mondes. Nous n’avons mentionné au sujet de cette
chose, ni ce qu’elle contient de sacré, ni son essence, car Dieu, le Très-Haut,
en a célé la science en disant — que sa majesté soit exaltée — : « Dis :
l'esprit est issu de l'ordre de Mon seigneur, et il ne vous a été donné que peu
de science » [Cor., XVII=85], c’est à dire de la science de mon Seigneur.
‘Abdallah ibn Burayda 108 a dit : « Nul, qu’il soit homme, génie,
ange, ou démon, ne peut atteindre la science qui concerne l’esprit dont vit
l’homme, si ce n’est Dieu le Très-Haut ».
108
- Les savants ont des opinions divergentes concernant la
nature de l’esprit. Un groupe [d’entre eux] a dit : « L’esprit est le sang. Ne
vois-tu pas que celui qui perd abondamment son sang périt ? ». Un groupe a
soutenu l’opinion que l’esprit est le fait d’inspirer de l’air ; [ 109
et un autre groupe a dit : « L’esprit est une lumière issue de la lumière de
Dieu le Très-Haut », et ils croient qu’il est fait de la lumière de Son
essence. Un groupe a dit : « Une vie issue de la vie de Dieu » 110.
Un autre a dit : « Les esprits sont créés, tandis que l’esprit-saint est issu
de l’essence de Dieu le Très- Haut ». D’autres ont dit : « Les esprits du
vulgaire sont créés, mais les esprits de l’élite ne sont pas créés. ». Un autre
groupe a dit : « Les esprits sont prééternels, car ils ne meurent pas, ne sont
pas punis et ne sont pas soumis aux épreuves ». Un groupe a dit : « Les esprits
migrent d’un corps à l’autre » 111 ]. D’autres ont dit : « L’esprit
a été créé de lumière ». Un autre groupe a dit : « L’esprit est double, esprit
divin et esprit humain ». Le commun des mu'tazilites et des najjârites 112
a affirmé : « L’esprit est un accident ». Ils se sont tous trompés dans ce
qu’ils ont pensé à son sujet, et la majorité d’entre eux n’a jamais réussi à tomber
d’accord mis à part les chrétiens, [ parce qu’ils ont conçu une idée de sa
constitution que Dieu avait exclu de sa nature ; et parce qu’il l’a placé
au-dessus de ce que la science peut embrasser ou de sorte que quiconque ne
puisse le décrire autrement que de la façon même dont Dieu le Très-Haut l’a
décrit ] 113. Le Très- Haut a dit : « Ils te questionnent au
sujet de l'esprit. Dis : l'esprit est issu de l'ordre de mon seigneur »
[Cor., XVII=85].
30
-
[ Ce sur quoi s’accordent les adeptes de la vérité et de la sagacité c’est
[l’idée] que les esprits sont tous créés et qu’ils sont un ordre issu de
l’ordre de Dieu. Il n’y a entre lui et Dieu aucun autre lien ou relation que le
fait qu’il se trouve dans Son royaume et Son obéissance. Dans le lieu de son
enfermement il n’est pas réincarné ; il ne sort pas d’un corps pour entrer dans
un autre ]. Mais l’école des sages soutient à ce propos que « Dieu le Très-Haut
a créé les esprits de six choses, de l’essence de la lumière, de parfum, de la
surexistence, de la vie, de la science, et de la hauteur. Ne vois-tu pas que
tant qu’il demeure dans le corps, celui-ci est lumineux, les yeux voient, les
oreilles entendent, et il répand une bonne odeur. Lorsqu’il [en] sort, le corps
sent mauvais. Il demeure, mais lorsque l’esprit s’en sépare, il disparaît. Il
est vivant mais, quand il en sort, il meurt. Il est savant mais lorsque
l’esprit sort de lui, il ne sait plus rien. Le corps est supérieur et subtil,
tant que l’esprit demeure en lui, mais quand il en sort il devient inférieur et
sale ». Ibn al-Rîwandî114 a dit : « L’esprit est un corps subtil qui
habite le corps ». Le bon choix parmi ces dires réside [dans l’affirmation] qu’il est un corps subtil, ce
que démontre le propos du Très-Haut qui décrit l’attribut des martyrs : « Au
contraire ! Ils sont vivants auprès de leur seigneur, comblés par leur
attribution, joyeux de la faveur que Dieu leur a accordée » [Cor,
111=169-170]. Or, le fait d’être comblé par la faveur de Dieu comme la joie
font partie des attributs des corps, mais ce qui est désigné ici c’est leurs
esprits puisque leurs corps, eux, sont tourmentés dans la terre. De même [le
démontre] ce qu’on a rapporté : « Les esprits des martyrs sont suspendus à
l'arbre du paradis, ils s'abritent auprès des lampes pendues sous le trône [de
Dieu] » [hadîth}. Or ce phénomène ne peut provenir de l’accidentel.
Quelqu’un a rapporté qu’ibn ‘Abbâs — que Dieu soit satisfait de tous deux — a
dit : « Lorsque l’esprit sort [du corps] de l’homme, le corps meurt et l’esprit
prend une autre forme ».
117
- Quant à ce à quoi a fait allusion la langue des adeptes
des vérités spirituelles pour ce qui concerne la description de l’esprit,
c’est ce que Abû Bakr ibn Sa‘dân 115 a dit : « L’esprit a été créé
de la lumière et a été établi dans les ténèbres des figures. Lorsque l’esprit
devient plus fort il ressemble à l’intelligence ; les lumières se succèdent les
unes aux autres et des figures s’effacent leurs ténèbres. Alors les figures
deviennent spirituelles [lumineuses : Rûzbihân- nâma] par les lumières de
l’esprit et de l’intelligence. Il se laisse mener et suit assidûment sa voie.
Les esprits retournent à leur mine originelle. Depuis le monde caché ils
contemplent les voies qu’empruntent les décrets et ils en gravissent le cours.
Celui-ci contempie ce qui s’écoule des
arrêts divins et celui-là se satisfait des résultats du décret et de l’arrêt
divins, ceci fait partie des états spirituels les plus subtils ». Certains ont
dit : « Les esprits ont été créés de la joie, car ils s’élèvent à jamais vers le
site de la joie ». Le maître Abû Nasr al-Sarrâj — que la miséricorde de Dieu
soit sur lui a dit : « Dieu le Très-Haut a créé l’esprit d’Adam sur lui le
salut — [de la lumière : Rûzhihân-nâma] du royaume angélique, et son
corps de la terre » 116. Al-Wâsitî — que la miséricorde de Dieu soit
sur lui — a dit : « Les deux déterminations de majesté et de beauté ont été
puisées et les esprits sont apparus entre les deux ». Il a aussi dit : « Je
suis le fils de l’éternité sans commencement et de l’éternité sans fin, parce
que je suis le fils de l’éternité sans commencement et de l’éternité sans fin
avant que de n’être le fils de l’eau et de l’argile » 117. Il a
aussi dit : « Dieu le Très-Haut a créé les esprits entre Sa majesté et Sa
beauté, et, si Dieu le Très-Haut ne les avait pas cachés par l’eau et l’argile,
tout ce qui est apparu dans les deux régions de l’être se serait prosterné
devant eux » 118. Al-Shiblî — que la miséri corde de Dieu le
Très-Haut soit sur lui — a dit : « C’est par Dieu que se sont dressés les
esprits, les corps et les pensées et non par leurs essences respectives » 119.
al-Wâsitî — que la bénédiction de Dieu soit sur lui — a dit : « L’esprit est
double, un esprit par lequel la créature [reçoit] la vie, et un esprit par
lequel la créature 120 [reçoit] la lumière, lequel est l’esprit dont
Dieu — qu’il soit loué et exalté — a dit : « C'est ainsi que Nous t'avons
révélé un esprit issu de Notre ordre » [Cor, XLII=52] ». Abû Abdallâh
al-Nibâjî a dit : « Lorsque le mystique atteint l’union, se trouvent en lui
deux esprits dont un esprit qui n’est pas sujet au changement et à la
coloration des états spirituels » 121.
118
- Quant à l’avis que je suis — mais Dieu est le plus savant
— il est que l’esprit est un secret caché en Dieu le Très-Haut, nulle de Ses
créatures ne peut l’observer à moins qu’elle ne soit au nombre des gnostiques
investis de la condition seigneuriale à qui Dieu le Très-Haut a voulu qu’il se
révèle dans le dévoilement. Ils le voient alors sous une forme de nature
spirituelle, mais ils ne connaissent pas la vérité de sa constitution. La
preuve qu’il est investi de cet attribut est apportée par le propos du Prophète
— que la bénédic tion et le salut de
Dieu soient sur lui — qui a dit au cours de l’ascension céleste : « J’ai vu
Adam dans le ciel du monde d’ici-bas. J’ai vu Jésus et Jean dans le deuxième
ciel. J’ai vu Joseph dans le troisième ciel, Idrîs dans le quatrième ciel, et
Aaron dans le cinquième ciel. J’ai vu Moïse dans le sixième ciel, et j’ai vu
Abraham dans le septième ciel » .
Et on ne dispute pas le fait qu’ils sont tous morts dans le monde d’ici-bas, à
l’exception de Jésus, que leurs corps sont demeurés dans la terre mais que
leurs esprits sont montés dans le monde angélique du ciel. Une autre preuve que
l’esprit est une forme subtile est fournie par l’allusion du prophète — que la
bénédiction et le salut de Dieu soient sur lui — concernant l’apparence des
esprits : « Les esprits sont une armée rangée en ordre de bataille. Ceux
d’entre eux qui se reconnaissent s’allient, et ceux qui s’ignorent s’opposent »
’23. Or l’amitié et l’opposition n’apparaissent pas autrement qu’à
partir de la forme sensible. De la même manière quiconque voit le Prophète — la
paix soit sur lui — dans le sommeil voit l’esprit du Prophète —Dieu le bénisse
et le salue — car l’imagination et la représentation figurative font partie de
la vision de la forme sensible, et non de la vision de l’esprit comme il — Dieu
le bénisse et le salue — l’a dit : « Qui m’a vu, m’a véritablement vu, car le
démon ne peut revêtir mon apparence ». Ceci constitue une allusion subtile pour
les adeptes des vérités et des preuves manifestes pour les adeptes des finesses
spirituelles. La réponse au problème qu’a soulevé quelqu’un qui demandait
quelle est la preuve de ce que l’esprit a été créé avant le trône, le
piédestal, le royaume et les anges, est — que Dieu nous assiste — que les êtres
et les créatures sont tous des corps et des accidents, et qu’il n’y a donc
aucune divergence quant au fait que Dieu le Très-Haut a créé les esprits avant
les corps. La certitude en est donnée par la parole du Prophète — la paix soit
sur lui — : « Dieu a créé les esprits deux millions d’années avant les corps » ,24.
Il a été rapporté dans les traditions que la première chose que Dieu le
Très-Haut a créé c’est la lumière de Muhammad 125 — Dieu le bénisse
et le salue — ce qui constitue une allusion à l’antériorité de son esprit — la
paix soit sur lui — sur les êtres.
31
-
Apprends — que Dieu t’assiste dans la voie de la droiture — que Dieu — qu’il
soit loué et exalté — a créé l’essence des esprits des hommes pourvue de
différences comparables à celles qui existent entre les corps — certains sont
sales et grossiers, tandis que d’autres sont doux et délicats, et certains sont
noirs, d’autres rouges et d’autres encore, blancs — comparables à celles qui
existent entre les caractères — certains sont sensibles, bienveillants,
généreux, et proches des autres, d’autres sont cruels, durs, avares, et vils —
et comparables à la différence entre ce qui attendrit et ce qui est détestable,
et entre les voix agréables et les voix insupportables. Certains ont été faits
des lumières du royaume angélique : ce sont les esprits des prophètes, des
gnostiques, des saints et des rapprochés. Il les a fait entrer dans les
chambres nuptiales de Sa majesté. Il S’est révélé à eux par la lumière de Sa
beauté, et leur a fait revêtir le vêtement de Ses attributs. Comme l’a dit le
maître Abû Nasr al-Sarrâj — la miséricorde de Dieu soit sur lui — : « Dieu —
qu’il soit loué et exalté — a créé l’esprit d’Adam — sur lui le salut — de la
lumière du royaume angélique », et c’est pour cela qu’il a été pris d’un
violent désir pour Sa majesté, Sa beauté, et Son union. Il a créé les esprits
des croyants de nature spirituelle et paradisiaque, et c’est pourquoi ils ont
éprouvé le désir du paradis. Les esprits des insouciants ont été faits de la
nature de l’atmosphère, c’est pourquoi ils ont incliné vers le bas- monde. Il y
a certes une grave méprise chez quiconque s’imagine que son esprit est
comparable à celui de Muhammad — sur lui le salut — car l’esprit du Prophète —
sur lui le salut — est une création de la réalité de majesté et de sainteté. Et
les esprits des prophètes et des véridiques quoique d’une nature de pureté et
apparentés au royaume angélique, ne peuvent lui être comparés, puisqu’il est
dans la création le plus proche de Dieu — qu’il soit loué et exalté. Le joyau
de son esprit a été distingué [par des propriétés spécifiques] entre toutes les
créatures à la mesure de Sa proximité à Dieu — qu’il soit loué et exalté — et
de même en ce qui concerne les esprits des gnostiques et des véridiques par
rapport au commun des gens.
32
-
Et aussi, de même que les esprits comportent des différences, l’argile de
leurs corps comporte des différences. Par conséquent certains sont meilleurs
que d’autres comme il est rapporté dans les traditions de David — sur lui le
salut — [où] Dieu le Très- Haut a dit : « O David ! J’ai créé l’argile de mes
amis de l’argile d’Abraham, Mon ami intime, de Moïse, Mon confident [de Jean :
ms. AS, F], et de Muhammad, Mon élu. C’est de Ma lumière que J’ai créé l’esprit
de ceux qui brûlent de désir, et c’est de Ma majesté que Je les ai à précipités
dans le malheur et comblés de bienfaits ». Il faut que tu saches que Dieu le
Très-Haut les a distingués par la connaissance mystique l’amour, la proximité,
le discours et la contemplation. Il a créé leur esprit de beauté, de majesté
et de lumière, car II les a créés pour Lui-même ainsi qu’il l’a dit à Moïse —
sur lui le salut — : « Je t’ai réservé pour Moi » [Cor., XX=41]. Or, il
est nécessaire que celui que Dieu le Très-Haut a réservé pour Lui-même, soit
plus beau que toute chose parce que Dieu le Très-Haut est délicat ; et seul le
subtil peut parvenir à Son union ainsi qu’il — la paix soit sur lui — l’a dit :
« Dieu est beau et II aime la beauté ».
33
-
Apprends ô mon frère — que Dieu te confère la lumière de la certitude — que
l’esprit, le cœur, et l’intelligence sont doués de contemplations. La
contemplation de l’intelligence consiste en ce que les attributs de la
puissance divine se dévoilent à partir de l’occultation des signes divins ainsi
que l’a dit al-Wâsitî : « Les choses ont souri aux mystiques à travers les
lèvres de la puissance divine » . La contemplation du cœur est la représentation
de la lumière de la certitude ainsi que certains l’ont affirmé : « La contemplation
du cœur est la certitude ». La contemplation de l’esprit consiste en la
contemplation de visu ainsi que Dieu le Très-Haut l’a promis dans les
jardins [du paradis]. Et aussi comme l’a dit al-Shiblî — la miséricorde de Dieu
soit sur lui — : « Pour les gnostiques la contemplation du bas-monde se
dévoile à partir de celle de l’autre monde ». La plupart des créatures sont
retranchées de cette étape spirituelle par un voile, y compris les serviteurs
de Dieu, les ascètes, les grands savants qui affirment que la vision de Dieu
est impossible dans le bas-monde en invoquant la parole du Très-Haut : « Les
regards ne peuvent Le voir alors que Lui peut voir les regards » [Cor, VI=
103]. Ils se sont trompés en cela parce que Dieu le Très-Haut a mentionné [ici]
les regards de l’extérieur [du corps]. Quant à ce que nous admettons c’est ce
que nous avons affirmé, à savoir qu’il s’agit [ici] des regards de l’intérieur
et non des regards de l’extérieur. De plus, Dieu a voulu désigner ainsi une
représentation qui embrasse la totalité, même s’il ne peut y avoir dans le
monde d’ici-bas, ni dans l’autre monde, de représentation de Lui, ni de
représentation qui L’englobe, puisqu’il est tellement grand et puissant
qu’aucune de ses créatures ne saurait Le voir et en embrasser la totalité.
D’autant que les gnostiques détiennent une étape spirituelle plus grande que
celle-ci. C’est que lorsque la pureté de Sa majesté illumine l’esprit des
gnostiques et que cette lumière atteint l’œil externe apparaît entre l’œil de
l’esprit et l’œil externe un chemin par lequel la lumière s’écoule. Alors, le
gnostique voit par cette lumière les attributs de Dieu le Très- Haut en toutes
choses ainsi que certains l’ont dit : « Je n’ai jamais vu une chose que je n’ai
vu Dieu avant cette chose » . Ceci constitue pour les gnostiques une
importante allusion subtile à la vision, et c’est la limite extrême de l’étape
spirituelle des adeptes du dévoilement. Nul doute que cet ensemble d’hommes
n’atteindra jamais cette étape spirituelle car leurs cœurs sont occupés du bas-
monde et leurs regards se dérobent et se détournent de la vie future ; or,
quiconque est investi de cette propriété, Dieu lui interdit d’atteindre cette étape
spirituelle. La plupart des adeptes des paradoxes extatiques ont été pris de
rire et de stupeur dans cet océan, parmi eux Abû Yazîd al-Bistâmî, Dhû’l-Nûn
al-Misrî, Yûsuf ibn al-Husayn al-Râzî , al-Shiblî, Abû’l-Husayn al-Nûrî,
al-Junayd, Muhammad al-Jurayrî, Samnûn, al-Husayn ibn Mansûr, Abû’l-Abbâs ibn
Atâ , Abû Bakr al-Wâsitî, Yahyâ ibn MiTâdh al-Râzî, Abû Muzahim al-ShîrâzîAbû
Abdallâh Muhammad ibn Khafîf130 — la preuve de Dieu pour Sa [Cor.,
VI=103] création — Hishâm ibn Abdân, Abû Bakr al-Tamastânî, Ja‘far al- Hadhdhâ,
Abû’l-Husayn ibn Hind al-Qurashî 131, et bien d’autres encore qui
leur sont semblables parmi les maîtres spirituels — que Dieu soit satisfait
d’eux tous. [D’autres] qui leur sont comparables ont reculé devant cet océan
et ses remous car la main de Dieu accorde le bienfait à qui II veut. Dieu est
le grand détenteur des bienfaits.
34
-
Certains des falsificateurs contemporains affirment que Dieu le Très-Haut peut
être vu dans l’autre monde, mais par les coeurs et non pas par les yeux car
l’œil externe ne peut supporter de voir Dieu le Très-Haut du fait de la
faiblesse de sa lumière, et parce que l’œil ne peut voir quelque chose que dans
l’espace, alors que Dieu transcende l’espace. Ceci est la croyance des
miftazilites. Ils se trompent sur ce point car le croyant ami de Dieu et
sincère, et quand bien même ses péchés seraient nombreux, verra Dieu le
Très-Haut dans l’autre monde de visu par l’œil externe comme le prouve
la parole du Très-Haut — que soit exaltée Sa majesté — : « Des visages, ce
jour-la, seront tournés vers leur seigneur en contemplation » [Cor.,
LXXV=22-23]. Or Dieu le Très-Haut a privilégié la mention de la vision par les
visages et non par les poitrines, et l’œil fait partie de l’ensemble du visage,
tandis qu’il est certes impossible d’affirmer que la poitrine fasse partie de
l’ensemble du visage. Le cœur n’a pas le privilège du regard. En effet, c’est
l’existence toute entière du croyant dans le paradis qui est regard parce que
l’esprit et le corps sont là une seule chose comme le soleil et sa chaleur, de
sorte qu’il voit Dieu le Très-Haut par tous les membres [de son corps] 132.
De même que le cœur est admis à voir le Très-Haut sans
[la condition de] l’espace, l’œil peut voir Dieu le Très-Haut sans [la
condition de] l’espace car l’œil et le cœur sont tous deux des choses créées,
et il n’existe entre elles aucune différence du point de vue de la réalité
créaturelle. En fait, leur dessein, lorsqu’ils adjoignent la vision au cœur,
est la négation de la vision, puisqu’ils affirment que la vision du cœur n’est
qu’un supplément qui ajoute à la conviction, et que la science qui porte sur
Dieu n’est pas une véritable vision. Mais c’est là une immense erreur et un
raisonnement spécieux. Que Dieu nous protège ainsi que vous-mêmes de leur
croyance.
35
-
Certains d’entre eux ont dit que les anges sont meilleurs que les prophètes et
les véridiques. Ils se sont trompés en cela car Dieu le Très-Haut a joint
l’esprit d’Adam — la paix soit sur lui — à Lui-même, et II a dit : « J’ai
insufflé en lui de Mon esprit » [Cor., XV=29, XXXVIII=72]. De même il a lié
la formation de Sa créature à Lui-même, et II a dit : « J’ai créé de Mes
mains » [Cor., XXXVIII=75] durant quarante [matins]. D’ailleurs Dieu l’a
élu [en le plaçant] au- dessus des anges par Sa lieutenance en disant : « Je
vais placer un lieutenant sur la terre » [Cor., 11=30], et II leur a
ordonné de se prosterner devant lui. Or tout ceci constitue une spécificité et
une supériorité sur les anges. De plus, Dieu le Très-Haut a créé les anges de
nature spirituelle, et les esprits des prophètes et des gnos- tiques de la
réalité de majesté et de sainteté, et ceci aussi est une immense spécificité
ainsi qu’il — que soit exaltée Sa majesté — l’a dit : « Nous avons certes
honoré les fils d’Adam » [Cor., XVII=70].
36
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Certains des théologiens prétentieux ont dit : « L’esprit n’est ni à
l’intérieur de la forme corporelle ni à l’extérieur ». Ceci est une grave faute
parce que Dieu le Très-Haut dit : « J’ai insufflé en lui de Mon esprit »
[Cor., XV=29, XXXVIII=72], or ce verset est une allusion à l’entrée de
l’esprit dans la forme corporelle. Leur affirmation selon laquelle « il n’est
ni à l’intérieur ni à l’extérieur » provient de la faiblesse de leur
compréhension de ce problème. Ils se sont en
effet figurés que la forme corporelle est un lieu étroit qui ne peut contenir
l’esprit. Ceci est une erreur de l’imagination et une représentation absurde
parce que la forme corporelle de l’homme est le monde inférieur et parce
qu’elle contient le cœur, plus vaste que les cieux, la terre, le trône, et le
siège, et que celui-ci contient l’esprit qui est un signe de Dieu le Très-Haut
ainsi qu’il l’a dit : « Nous leur ferons voir Nos signes dans l’univers et
en eux-mêmes » [Cor, XLI=53]. '
37
-
Les sages divergent quant au [problème du] siège de l’intelligence. Les savants
en médecine affirment « qu’elle se situe dans le cerveau », et les adeptes de
la connaissance mystique affirment « qu’elle se trouve dans le cœur ». L’une
des preuves qu’invoquent les savants à l’appui de cela est qu’elle est
semblable aux cinq sens par lesquels l’homme perçoit les choses telles que
l’odeur, [le goût de] la nourriture, la chose visible, et la voix, et qu’en
effet tout ceci se trouve ensemble dans la tête. Nous avons appris que l’intelligence
se situe dans le cerveau, car les adeptes de la connaissance mystique le
démontrent en prenant argument de la parole du Très- Haut : « N’ont-ils
point parcouru la terre ? » [Cor, XII= 109, XXI=46, XL=82, XLVII=10]. Or,
ils possèdent des cœurs par lesquels ils connaissent, et comme Dieu leur a
manifesté clairement qu’ils ont des cœurs par lesquels ils connaissent, nous
avons su que l’intelligence se trouve dans le cœur. L’origine en est le propos
des adeptes de la connaissance mystique selon lequel Dieu le Très-Haut a créé
l’esprit pour la contemplation et le discours divin, et qu’il a créé
l’intelligence pour la bonne action et la recherche. L’esprit est le roi du
corps tandis que l’intelligence est son ministre, et tous deux sont parmi les
habitants du cœur car celui-ci est la contrée de la théophanie, de la
contemplation, du dévoilement, du discours, et de l’inspiration. Les merveilles
du cœur sont à l’image des dispositions innées, des mystères, et des trésors
des sciences et des sagesses. L’esprit se préoccupe de la vérité, et
l’intelligence de la loi divine. Tous deux ne se séparent pas l’un de l’autre
autant dans le monde d’ici-bas que dans l’autre monde, car l’esprit est à la
recherche de la contemplation, et l’intelligence à la recherche du paradis.
L’intelligence obtient le délice éternel par la bonne action, tandis que l’esprit
obtient la contemplation de Dieu — qu’il soit loué et exalté — par la vigilance
intérieure. La claire évidence réside en ce que Dieu a promis dans l’éternité
de l’éternité. Comme l’a dit ‘Alî ibn Sahl : « L’intelligence et l’esprit sont
tous deux conviés ensemble à [rejoindre] l’autre monde et à se défaire de la
passion et des appétits. C’est pourquoi on les nomme tous deux esprit » .
38
-
Certains savants ont affirmé que « l’esprit goûte à la mort comme le corps » et
l’ont démontré par la parole du Très-Haut : « Toute âme goûte à la mort »
[Cor, 111=185, XXI=35, XXIX=57]. Ils se sont trompés dans ce qu’ils se sont
figurés car l’esprit est un ordre de réalité seigneuriale, de sainteté, ayant
la nature du paradis et du royaume angélique. Il a été créé de la vie [forme :
ms. T] éternelle et pérenne. Dieu l’a fait grandir à l’ombre de Sa majesté,
dans la lumière de Son éclat, en face de Ses attributs. Il ne succombe pas à l’ivresse
de la mort, et la mort ne peut se frayer un chemin jusqu’à lui ainsi que Dieu
le Très-Haut l’a dit : « Au contraire ! Ils sont vivants auprès de leur
seigneur, comblés par leur attribution, se réjouissant de lafaveur que Dieu
leur a accordée » [Cor, 111=169-170]. D’ailleurs les esprits des gnostiques
sont plus apparents et plus élevés auprès de Dieu le Très-Haut que ne le sont
les esprits des martyrs parce qu’ « une seule âme d’entre les gnostiques est
meilleure que mille martyrs ». Ce que Dieu le Très-Haut a mentionné, à savoir
que l’âme goûte à la mort concerne l’âme animale humaine composée des quatre
éléments premiers. Lorsque Dieu le Très-Haut veut que l’esprit sorte [du corps]
Il l’appelle en disant : « O toi âme pacifiée retourne à ton seigneur
satisfaite et agréée » [Cor, LXXXIX=27]. Or celui qui est distingué par le
retour à la présence prééternelle et ancienne comment se pourrait-il qu’il
meure ? Après que l’esprit en soit sorti, les éléments premiers sont pris
d’agitation et les corps sont anéantis. Ce propos de Dieu le Très-Haut : « Toute
âme goûte à la mort » {Cor, 111=185, XXI=35, XXIX=57]. désigne celle qui a
été créée de terre, puis d’une goutte de semence^ puis d’un caillot de sang,
puis d’une masse flasque. On a identifié avec certitude les esprits spirituels
et célestes dans l’exégèse de la parole du Très-Haut : « Alors il sera
souffle dans la trompe et ceux qui sont dans les deux et sur la terre seront
foudroyés sauf ceux que Dieu voudra {épargner} » {Cor., XXXIX=68], et
l’exception s’applique [ici] au paradis et à ce qu’il contient, ainsi qu’au
feu, au trône, au piédestal, aux anges et aux esprits. Or voici que ce qui est
inférieur aux esprits ne périt pas, et les esprits ont la précellence par la
surexistence parce que Dieu le Très-Haut a créé les esprits de la lumière
aurorale, et s’il ne les avait pas voilés par la nature créaturelle de l’homme
[l’ensemble de] l’être se serait évanoui dans sa lumière comme les étoiles
disparaissent sous l’éclat du soleil. Dieu possède des serviteurs qu’il a
distingués par le désir, l’amour et la contemplation. Il se révèle à eux chaque
jour un million de fois, et leurs esprits sont chaque fois sur le point de
fondre sous l’effet des gloires de Sa face, et du désir de s’unir à Lui. Chaque
fois qu’il contemple leurs cœurs, leurs corps se consument sous le tranchant du
regard qu’il pose sur eux. Lorsqu’ils sont dans cet état, ils deviennent purs,
nettoyés qu’ils sont de la saleté de l’humanité et de la souillure de la
nature. Lorsqu’arrive le temps de la métamorphose, l’esprit et le corps
deviennent de même espèce , car l’esprit attire le corps jusqu’aux jardins [la
vie : ms. T] du délice éternel et l’arrache aux affres de la mort. Alors il
demeure pour l’éternité de l’éternité en compagnie de l’esprit. Il n’est pas
anéanti. Il s’envole par l’aile de la bonne action en compagnie de l’esprit
dans l’univers du royaume angélique ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit à
propos de l’ascension céleste de notre prince Muhammad — Dieu le bénisse et le
salue — : « Gloire à Celui qui a transporté Son serviteur la nuit du
sanctuaire sacré au sanctuaire très éloigné » [Cor, XVII= 1 ], à propos du
cas de Jésus — la paix soit sur lui — : «Je vais te rappeler et t’élever à
Moi » [Cor, 111=55], et à propos de l’état d’Idrîs — sur lui le salut — : «
Que Nous élevâmes à un rang auguste » [Cor, XIX=57]. Il a dit — que les
bénédictions du Compatissant soient sur lui — : « Nous sommes le compagnon des
prophètes et nos corps sont un esprit ». On a raconté une histoire qu’a
rapportée le maître Muhammad Abû ‘Abdallah ibn Khafîf — la miséricorde de Dieu
soit sur lui — qu’un adolescent kurde s’était envolé dans les airs si bien
qu’il disparut des regards de ses compagnons et qu’ils ne le virent pas revenir
. De même, Dieu le Très-Haut a des serviteurs qui volent dans les airs parmi
les substituts, les vertueux, les rapprochés, les pèlerins, et les choisis. Et
parmi eux se trouvent le pôle [ms. Fatih et Topkapi : le pôle ; autres mss. :
al-‘Itrî] et al-Khidr — que la paix soit sur eux deux. Que Dieu nous comble
ainsi que vous de l’étape spirituelle des gnostiques rapprochés.
39
-
Les avis divergent pour ce qui concerne ce à quoi s’adresse Dieu le Très-Haut
en l’homme. Certains ont dit que « c’est l’âme », et ils invoquent à l’appui de
cela la parole du Très-Haut : « Par l’âme et ce qui l’a formée
harmonieusement et lui a inspiré son libertinage et sa piété » [Cor,
XCI=7], et aussi le propos du Très-Haut : « L’âme appétitive est certes
instigatrice du vice » [Cor, XII=53]. D’autres ont dit que « c’est
l’intelligence » et ils l’ont prouvé par la parole du Très- Haut : « En
vérité, en cela sont des signes pour un peuple qui raisonne » [Cor, XVI=67,
XXX=24], et aussi par le propos du Prophète — Dieu le bénisse et le salue — qui
a dit : « La première chose que Dieu a créé c’est l’intelligence ». D’autres
ont dit que c’est le cœur, et l’ont démontré par la parole du Très-Haut : « L’ouïe,
la vue et le cœur de tout cela il sera demandé compte » [Cor, XVII=36], par
Sa parole : « Il a fait descendre [la révélation] sur ton cœur » [Cor,
11=97], et par Sa parole : « Le cœur n’a pas menti sur ce qu’il a vu » [Cor,
LIII=11]. D’autres ont dit que c’est l’esprit et ont invoqué comme argument la
parole du Très-Haut : « Au contraire ! Ils sont vivants auprès de leur
seigneur, comblés par leur attribution » [Cor, 111=169-170], et le propos
du Prophète — Dieu le bénisse et le salue — : « Les esprits sont dans les
entrailles d’un oiseau vert » [ + qui s’égaie dans les jardins, boit à ses
fleuves, et mange de ses fruits » in {Mashrab : 91, 251 & Abhar
: 142)]. D’autres enfin ont dit : « L’âme, le cœur et l’esprit sont un » . Mais
ils se trompent à ce sujet à l’exception de celui qui ajoute que la racine [en]
est l’esprit. Quant à celui qui dit que « l’âme est l’interlocutrice [du
discours divin] », il se fait des illusions, car l’âme que Dieu le Très- Haut a
mentionnée là est la forme corporelle. Ne vois-tu donc pas ce que dit Son
propos : « Par l’âme et ce qui l’a formée harmonieusement » [Cor, XCI=7]
? Or, c’est là une allusion à la formation harmonieuse de la forme corporelle.
Et si on demande quelle est la signification de Sa parole : « et II lui a
inspiré son libertinage et sa piété » [Cor, XCI=8].
40
-
La réponse — que Dieu [nous] assiste — est qu’elle [la forme corporelle] se
trouve entre la voie du bien et la voie du mal dans lesquelles elle habite.
C’est donc l’esprit parce que la forme sensible est le vêtement qui couvre
l’esprit. Or, lorsqu’il sort d’elle le corps est détruit. Il ne peut donc y
avoir de discours avec la forme sensible à moins que l’esprit ne soit en elle.
Quant à celle que Dieu le Très-Haut a mentionné en ces termes : « L’âme
appétitive est certes instigatrice du vice » [Cor, XII=53], il s’agit de
l’inclination pour l’appétit et pour la passion qui se trouve dans la forme
sensible de l’homme afin d’éprouver l’esprit, et des différents caractères tels
que les instincts blâmables comme la haine, l’ignorance, l’avarice, et la
jalousie, lesquels sont des ténèbres que Dieu le Très-Haut a créées . Mais
quant à celle que Dieu le Très-Haut a spécifiée par le serment et l’appel au
retour ainsi qu’il l’a dit : « J’fen] jure par Pâme qui censure » [Cor,
LXXV=2], et « Ô âme pacifiée » [Cor, LXXXIX=27-28], il s’agit de
l’esprit dont la nature appartient au royaume angélique, parce que la paix
intérieure et la censure sont deux attributs bénis d’entre les attributs de
l’esprit. En effet, l’âme a été créée de feu et l’esprit de lumière. Or le feu retourne
au feu, tandis que la lumière retourne à Dieu — qu’il soit loué et exalté —
ainsi que l’a dit le Prophète — Dieu le bénisse et le salue — : « Toute chose
retourne à son principe ». Il a dit — que Sa majesté soit exaltée — : « J’ai
insufflé en lui de Mon esprit » [Cor, XV=29, XXXVIII=72]. Al-Husayn ibn
Mansûr [Hallâj] — que Dieu sanctifie son précieux esprit — a dit : « Il y a en
l’homme de l’épais et du subtil, les ordres s’appliquent à l’épais tandis que
le discours se produit avec le subtil ». Mais celui qui affirme que
l’intelligence est l’interlocuteur se fait des illusions parce que Dieu le
Très-Haut a créé l’intelligence, lumière pour éclairer le cœur, exposition
claire de la science, charge qui s’impose à l’action et non dans un autre but.
L’intelligence est une lampe issue de Dieu le Très-Haut destinée [à éclairer]
les ténèbres des formes. Si donc il n’y avait pas d’intelligence, les paroles
seraient fausses et les états d’âme corrompus. Quant à celui qui dit que
l’interlocuteur est le cœur, et dont l’argument est la parole du Très-Haut : « Il
l’a fait descendre sur ton cœur » [Cor., 11=97], « Le cœur n’a pas menti
sur ce qu’il a vu » [Cor, LIII=11 ], et « lien sera demandé compte »,
ainsi que d’autres comparables, celui-là s’est trompé parce que le cœur est le
site de l’esprit et son siège. Si jamais une autre chose que ce que Dieu a déjà
mentionné se présente au cœur , le responsable en est l’esprit, ainsi que Dieu
— qu’il soit loué et exalté — l’a dit : « Interroge la cité » [Cor,
XII=82] c’est à dire les gens de la cité. L’inspiration prophétique descend en
révélation sur le cœur parce que le cœur est la maison de l’esprit, car
l’interlocuteur de l’inspiration prophétique est l’esprit et le cœur est pour
l’esprit le miroir de Dieu. Si une chose du monde caché apparaît en lui c’est
parce qu’il est la demeure de la vision. Toutefois le cœur est ce qui est
regardé par l’esprit et l’esprit celui qui regarde. Le sens de ce que le Très-Haut
a dit : « Le cœur n a pas menti sur ce qu’il a vu » [Cor, LIII=11 ] est
que le cœur n’a pas menti au sujet de ce que l’esprit a vu, c’est à dire qu’il
a agréé la vision qui est apparue dans le cœur. Tout ceci signifie que le cœur
est la cité de l’esprit, que l’esprit en est l’habitant. L’esprit est donc en
elle l’interlocuteur de Dieu ainsi que l’a dit al-Husayn ibn Mansûr [Hallâj] :
« Il y a en l’homme de l’épais et du subtil » jusqu’à la fin [du propos].
Certains ont dit : « Les créatures sont séparées de Dieu par un voile et
l’esprit est à la fois celui qui prononce le discours et celui à qui il est
adressé ». Par suite, le cœur pour les gnostiques est l’orient de la
théophanie, tandis que l’esprit est un pèlerin dans la sphère céleste de
l’imminence. Le cœur est la lucarne du royaume angélique, mais l’esprit est la
lampe du royaume de gloire. Le cœur est la conque de nacre [coffret : ms. AS]
des attributs, et l’esprit est le plongeur de l’océan de l’essence. Le cœur est
le jardin luxuriant de l’inspiration et l’esprit l’étendard de la générosité.
Le cœur est la mine originelle des caractères dont l’esprit est le vestige. Le
cœur est la cage de l’amour tandis que l’esprit est le rossignol du désir. Le
cœur est le verger de l’amour et l’esprit est le pur élu du royaume. Le cœur
est l’allée du dévoilement et l’esprit est assidu à l’ascension céleste de la
contemplation. Le cœur est l’œil de la sagesse et l’esprit est teint de la
teinture de la connaissance mystique. Le cœur est le miroir de la concentration
visionnaire et l’esprit est illuminé par la lumière de la providence. Le cœur
est la maison de la tendresse et l’esprit est ivre de certitude. Le cœur est
celui qui gravit le repentir et l’esprit est le voyageur de la conversion à
Dieu. Le cœur est la balance qui pèse la création tandis que l’esprit est ce
qui assure la subsistance du Vrai [Dieu]. Quant à [ce que représentent]
l’intelligence et l’âme pour les gnostiques : l’intelligence est l’exégète des
secrets tandis que l’âme est le portefaix des péchés. L’intelligence est la
guidance de Dieu, mais l’âme est l’ennemi [égarement : ms. T] des créatures.
L’intelligence est le défenseur qui repousse les suggestions [du démon] et
l’âme est la maison de l’échec. L’intelligence est l’habitant de l’inspiration,
et l’âme est l’intrigant qui manigance les rêves. L’intelligence marche en tête
des drapeaux tandis que l’âme épie l’occasion favorable [pour commettre] les
péchés. L’intelligence interdit la colère, alors que l’âme est le trésorier du
plaisir. L’intelligence recherche la douceur, tandis que l’âme s’adonne avec
assiduité à la gourmandise. L’intelligence soupèse les paroles, mais l’âme
corrompt les actions. L’intelligence médite sur les versets divins, alors que
l’âme provoque les malheurs. L’intelligence est le teinturier de la sagesse,
tandis que l’âme est le plongeur de l’océan de la souffrance. L’intelligence
est emplie par la représentation tandis que l’âme est créée d’associationnisme.
III
41
-
Apprends que l’esprit le cœur, l’intelligence et l’âme possèdent des caractères
innés. En ce qui concerne les caractères innés de l’esprit, ils consistent dans
l’itinéraire dans les mystères [les bienfaits : ms. M] et l’immersion dans les
arrêts divins.
Parmi ses caractères innés se trouvent la
purification et la bonne guidance, l’ivresse et la sobriété, la contraction et
la dilatation, la crainte et l’espoir, le cheminement dans l’éternité sans
commencement et l’envol dans l’éternité sans fin, l’esseulement et le
dépouillement de soi, la patience dans l’exil et le cheminement dans les
tristesses, la recherche de la contemplation et la proximité dans la
conversation [avec Dieu]. Parmi ses caractères innés se trouvent encore la
conservation des instants extatiques et le fait de tenir cachées les oraisons,
la satisfaction dans l’aspiration [l’adversité : ms. M] et l’attention portée à
l’antériorité de la providence qui accorde les oraisons, le rire quand il est
la proie de l’exultation et les pleurs lorsqu’il s’accable de reproches, le
plaisir dans l’audition du concert spirituel et l’entrée dans la pureté simple,
le fait de regarder de beaux visages et l’intimité de la rose et du myrte,
ainsi que l’a dit Dhû’l-Nûn Misrî — que la miséricorde de Dieu sur lui — : «
Qui demeure dans l’intimité de Dieu, est l’intime de toute belle chose blanche
et claire, de toute voix douce, et de tout parfum agréable »
Parmi ses caractères innés, figurent aussi la consomption
et le désir passionné, le fait de humer ce qui sent bon et le désir passionné
pour le visage de l’aimé, la tristesse et le gémissement, le cri et les
sanglots, l’agitation au cours de l’extase mystique, et l’anéantissement de
soi dans l’existant, l’amour de la retraite spirituelle et la quête de l’union
mystique, la contemplation et le dévoilement, le fait de s’élever dans
l’ascension céleste et le fait de gravir le chemin droit, la joie dans la
surexistence et la soumission à l’anéantissement de soi, le chant et la danse,
le fait de s’affranchir de la condition humaine et [le fait d’atteindre] l’unité
avec la déité.
J’ai mentionné un certain nombre de
caractères innés de l’esprit à ceux d’entre les adeptes des vérités qui
recherchent la droite à ceux qui s’instruisent des sciences des finesses
spirituelles.
Quant aux caractères innés
du cœur, en font partie la contrition et la conversion à Dieu, la crainte
révérencielle et l’effroi, l’attendrissement et la crainte [l’extase : ms. M],
la pureté et la fidélité, la patience et l’humble contentement, l’invocation
[des noms de Dieu] et la méditation, la vigilance intérieure et l’observation,
la recherche de l’extase, et la tristesse, la sincérité et la pureté
d’intention, la pudeur et la générosité 141, la science et le songe,
la probité et la loyauté, la bienfaisance et le courage, l’ascèse et la
pauvreté, la soumission [à Dieu] et la docilité, le regret et les lamentations,
la pitié et la compassion, et tant d’autres vertus que l’on ne saurait les
dénombrer toutes.
Quant aux caractères innés de l’intelligence, parmi eux se
trouvent le discernement et la réflexion, la science et l’exposition claire,
l’allusion et ce qui est en suffisance, la bienveillance et l’indulgence, le
soin et l’édification, la guidance et l’exultation, la compréhension et la
représentation, la sagacité et la gouverne, la faim, la soif, et l’abandon du
bas-monde et de ce qu’il contient, enfin l’ensemble des actions louables qui
sont issues des caractères innés de l’intelligence.
Et ce que j’ai indiqué à son propos est
suffisant pour celui qui est doué de compréhension.
Pour ce qui concerne l’âme,
on ne peut la connaître dans son essence de même que l’on ne peut connaître
l’essence de l’esprit dans sa vérité parce que l’esprit est le signe de la
douceur de Dieu le Très-Haut tandis que l’âme est le signe de Sa fureur. Or, la
fureur et la douceur sont deux des attributs de Dieu le Très-Haut, et Ses
attributs et Son essence sont une chose unique. Et de même que la science de Sa
vérité et de Sa substance est absurde, connaître la nature de l’esprit et celle
de l’âme est absurde, puisqu’ils sont tous deux recouverts de deux des
vêtements de Dieu le Très-Haut, lesquels sont la fureur et la douceur. Nul
d’entre ses créatures ne peut s’élever jusqu’à la vérité de Ses attributs, même
s’ils sont avérés grâce à la manifestation de Ses opérations théophaniques. Si
quelqu’un pose une question sur le sens de son propos — sur lui le salut — : « Qui
connaît son âme connaît son seigneur » [et affirme] qu’il s’agit d’une
allusion au fait qu’elle est douée de la connaissance mystique, nous répondons
quant à nous que le Prophète — que la bénédiction et le salut de Dieu soient
sur lui — a voulu au contraire nier qu’elle soit douée de la connaissance
mystique. Ceci est en effet un enseignement qu’il a adressé aux créatures
concernant l’impuissance à connaître Dieu — qu’il soit exalté. Ce qui revient à
dire que si vous ne pouvez connaître la vérité du créé, comment pourriez-vous
donc connaître la vérité du créateur ? La preuve de cela réside dans Sa parole
— qu’il soit loué et exalté — : « Ils n'ont pas mesuré Dieu à sa vraie
mesure » 142. C’est dans le même
sens que le Prophète a dit : « Je ne puis parvenir à épuiser Ta louange, car
Tu es tel que Tu Tes loué Toi-même » 143. On a demandé au
prêcheur des gnostiques, médecin de ceux qui brûlent d’amour [pour Dieu],
cierge du temps, preuve du compatissant, le “grand maître”, Abû ‘Abdallâh ibn
Khafîf — que Dieu sanctifie son esprit — de quelle nature est l’âme. Il
répondit « On ne peut la connaître en son essence ». Toutefois c’est par
la manifestation de ses actes qu’est démontré ce qu’elle est. Parmi ses
attributs se trouve l’opposition à Dieu. Elle est encline aux appétits. Les
actes de dévotion lui pèsent et c’est dans les futilités qu’elle trouve le
repos. Al-Wâsitî — que Dieu sanctifie son esprit — a dit : « U âme est
ténèbre et sa conscience secrète est sa lampe de sorte que celui qui na pas de
conscience secrète demeure à jamais dans les ténèbres ».
De même que l’esprit a des
caractères innés louables, l’âme a des caractères innés blâmables que nous
allons exposer aux aspirants [de la voie spirituelle] si Dieu le Très-Haut le
veut.
42
-
Parmi ses vices se trouvent l’amour de la compagnie des gens du vulgaire
adonnés aux futilités, des gens du marché qui sont négligents, et des rapporteurs de
traditions prophétiques ignorants. Le moyen de s’en guérir consiste à
fréquenter la compagnie des savants qui craignent [Dieu], et des serviteurs de
Dieu qui sont vertueux.
Parmi ses vices se trouve la compagnie des marchands, des
gens du conseil du gouvernement, des chefs des turcs, et des prisonniers [des
fous : ms. AE, M, V] qui sont dans le cercle qui entoure les princes et qui ne
se soucient de leurs affaires que par intérêt pour le bas-monde. Le moyen de
s’en guérir consiste à rechercher la compagnie des ascètes et de ceux qui
pratiquent l’abstinence et de songer aux états [des âmes] lors de la
résurrection en les rapportant aux diverses sortes de châtiments réservés aux
tyrans.
Parmi ses vices se trouvent la fréquentation des gens qui
prônent une liberté illimitée, des gens qui intriguent et qui exercent le
pouvoir, la fréquentation des lecteurs [du Coran] qui trahissent [le texte],
des juristes négligents, et des soufis ignorants. On la guérit par la compagnie
des gens de la vénération, de la piété, et de la gouverne qui font partie des
maîtres spirituels doués de certitude et des saints véridiques.
Parmi ses vices se trouve la fréquentation des gouvernants,
des gens pétris d’arrogance, de ceux qui miment ceux qui invoquent [Dieu] et
ceux qui viennent siéger sur leurs chaires [pour les imiter]. Le moyen de s’en
guérir consiste à s’asseoir en compagnie des soufis sincères empreints de la
crainte de Dieu et qui se livrent à la vigilance intérieure, comme l’a dit
al-Junayd — que la miséricorde de Dieu soit sur lui — : « S’il [Dieu] veut du
bien pour l’aspirant, Il lui facilite l’accès à la compagnie des soufis et
l’empêche de fréquenter les lecteurs [du Coran] ».
Parmi ses vices se trouvent la familiarité et
l’inclination à tenir compagnie aux femmes et aux adolescents, à contempler
leurs visages, comme le fait d’entretenir des rapports avec eux et de s’amuser
en leur compagnie ; de plus, celui qui
se conduit ainsi pense que cela ne lui est pas nuisible, comme l’a décrit le
Très-Haut : « Celui pour qui la laideur de son action sera parée pour lui
[de fausses apparences] et qui la considérera belle » [Cor, XXXV=8]. Le
moyen de s’en guérir consiste à cesser de les fréquenter, à entrer dans la
compagnie de ceux qui s’abreuvent de Dieu, et de ne s’en séparer en aucune
manière, ne serait- ce qu’une heure, ou même un instant, car ils sont la
forteresse de Dieu sur la terre. Quiconque est l’un d’entre eux se voit donc
protégé d’Iblîs et de ses armées, ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Tu
ne disposes d'aucun pouvoir sur mes serviteurs » [Cor, XV=42, XVII=65], et
ainsi qu’il — sur lui le salut — l’a dit : « L’homme est plus fort grâce à son
frère ». Yûsuf ibn al-Husayn — que Dieu sanctifie son esprit — a dit : «
Chaque fois que vous me verrez faire quelque chose faites-le sauf de fréquenter
des jeunes hommes car ce sont là les plus grandes des tentations ». Et il a
dit : « Le malheur des soufis se trouve dans la fréquentation des jeunes
hommes et des femmes ».
43
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Parmi ses vices se trouvent l’inclination pour le divertissement, la
plaisanterie, les choses agréables, le fait de se précipiter inconsidérément
dans les plus grands péchés, et diverses actions telles que celles que
commettent les jeunes garçons. Or ces actions dans leur ensemble durcissent le
cœur. Le moyen de s’en guérir consiste à examiner avec soin les sciences de la
communauté [des soufis], leur bonne éducation ainsi que leurs bonnes actions
jusqu’à pouvoir se délivrer du malheur qu’engendre la nature et à s’éduquer en
adoptant les usages propres à la vérité parce que Dieu le Très-Haut a jeté le
blâme sur un groupe d’impies en disant — qu’il soit exalté — : « Ceux qui
ont pris leur religion comme jeu et distraction » [Cor, VII=51] [ms.
Topkapi : « Ceux dont la religion est une distraction et un jeu » (Cor,
VI=70)]. Le Prophète — la paix soit sur lui — a dit : « Ne dispute pas avec ton
frère, ne plaisante pas avec lui, et ne lui promets rien de crainte de tromper
son attente » 146. Certains d’entre eux [les soufis] ont dit : « La
plupart des plaisanteries proviennent de la fausseté ».
Parmi ses vices se trouvent l’ignorance et la fausseté. Le
moyen de s’en guérir consiste à apprendre la science en compagnie des maîtres
de la vérité, et à s’engager dans les bonnes actions des soufis.
Parmi ses vices il y a l’habitude de se rendre chez ses
pères, ses mères, et ses proches parents, de fréquenter les maisons d’apparence
brillante, les hôtelleries et les amis que l’on se fait parmi les gens de la
région [où l’on habite]. Le moyen de s’en guérir consiste à s’exiler loin de sa
terre natale, à entrer dans un couvent de soufis sincères, luttant contre leur
âme et brûlant d’amour [pour Dieu] ainsi que Dieu — qu’il soit loué et exalté —
l’a dit : « Qui sort de sa maison s'exilant en direction de Dieu et de Son
prophète » [Cor, IV=100], et consiste à prendre patience en s’unissant à
leur effort [ascèse : ms. AS] et à leur pauvreté comme l’a dit Dieu le
Très-Haut à Son Prophète — la paix soit sur lui — dans le verset : « Prends
patience en compagnie de ceux qui prient leur seigneur le matin et le soir qui
désirent Sa face » [Cor, XVIII=28].
Parmi ses vices se trouvent l’amour de l’argent, des
terrains, des immeubles, des maisons spacieuses brillantes et dorées, des
enfants nés esclaves, de la famille et des esclaves, les parures d’or et
d’argent, et les diverses sortes de vêtements de soie. Le moyen de s’en guérir
consiste à contempler le caractère éphémère du monde, la venue de la mort,
l’incarcération de l’âme dans la tombe, la résurrection, le compte à rendre à Naqîr
et Qamtîr, la chaleur brûlante du feu [de l’enfer], [comparée à] la pérennité
du paradis et de son délice, et la subsistance de Dieu — qu’il soit béni et
exalté — ainsi qu’il — que Son nom soit exalté — l’a dit : « Tous ceux qui
sont sur elle [la terre] sont périssables, alors que subsiste la face de ton
seigneur qui détient la majesté et la générosité » [Cor, LV=26-27]. Le
Prophète — la paix soit sur lui — a dit : « Le bas-monde est un pont,
traversez- le et n’y fixez pas votre séjour ».
Parmi ses vices se trouvent le fait de douter de la
science, l’étude de ce qui s’oppose [au consensus], le fait de se livrer aux
disputes dans les assemblées des jurisconsultes, le fait de tenir des propos
acerbes en chaire, le fait de prononcer des avis juridiques, des sentences, des
jugements, de rendre la justice, l’amour des oeuvres littéraires, le fait de
déclamer la poésie, la lecture mesurée, la calligraphie, l’éloquence, le fait
de parler de nombreuses langues, la grammaire, le fait de se plonger dans
l’astronomie, la théologie, la science de la philosophie, et d’autres choses du
même type qui ont toutes pour but le pouvoir et le voile qui en est l’insigne,
qui ont pour but de faire se tourner les visages vers soi, et de s’attirer les
profits. Le moyen de s’en guérir consiste à goûter la pureté de la pratique
religieuse, à s’appliquer avec assiduité à la vigilance intérieure, à
fréquenter les maîtres de l’extase et du dévoilement, et à écouter les paroles
des adeptes de l’amour. On a ainsi rapporté qu’Abû’l-Abbâs Surayj — la miséricorde de Dieu soit sur lui — dit à
al-Shiblî : « O Abû Bakr ! Si tu [daignais] prêter un regard à la science du
droit, ils te demanderaient de rendre des avis juridiques ». Al-Shiblî répondit
: « Une pensée qui transporte ma conscience secrète est bien plus aimable que
soixante dix des jugements que peut prononcer ibn Surayj ».
Parmi ses vices se trouvent le fait d’orner les vêtements
rapiécés, le fait de coudre des vêtements de plusieurs couleurs dans le but de
soigner son apparence, le fait de se distraire l’esprit avec les couleurs des
vêtements et des frocs soufis qui comptent parmi les instruments dont se
servent les soufis. Or ce luxe provoque la suggestion diabolique. Le moyen de
s’en guérir consiste à se vêtir d’une étoffe rugueuse et d’avoir des égards
pour la conscience secrète ainsi que l’a dit Ruwaym à quelques-uns de ses
compagnons : « Cette situation n’arrive que par l’avilissement de l’esprit.
Pour l’éviter, que l’on ne s’occupe donc pas des futilités des soufis » .
Parmi ses vices se trouvent la pratique ostentatoire des devoirs
religieux, la douceur des propos, le fait de témoigner des égards aux
créatures, l’étalage de la misère et des sacrifices que l’on consent, le fait
de simuler en faisant une retraite spirituelle en poussant de grands cris et en
recherchant l’extase dans le but de se montrer aux autres d’acquérir de la
renommée et de jouir de la considération du vulgaire. Or ceci est la racine de
l’associationnisme. Le moyen de s’en guérir consiste à sortir de cet endroit,
dans l’intention d’entrer au service des gens, de se réduire à la mendicité, et
d’autres actions semblables, consistant à ôter les vêtements de la renommée et
à revêtir le costume des gens du commun parce que Dieu a chassé les hypocrites,
comme le Très-Haut l’a, en effet, dit : « Ils sont emplis d’ostentation
envers les gens ; cependant ils n’invoquent guère Dieu, hésitant entre ceci et
cela » [Cor., IV= 142-143]. Le Prophète — la paix soit sur lui — a dit : «
Le méchant dans ma communauté est celui que l’on se montre du doigt sauf celui
que Dieu le Très-Haut préserve ». Yahyâ ibn Mu‘âdh [al-Râzî] — que la
miséricorde de Dieu soit sur lui — a dit : « Le pouvoir c’est les esplanades
d’Iblîs, il descend en elle accompagné de ses armées ».
Parmi ses vices se trouvent le fait de beaucoup manger et
de beaucoup boire, l’avidité pour les repas de toutes sortes, les assaisonnements
et les sucreries, et le fait de boire de l’eau froide. Le moyen de s’en guérir
consiste à jeûner continuellement et à ne manger que peu, comme Dhû’l-Nûn l’a
rapporté à propos d’al- Shuqrân — que la
miséricorde de Dieu soit sur lui — qui était son maître et qui disait : « La
perdition du novice n’est pas ailleurs que dans le fait de se régaler de
friandises ».
Parmi ses vices se trouvent la langueur et le désœuvrement.
Le moyen de s’en guérir consiste dans la fréquentation des serviteurs [de
Dieu] et le zèle dans les devoirs religieux.
Parmi ses vices se trouvent le fait de beaucoup parler de
choses qui n’ont aucun sens. Le moyen de s’en guérir consiste à garder le
silence en s’abstenant de tout ce qui n’est pas l’invocation de Dieu le
Très-Haut. Parmi ses vices se trouvent le fait de tenir des propos malveillants
envers quelqu’un alors qu’il est absent, la calomnie, le fait de se répandre
en injures contre quelqu’un, l’insulte, la diffamation, le fait d’accuser
quelqu’un à tort, l’intrigue [la rancune : ms. T], la calomnie, le fait
d’embellir les apparences, le fait d’espionner les faits et gestes d’autrui
guidé par une intention malveillante, et le fait de laisser sa langue libre de
se répandre en discours oiseux. Ceci entraîne l’endurcissement du cœur et le
châtiment du feu [de l’enfer]. Le moyen de s’en guérir consiste à réfléchir sur
les suites de la parole de Dieu le Très-Haut, et sur le fait que c’est elle qui
chasse les péchés, à penser au long temps que dure la résurrection, au compte
qui y est réclamé, à l’immensité du feu et de son supplice, parce que Dieu le
Très-Haut a dit : « Au jour où leurs langues témoigneront contre eux »
[Cor., XXIV=24]. Il — la paix soit sur lui — a dit : « Prenez garde à la
médisance, car la médisance est pire que l’adultère » .
Parmi ses vices se trouvent le fait de scruter les défauts
que cachent les musulmans, et de prêter l’oreille aux propos des négligents.
Le moyen de s’en guérir consiste à baisser son regard, à se détourner des
futilités et du bavardage comme le Très-Haut l’a dit à son Prophète — la paix
soit sur lui — : « Dis aux croyants qu’ils baissent leurs regards et
demeurent chastes » [Cor., XXIV=30], puis II a décrit les véridiques et en
disant : « [ceux qui] Lorsqu’ils passent à côté de la futilité, passent
noblement » [Cor., XXV=72].
Parmi ses vices se trouvent la pétulance,
l’enjouement, le rire, et la joie à commettre les péchés. Le moyen de s’en
guérir consiste à entrer dans les cimetières, à visiter les [tombes des]
maîtres spirituels, à pleurer en leur présence, et à s’éloigner de la demeure
des vanités [de ce monde], comme Dieu le Très-Haut l’a dit : « Ne te réjouis point
car Dieu n’aime pas ceux qui se réjouissent », et comme il — la paix soit sur
lui — l’a dit : « Dieu aime tout cœur en proie à la tristesse » .
44
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Parmi ses vices se trouvent la paresse dans l’accomplissement des devoirs
religieux, et la recherche du repos dans l’oisiveté. Le moyen de s’en guérir
consiste à rester immobile en prosterna-
tion, à se réveiller du sommeil aux aurores, à prendre son
repas dans la demeure où l’on séjourne perpétuellement, et à rester à guetter
en contemplation jusqu’à atteindre le contemplé.
Parmi ses vices se trouvent la convoitise et l’avidité pour
ce qui est détenu entre les mains des gens. Le moyen de s’en guérir est de
prendre patience, d’être satisfait des biens que Dieu le Très-Haut dispense, et
de savoir que l’humiliation et la misère dans le bas- monde et l’autre monde
naissent de l’avidité comme certains l’ont dit : « L’avidité s’en va avec l’eau
[l’éclat : ms. T] du visage ».
Parmi ses vices se trouve l’espérance d’être doué d’une longue
vie. Le moyen de s’en guérir consiste à observer la mort heure après heure
ainsi que l’a dit ‘Abdallah ibn ‘Umar — que Dieu soit satisfait d’eux deux — :
« L’envoyé de Dieu — que la bénédiction et le salut de Dieu soient sur lui — me
saisit par une partie de mon corps et dit : « Sois dans le bas-monde comme
si tu étais étranger ou comme si tu passais ton chemin et mets-toi au nombre de
ceux qui sont les compagnons des sépulcres » .
Parmi ses vices se trouvent la flatterie des
gens du bas-monde [gens du moment : ms. AE, M, V]. Le moyen de s’en guérir
consiste à savoir de science certaine que Dieu le Très-Haut est son créateur,
son nourricier, et que si Dieu veut le frapper [d’un malheur], Il le frappe,
ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Si Dieu te touche d'un malheur, nul
ne saurait l'écarter de toi si ce n'est Lui » [Cor., VI=17, X=107], et
ainsi qu’il — que la paix soit sur lui — l’a dit : « Qui s’abaisse devant le
riche à cause de sa fortune, un tiers de sa religion l’a quitté ».
48
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Parmi ses vices, il y a l’envie. Le moyen de s’en guérir consiste à regarder le
vice de sa propre âme, à la blâmer avec la plus grande sévérité, à la
transformer, et à savoir de science certaine que la faveur qu’accorde la main
de Dieu, Il la donne à qui II le désire.
Parmi ses vices se trouve l’avarice. Le moyen de s’en
guérir consiste à faire grande dépense d’argent pour les pauvres qui vivent
dans le dénuement, et aux adeptes de la vigilance intérieure qui ne mendient
pas en importunant les gens, et ce jusqu’à ce que l’on goûte au parfum [au
repos : ms. M, T] qu’exhale la libéralité, et que l’avarice sorte de son cœur
par les bénédictions qu’il contient, et que l’on obtienne le jardin du délice
par leur amour, ainsi qu’il — que la paix soit sur lui — l’a dit : « Le jardin
[du paradis] est la demeure de ceux qui sont doués de libéralité ».
Parmi ses vices se trouvent les mauvais instincts
[l’opinion : ms. AS, F], le fait d’avoir une mine sévère entre frères et le
fait de les chasser. Le moyen de s’en guérir consiste à observer les usages des
maîtres spirituels, leur façon de se traiter les uns les autres selon la loi de
la science divine, la bienveillance qu’ils laissent baigner leurs visages
ouverts, leur douceur et la bonté dont ils témoignent envers leurs compagnons.
D’ailleurs Dieu le Très-Haut a dit de l’élévation de Son prophète — que la paix
soit sur lui — : « En vérité tu es d’une élévation morale éminente » [Cor.,
LXVIII=4], et il a aussi dit : « Si tu avais été rude et d’un cœur dur, ils
auraient fait sécession autour de toi » [Cor., 111=159]. Et il — que la
paix soit sur lui — a dit : « Que le croyant atteigne le degré de celui qui
demeure ferme dans le jeûne par la beauté de son caractère ».
Parmi ses vices se trouvent l’inimitié, l’hostilité, et la
haine. Le moyen de s’en guérir consiste à abandonner le monde d’ici-bas à ceux
qui l’habitent car ce vice est engendré par les querelles et les querelles font
partie des choses auxquelles s’appliquent les gens du bas-monde. Or ceci est un
ordre éminent pour Dieu le Très-Haut ainsi qu’il — que la paix soit sur lui —
l’a dit : « Il n’existe pas, pour Dieu le Très-Haut, de chose qui ait plus de
valeur que l’ascèse dans le monde d’ici-bas ».
Parmi ses vices se trouvent la fierté et la colère. Le
moyen de s’en guérir consiste à considérer sa propre faiblesse, son impuissance
et le besoin que l’on a de toute chose et même le fait que lorsque l’envie
pressante de faire ses besoins s’empare de soi au point de ne pouvoir se
contenir on ne peut la repousser de son âme. Comme Dieu le Très- Haut l’a dit :
« L’homme a été créé faible » [Cor., IV=28]. De plus, il convient de
savoir que la fierté et la colère sont deux des attributs de Dieu le Très-Haut.
Or celui qui revendique pour soi Ses attributs, revendique aussi Sa
souveraineté, ce qui constitue un terrible associationnisme, et qui est
coupable d’associationnisme, Dieu le Très-Haut le précipite dans le feu [de
l’enfer] ainsi qu’il — que la paix soit sur lui — l’a dit : « Le Très-Haut a
dit : « La superbe est Mon manteau et la magnificence est Mon voile, et quiconque
M’enlève l’un des deux, Je le précipite dans le feu et ne M’en soucie plus ».
».
Parmi ses vices se trouvent la tromperie, la falsification,
l’obscénité et l’injustice. Le moyen de s’en guérir consiste à craindre la
rétribution [promise] par Dieu le Très-Haut, car c’est Lui qui consent au
dessein que l’on poursuit, ainsi qu’il — que la paix soit sur lui — l’a dit : «
Qui cherche à obtenir quelque chose au moyen du péché est au plus loin de ce
qu’il espère et le plus près de la venue de ce qu’il n’attend pas » .
Parmi ses vices se trouvent l’amour de la richesse, la
prétention et Farrogance. Le moyen de s’en guérir consiste à rester modeste
face aux petits et aux grands en faisant de grands efforts sur soi- même
jusqu’à ce que l’on réalise en soi-même l’humilité et la soumission, parce que
les plus viles des créatures de Dieu sont les gens de la prétention et de
l’arrogance. Et [c’est cela même] qui oppresse de son poids les coeurs des
croyants, et [les] fait chuter hors de l’amour du seigneur des mondes ainsi que
Dieu le Très- Haut l’a dit : « Dieu n 'aime pas l'insolent plein defierté »
[Cor., XXXI=18].
Parmi ses vices se trouvent le fait de se quereller avec
ses frères et les prétentions infondées propres à la nature humaine. Le moyen
de s’en guérir consiste à savoir de science certaine que Dieu le Très-Haut est
au-dessus de son cœur et qu’on doit craindre qu’il ne lui interdise d’atteindre
la station spirituelle de la communauté [soufie], parce que quiconque prétend
être ce qu’il n’est pas ne peut atteindre cette station. Quiconque s’oppose à
la communauté entre dans la trahison et se livre au blâme.
Parmi ses vices se trouve le fait de s’écarter par fierté
de ses pères et mères. Le moyen de s’en guérir consiste à manifester clairement
le lien qui unit à eux deux, à manifester le fait que le caractère ait été
formé entre leurs mains, et consiste à rester à les servir ainsi que Dieu le
Très-Haut l’a dit : « Sois reconnaissant envers Moi et envers tes parents »
[Cor, XXXI=14].
Parmi ses vices se trouvent le fait de négliger les moments
[prescrits pour la prière] et de délaisser l’accomplissement des devoirs
religieux, de ne pouvoir se résoudre à les rattraper, et de les renvoyer à plus
tard, heure après heure, jusqu’à ce que l’âme trouve l’apaisement dans la
mollesse. Le moyen de s’en guérir consiste à respecter les périodes et les
moments prescrits chaque fois que tu vois une partie des rites surérogatoires
qui réclame d’être accomplie à son heure, à ne plus écouter ce que peut l’âme
inventer et son manque de précipitation afin de ne plus sombrer dans le
désœuvrement, comme l’a dit le “grand maître” Abû ‘Abdallâh ibn Khafîf— que la
miséricorde de Dieu soit sur lui — : « Il n’y a pas de chose plus nuisible pour
les novices que d’être indulgent envers l’âme » .
Parmi ses vices se trouvent la recherche de la tolérance et
des interprétations [permissives]. Le moyen de s’en guérir consiste à
abandonner l’intérêt qu’a l’âme en toutes choses, et à lui imposer la conduite
religieuse de la communauté [des soufis] car quiconque obéit à l’âme tombe
dans l’abîme de la passion et de l’appétit, et quiconque délaisse ne serait-ce
qu’un élément des principes et ne se préoccupe que d’obtenir la tolérance fait
fuir les maîtres spirituels ainsi que l’a dit le “maître de ceux qui profèrent
les paradoxes”, Abû Bakr al-Tamastânî : « Celui qui fuit la confiance que l’on
place en l’âme retourne à l’interprétation [vraie] de la science » .
Parmi ses vices se trouve le fait de beaucoup dormir. Le
moyen de s’en guérir consiste à peu manger, à ne boire que peu d’eau, à ne rien
manger d’épais, et à observer le zèle dont font preuve les vertueux dont Dieu
le Très-Haut a fait mention dans Son livre en ces termes : « C’est peu de
temps, la nuit, qu’ils dormaient » [Cor., LI=17].
Parmi ses vices se trouve le fait de fuir la retraite
spirituelle comme la vigilance intérieure. Le moyen de s’en guérir consiste à
prendre patience au commencement de la vigilance intérieure jusqu’à ce que
Dieu le Très-Haut lui donne à voir quelque chose du dévoilement et que son cœur
goûte à la pureté de l’invocation ainsi que le Prophète — que la paix soit sur
lui — l’a dit : « La patience se révèle au cours des premiers assauts de
l’épreuve ».
Parmi ses vices se trouvent le fait de se réjouir de
l’éloquence et le fait de tenir des paroles de sagesse lors même que l’on est
négligent et non durant les instants de pureté et où on éprouve des états
spirituels. Or c’est là une terrible tentation pour les novices. Le moyen de
s’en guérir réside dans le fait de savoir de science certaine que la sagesse
est un droit qui appartient à Dieu le Très- Haut. Et quiconque néglige le droit
de Dieu le Très-Haut, Dieu le combat et dans le monde d’ici-bas comme dans
l’autre monde. Il faut savoir que celui qui parle sans prendre appui sur son
propre état, sa parole a pour effet d’oppresser les cœurs des hommes et les
sciences des bonnes actions lui deviennent troubles.
Parmi ses vices se trouvent le fait de se livrer à des
insinuations en posant une question. Le moyen de s’en guérir consiste à savoir
de science certaine que les clés des nourritures divines se trouvent dans la
main de Dieu, que les cœurs des serviteurs [sont soumis] à l’ordre de Dieu, et
que nul ne peut faire de don à qui que ce soit autrement que par la volonté de
Dieu.
Parmi ses vices se trouvent la tristesse et le fait de
s’inquiéter de ce que Dieu prodigue. Le moyen de s’en guérir consiste à considérer
ses jours passés, ce que Dieu le Très-Haut a dispensé tout au long de sa vie,
et à comparer ce qui reste encore de sa vie à l’échelle de ce qui en est déjà
passé.
Parmi ses vices se trouve le fait d’accompagner la
conscience secrète après que le dévoilement soit parti. Le moyen de s’en guérir
consiste à la chasser [l’âme] pour l’empêcher d’accompagner [la conscience
secrète] dans chaque état spirituel.
Parmi ses vices se trouve le fait de demander
de Dieu de pouvoir accomplir des prodiges destinés aux gens, ce qui vient de ce
que l’on éprouve un doute au sujet de la voie mystique. Le moyen de s’en guérir
consiste à lui interdire [à l’âme] de fréquenter les gens du vulgaire, de lui
imposer d’accomplir les bonnes actions des gens de l’élite jusqu’à ce que son
cœur parvienne à la pureté de l’invocation et à la saveur de l’amour.
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Parmi ses vices s’en trouvent beaucoup plus que ce que l’on peut mentionner
parce que l’âme apprend les vices des océans de la fureur. Or la fureur fait
partie des attributs de Dieu le Très- Haut et on ne peut parcourir Ses
attributs jusqu’à leur extrémité. Mais nous nous sommes contentés [de
mentionner] le moins plutôt que le plus, prenant en considération celui qui est
doué de droiture de sorte qu’il puisse s’instruire, dans cette mesure, de ses
stratagèmes et de sa ruse [de l’âme] et soit ainsi bien guidé pour choisir les
moyens appropriés à la lutte contre son vice [de l’âme], si Dieu le Très-Haut
le veut.
Le livre est fini. Grâce soit rendue à Dieu qui a distingué
Ses amis en leur dispensant les finesses spirituelles des sciences, et en leur
dévoilant les vérités spirituelles des symboles, dans leur réalités premières
et dernières, extérieures et intérieures. Mais Dieu est le plus savant. Que
Dieu nous accorde Son pardon ainsi qu’à ceux qui accordent un regard à ce noble
livre. Que Dieu bénisse notre prince Muhammad et toute sa famille.
Fin du manuscrit
Velieddîn
[Le moyen de s’en guérir] réside
dans la servitude et l’accomplissement des devoirs religieux. Dieu le
Très-Haut dit : « Qu’il ne leur a été ordonné que d’adorer Dieu lui vouant
le culte sincèrement » [Cor, XCVIII=5], et Sa parole, le Très-Haut : «Æ-tu
vu celui qui a pris sa passion pour son dieu ? » [Cor, XLV=23]. Nous avons
mentionné dans les sujets de la plus grande partie de notre livre que celui qui
aime Dieu est issu de la voie de l’élite des gens. La preuve en est que
l’ennemi de Dieu le Très-Haut est idolâtre, et il ne hait le savant qu’à cause
de ce qu’il est. Alors que l’ami de Dieu n’aime le vertueux que précisément
pour ce qu’il est, et il n’aime la nourriture que parce qu’elle lui donne des
forces pour se soumettre à Dieu le Très-Haut. Il ne mange, ne boit et ne se vêt
que pour Dieu le Très- Haut, sur l’ordre de Dieu et avec [Sa] permission —
qu’il soit exalté et élevé. Il n’aime le Prophète et le saint que pour Dieu et
sur l’ordre de Dieu le Très-Haut. Il n’aime ses proches et ses parents que pour
Dieu et dans la mesure de ce que Dieu a ordonné, et il ne les sert et ne veille
à leur entretien que pour Dieu le Très-Haut et sur Son ordre. Qu’il prenne
garde à cela car il pourrait en mourir le pèlerin des opérations divines ;
qu’il ne se lève pas, qu’il ne s’assied pas, ni ne boive d’eau froide si ce
n’est pour Dieu, en Dieu et dans la voie de Dieu. Car toute action qui n’est
pas pour Dieu, ou toute action que l’on accomplit par un autre que Dieu ou pour
un autre que Dieu rend idolâtre. On est alors idolâtre même dans la servitude
au point que l’on s’aime soi-même et que l’on aime les choses profitables à
l’âme à moins que ce ne soit pour Dieu le Très- Haut et selon la mesure que
Dieu le Très-Haut a ordonné. Or si on œuvre ainsi, on est un pur serviteur de
Dieu le Très-Haut soumis à la condition selon laquelle on ne peut commettre ne
serait-ce qu’une atome des péchés, et l’on ne saurait même abandonner ne fut-ce
qu’un atome des obligations religieuses, ainsi que nous l’avons clairement
exposé auparavant à savoir que celui qui contredit Dieu le Très-Haut dans Ses
ordres et Ses interdits, celui-là affronte Dieu par son opposition. Comprends bien
cela parce que quiconque le comprend, s’y fie et emploie tous ses efforts à
atteindre [ce but] pour son âme, je souhaite que Dieu le place dans le degré de
ceux qui ont atteint la perfection de la servitude, selon la parole de Dieu le
Très-Haut : « Quiconque sort de sa maison s’exilant vers Dieu et Son envoyé
puis est frappé par la mort voit échoir sa rétribution qui incombe à Dieu »
[Cor., IV=100]. Quiconque commence à s’assimiler à un groupe en fait déjà
partie, et quiconque emprunte les voies d’un groupe leur ressemble
nécessairement et est l’un d’entre eux comme le montre sa parole — la paix soit
sur lui — : « Qui aime une communauté en fait partie, et celui qui aime en
tire profit ». Fin [du livre].
Not: Bazen Büyük Dosyaları tarayıcı açmayabilir...İndirerek okumaya Çalışınız.
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