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SEYRÜ'L ERVÂH TERCÜMESİ...Fransızca...Paul Ballanfat

Bunlarada Bakarsınız

 


L’ITINÉRAIRE DES ESPRITS

ou

Livre de la lampe qui dévoile la naissance des esprits

I
Première section

A lui nous demandons assistance

Au nom de Dieu le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux

— Grâce soit rendue à Dieu qui a extrait les esprits des mys­tiques du secret du néant, leur a fait parcourir l’esplanade de la prééternité, les a revêtus de l’armure de la providence, les a ceints de la couronne de la satiété, leur a éclairé l’orient de la vision spirituelle, leur a ouvert les trésors de l’évidence, leur a fait voir la majesté de Sa face depuis la lucarne de la surexistence, et les a purifiés d’une pureté simple. Que Dieu bénisse notre prince Mu­hammad, le meilleur des prophètes, sa famille et ses compagnons, les meilleurs serviteurs très révérencieux.

1-    Quant au propos : certains de mes frères m’ont demandé que j’expose quelque enseignement concernant la naissance des esprits. J’en ai parlé autant qu’il me l’a été permis, et que ce que Dieu a ouvert à mon cœur par le dévoilement pour ce qui est de sa description et de sa qualité. Ce qui est allé droit au but provient de la guidance excellente de Dieu, de Son inspiration, et de Sa bonne direction. Quant à ce en quoi je me suis trompé ce n’est qu’inven- tion émanant de l’âme, et j’en demande pardon à Dieu le Très- Haut. Les allusions subtiles que j’ai pu indiquer sont les riches broderies de la science de la vérité, et les redondances des raretés issues du dévoilement.

2-   J’affirme, et je demande assistance à Dieu le Très-Haut [que] lorsqu’il S’éleva — que Sa majesté soit exaltée — depuis l’orient de la prééternité, et qu’il Se dévoila au néant par Sa science, Il ne vit rien d’autre que Lui-même. Il s’émerveilla à la vue de Sa beauté, et II éloigna Ses attributs les uns des autres. Il donna forme à Ses amants, jusqu’à ce qu’ils jouissent d’être unis à Lui, et qu’ils se réjouissent de Sa surexistence. De par Sa volonté créatrice, Il désira créer les esprits de Ses prophètes et de Ses amis, ainsi qu’il l’a dit — que Son nom soit magnifié — « J’étais un trésor caché et j’ai aspiré à être connu ». Il puisa dans la mer du kâf et du nûn. Il répandit [ce qu’il avait puisé] dans le chaudron de la puissance divine, et II alluma dessous le feu de l’amour incréé (mahabba). Alors la crème de la réalité phénoménale s’enflamma et [y] fut précipitée. Elle devint si pure qu’elle se mit à briller d’elle-même. Il l’illumina d’une lumière issue de Sa lumière, ainsi qu’il l’a dit — que Son nom soit exalté — « Quand bien même nul feu ne l’effleurerait, lumière sur lumière » [Cor : XXIV=36]. Et il plaça cette clarté au repos au sein des lumières de la réalité prééternelle et de la pureté perpétuelle.

3-                    Il [l’]accomplit par Sa condition seigneuriale et II [l’]étendit pour la servitude qui lui est due. Il [le] décocha au milieu du libre espace de Sa magnificence. Il fit ruisseler sur lui de la mer de Sa superbe. Par les façons qui appartiennent à Sa générosité II le trans­forma en boules de pâte pétries. Puis, par après, Il les fit fermenter le temps que dure l’aurore de Sa clarté. Puis II le créa avec Sa nature, et le suscita avec Sa beauté ainsi qu’il l’a dit — les bénédic­tions du Très Miséricordieux soient sur lui — « Dieu le Très Haut a créé Adam à Son image » , puis « Il insuffla en lui de Son esprit » [Cor. : XXXII=9] ; il se dressa avec Sa permission et il proclama la transcendance de Dieu par l’affirmation de Sa transcendance. Puis II dit « Ensuite Nous Pavons suscité par une seconde création, béni soit Dieu l'excellent créateur» [Cor. : XXIII=14]. Il le purifia dans la source de la Sainteté. Il lui fit revêtir les manteaux  de l’intimité. Il l’orna avec la parure de l’amitié. Il enduisit ses yeux du fard de la pureté. Il lui fit ceindre son front de la couronne de la fin. Il lui fit enfourcher la noble monture de la guidance, et l’emporta dans son ascension nocturne de l’extrême commencement des réalités phénoménales jusqu’à l’œil de la vision spirituelle. Il le fit alors pénétrer dans le voile de la proximité de la proximité, et le gratifia des subtilités de l’amour (hubb). Il lui accorda de Le voir par Lui-même, et l’arracha de sa racine. Puis II lui fit don de la surexistence, après cette anni­hilation de soi. Alors, Il lui adressa la parole et dit de Son discours excellent : « Qui suis-je ? ». Il répondit « Tu es tel que Tu T'es loué Toi- même ». Puis II l’emporta de l’étape spirituelle de la contemplation jusqu’aux patries d’élection du dévoilement. Il exposa à sa vue Ses attributs dissimulés sous un vêtement, jusqu’à ce qu’il se réalise dans la connaissance mystique, et qu’il se raffermisse dans l’amour incréé. Puis II le saisit de la main de la compassion et le fit asseoir auprès de Lui sur le tapis déployé de la distinction. Alors II lui versa à boire du vin de la familiarité dans la coupe de la grâce. Il le plongea dans l’ivresse que suscite la vérité de la beauté, et le fit disparaître dans l’union la plus belle. Un vent d’est se levant des profondeurs de la surexistence se souleva contre lui, et l’arracha du déclin dans l’annihi­lation. Alors il se trouva existant entre l’essence divine et les attributs, et il s’échappa de l’étroitesse des déterminations formelles.

5    - Puis il franchit la distance séparant l’imminent du sublime, et lui fut dévoilée la vérité de la vérité. Dieu lui fit une révélation et demanda : « Qui es-tu ? » Il répondit : « Toi ». Les assauts de la sainteté apparurent du haut des montagnes de la Munificence, et les abîmes profonds de la divinité l’entourèrent. Alors, Il fut arra­ché jusqu’en ses racines de l’étape de l’unité, et il fut dispersé dans l’atmosphère de l’ipséité divine. Il le ramena à la vie  [en lui insufflant] Sa vie, et II lui fit hériter de la vénération avec humilité et modestie au sein de la perfection de Sa perfection. Puis II l’en­voya jusqu’à la désolation de l’éternel primordial, et II le précipita dans la stupéfaction dans la primauté de la primauté. Il erra, éperdu, dans le désert du monde de majesté, s’égarant dans la vallée de la terreur, tenaillé par la soif dans les océans de la compassion. Et, passé cela, Il le mena, en le poussant à l’aide de la cravache de la jalousie divine [ms. AS = de la voix de la Magnificence], d’une force suprême, jusque dans les déserts stériles de l’éternité et les déserts arides de la pérennité.

6   - Il ne pouvait voir ce qu’il recherchait, ni découvrir ce dont il percevait bien l’absence ; la douleur le rendit fou et il se lamenta du manque de la découverte. Il l’accueillit après le désespoir. Il le libéra de l’entrave de l’analogie , et dit : « Jusqu’où va ton aspiration ? » Il répondit « Serviteur de l’aspirant ». Il le fit s’envoler hors de la cage des formes seigneuriales jusqu’aux jardins de la solitude divine. Il vit beauté sur beauté, majesté sur majesté, éclat sur éclat, perfection sur perfec­tion. Il dit : « O mon prince ! Je T’ai cherché à l’orient de la surexistence et à l’occident de l’annihilation. J’ai voyagé dans la primauté, et j’ai gravité dans l’extrémité. Mais je ne pouvais Te découvrir tant que je ne m’étais pas séparé de Toi pour aller vers Toi ». Il répondit : « Tu ne Me verras pas [Cor., VII=143] autrement que dans la source de l’effacement et la stabilisation de la sobriété ».

7    - Puis II dirigea Son regard — que soit exaltée Sa majesté —vers lui par l’œil de la totalité, et il devint une essence que n’altèrent ni la venue de la douceur, ni le passage de la violence. Il le fit graviter dans la sphère céleste de la munificence, et les étoiles de la puissance fondi­rent sur lui depuis les cieux de l’immutabilité. Il fut pris de folie sous l’effet des gloires de la divinité dans le cercle de la condition seigneu­riale, et il vit les calamités de la puissance émanant des réalités de la force. Puis Dieu lui ouvrit les portes des trésors des sciences du monde caché. Il le fit sortir des ténèbres du doute et II le fit pénétrer dans le livre de la science qui englobe tout. Il dévoila la tablette préservée qui appartient à l’impénétrabilité. Il vit alors vision évidente, et évidence en vision. Il lut à haute voix sur la première ligne tracée dans le mince parchemin déroulé en ordre dispersé l’univers du mystère. Or, « Il ne fait accéder personne à Son mystère si ce nest un envoyé dont II est satisfait » [Cor : LXXII=26-27]. Il découvrit un océan de lumière qui s’écoulait du kâf de l’être Qiâri). Il demanda ce que c’était. Il répondit — qu’il soit loué et exalté — : « Ce sont les étapes de la source de vie. Quiconque en boit une gorgée est délivré des « ivresses du trépas » [Cor, L= 19]. Il enten­dit les voix des gouttes de l’inspiration descendre de l’océan des attri­buts magnifiques, et il cueillit les purs joyaux des symboles mystiques de la vague déferlante des trésors. Puis il voyagea dans l’aspiration. Il ne pouvait voir la limite de la fin. Il tournoya, se métamorphosant encore et encore, dans les vergers de la providence, lesquels ne peu­vent être décrits dans le récit. Des lumières brillèrent de l’horizon de l’essence divine, et illuminèrent le miroir des attributs. Il demanda : « Qu’est-ce que ceci ô seigneur ? ». Il répondit : « Un œil qui regarde bienveillant, affranchi du où ». Puis parurent les scintillements des consciences secrètes à l’écoute des mouvements des idées émergeant d’un matin sans fin et les broderies des parures divines ; il demanda : « Ô mon maître! Qu’est-ce que ceci ? ». Il répondit : « Entente sans instrument et attribut sans ressemblance »  .

8  - Puis il vit les suprématies de Sa fureur, et le pouvoir de Sa domination. Il demanda ce qu’il en était en ces termes : « Que sont ces deux attributs prééternels, les deux voies claires qui me sont destinées ? ». Puis il vit les bienfaits attachés aux grâces, et les arrêts dans les faveurs accordées [par Dieu], et il s’enquit de cela. Il répondit en ces termes : « Mes deux mains ouvertes pour M’accorder Mes faveurs ». Puis il vit surexistence et sagesse, ainsi que la voie de Son arrêt et de Son destin. Il demanda : « Qu’est-ce que ceci, ô Seigneur ? ». Il répondit : « Voici mes doigts rendant leur sentence dans Ma cour »  . Il vit, ensuite, surexistence sur surexistence, et grandeur sur grandeur. Il chercha à comprendre cela, alors II dit : « Voici Ma généreuse face » 66. Puis il vit les vagues de l’océan de l’ordre et les raretés de l’ordre. Il voulut connaître cela. Il répondit : « Ceci est Ma venue sur Ma création, et Mon secret qui demeure dans Ma création ». Puis il vit les merveilles de la générosité dans les bienfaits accordés aux moments difficiles, les diverses sortes de dons que l’on acquiert tels le torrent qui déverse son eau, et les mets de la félicité rassemblés sur le plateau de la providence. Il demanda : « Ô Seigneur ! qu’est-ce que ceci ? ». Il répondit : « Voici l’un d’entre Mes mets que Je fais descendre, et l’une de Mes manifestations. » .

9- Lorsqu’il se fut établi fermement dans la stabilisation de l’être, et qu’il eut échappé à l’agitation propre à la coloration des états, la langue de sa conscience secrète énonça la vérité et les spécificités de la glorification de Dieu. Puis il dirigea son regard vers le ciel de l’esseulement. Il [y] vit le croissant de lune de l’unification. Il s’illumina à la lumière de la réalisation spirituelle, et se sauva des dominations de l’obstruction. Alors il fut anéanti dans l’annihilation de l’annihilation, et fut existant dans la surexistence de la surexistence. Il demanda : « Ô Maître du décret, qu’est ce que ceci ? ». Il répondit : « Ceci est l’étape de l’affirmation de l’unicité ». Puis il descendit du lotus [Cor., LIII=14, 16] de la munificence jusqu’au jardin luxuriant de la connaissance mystique. Il atteignit alors la fleur pure de la sagesse et s’assit sur les coussins de la proximité. Il se reposa sur la pierre de l’union. Il fendit les foudres du désir parfait. Il demanda les vérités de l’immersion absolue, et il rechercha d’autres visions encore en supplément. Il s’adressa alors à lui par le mystère de Son mystère et dit : « L’impuissance à [Me] voir c’est [Me] voir » . Puis il avança de la voie de la réclamation jusqu’à l’ascension [qui mène à] la contemplation. Il éprouva du plaisir à écouter le discours de l’amant et il s’envola sous l’effet de la majesté de l’aimé.

10 - Lorsqu’il vit ce qu’il vit il fut transporté d’amour pour Sa beauté, pétri d’affection pour Sa douceur, plongé dans le silence par Sa puissance, doué d’énonciation par l’éclat de Ses attributs, pleurant de L’avoir perdu, et riant de L’avoir trouvé. Dieu lui versa alors à boire du doux souffle de l’amour. Il le fit disparaître dans la vallée du désir. Il le plaça en immersion dans l’océan des larmes et condamné à demeurer dans les chaînes des ravissements. Il le déposa dans la catapulte de la séparation et le projeta dans le feu des désirs. Alors le feu de la séparation consuma l’aile de la concentration visionnaire [ms. AS = Le feu de la séparation le consuma et l’aile de la concentration visionnaire prit son envol]. Il lui fit voir l’exubérance de l’amour. Il le laissa paître librement dans les jardins de l’amour. Il le combla du souffle de l’affection, et le délivra de la vision de la souffrance. Puis il fit ruisseler sur lui la pluie abondante de l’amour, et II le fit voyager dans les vergers de la proximité. La joie qu’il éprouvait [à voir] le narcisse de la tendresse n’en finissait pas, non plus que l’ivresse qu’il ressentait [à boire] le vin de la proximité. Puis les étendards de la crainte apparurent venus des hauteurs de la révérence. Il se rendit sur les esplanades de la stupéfaction et il chuta sous la violence de l’attaque de la jalousie divine. Alors il fut pris de dégoût pour la circumambulation [douceur : ms. AS], et s’enfuit loin de la violence de la peur. La protection de l’espoir vint à lui. Il le préserva de l’immensité [inclination : ms. AS] de la peine. Il le fit pénétrer dans la demeure de la pureté et lui fit partager l’intimité de la fiancée de la surexistence.

11- Il lui fit l’annonce comme un héraut, en ces termes : « Qui y pénètre est sauvegardé (âmin) » [Cor., 111=97]. Puis il vit le jardin du probe  dans lequel s’écoulent les fleuves de la certitude. Il but une gorgée au fleuve de la science certaine, et il médita sur les versets. Il but une gorgée au fleuve de la certitude visionnaire et il se remémora les dévoilements. II but une gorgée au fleuve de la certitude substantielle et il réfléchit sur ce qu’il avait vu de ses propres yeux. Puis il pénétra dans le jardin de la révélation inté­rieure, et il s’assit sur la rive du fleuve de la paix intérieure. Il but du pur liquide de la foi et il jouit de la paix que procure la pureté de la claire évidence ainsi qu’il — qu’il soit loué et exalté — l’a dit : « Et son cœur est pacifié par la foi » [Cor. : XVI=106]. Puis il but un peu de l’eau suave des versets, et il jouit de la paix au milieu des ambiguïtés70, ainsi que l’a dit al-Khalîl [Abraham] — sur lui le salut : « Seigneur, montre-moi comment Tu ressuscites les morts ! — Il répondit — que sa majesté soit exaltée : Ne crois-tu donc pas ? - Il dit : Certes ! Mais mon cœur ne trouve pas la paix » [Cor. : 11=260]. Puis il but du vin de Salsabîl qui procure l’invocation et il jouit de la paix dans la vérité de l’invocation [ms. T = la méditiation], comme Dieu le Très-Haut l’a dit : « N’est-ce pas par l’invocation de Dieu que les cœurs trouvent la paix ? » [Cor. : XIII=28].

12  - Puis il se reposa dans la Ka'aba de l’intimité et se familiarisa avec la vérité de la sainteté. Il fendit la fine robe rouge de la pudeur et il se réjouit de l’excellente rencontre. Il tourna [autour de la Ka‘aba] en compagnie des petits groupes d’hommes de la sainteté. Il respira les parfums de l’amour. Dieu le protégea de l’éloignement comme le fait  un père et dit : « Et Nous sommes plus proche de lui que sa veine jugulaire. » [Cor. : L=16]. Puis il voyagea dans le défilé de la contraction. Il arracha le pacte de l’amour de la main de la dissolution et il fut pris de stupeur entre l’union et la séparation. Le chemin qui mène à la surexistence s’effaça pour lui, et se confondit avec la voie de l’annihilation. Alors la fiancée de l’instant le rejoignit. Elle l’enivra avec le vin de la dilatation. Elle dévoila le visage de la surexistence [rencontre : ms. AS] et le fit sortir de la vision de l’annihilation.

13   - Puis il erra éperdu d’amour dans le cercle de l’ipséité divine et plongea dans les retenues d’eau de la sublimité. Chaque fois qu’il réclama de sortir de l’océan de la divinité, les ressacs [obscurités : ms. T] de la sainteté l’y plongèrent à nouveau. Il perdit toute force d’y résister. Il demanda : « Ô Secours de ceux qui implo­rent [Ton] secours ! Qu’est-ce que ceci ? ». Il — qu’il soit loué et exalté — répondit : « Ceci est l’étape du rassemblement de soi ». Puis il s’attacha à la porte de la proximité, et il se répandit en lamentations sur la séparation. Il aspirait de tout son être à péné­trer dans les étendues de pierre du recueillement. L’obstacle de l’impénétrabilité voila son regard, et il demanda : « O Seigneur ! Qu’est ce donc que cette désolation ? ». Il répondit : « Ceci est l’étape de la dispersion de soi ». Puis apparut le soleil des vérités spirituelles. Les éclosions de lumière des calamités surgirent sou­dainement, et les lumières de la providence l’encerclèrent. Il l’ins­truisit [de cela] en disant : « Ceci est l’étape de la vérité ». Puis parut le croissant de lune des mystères de derrière les voiles [qui l’occultent]. Il l’éleva au-dessus de la révolution du monde caché et Il le libéra de l’oscillation [vérités : ms. T] du doute.

14   - Puis Dieu le Très-Haut le regarda en lui lançant le coup d’œil de la superbe et II le fit fondre dans la source de l’annihilation. Puis II le fit disparaître lui-même de l’annihilation. Puis il fit dispa­raître l’annihilation hors de l’annihilation elle-même jusqu’à ce que ne subsiste rien d’autre que Lui ainsi qu’il — que sa majesté soit exaltée — l’a dit : « Tout ceux qui sont sur elle [la terre]périssent, alors que subsiste la face de ton seigneur qui détient la majesté et la générosité » [Cor. : LV=26]. Puis il le fit subsister par la surexistence de la surexistence. Il lui conféra la station de la pureté, et II lui accorda généreusement l’honneur de la rencontre. II ne cessa plus de demeurer surexistant, et ne fut plus soumis à l’annihilation, ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Il soufflera dans la trompe, et ceux qui sont dans les cieux et sur la terre seront foudroyés sauf ceux que Dieu voudra [épargner] » [Cor. : XXXIX=68]. Puis il se mit à briller de tout son éclat par la lumière de l’essence, illuminé par l’aurore des attributs, contemplé par l’œil de la lumière, au comble de la joie dans la demeure de la présence. Il ne fut plus retranché de l’union et il ne fut plus interdit de [L’] atteindre.

15   - Puis il s’évanouit dans le vaste désert de l’occultation sous l’impact de la foudre de la jalousie, gémissant d’affliction dans le mirage de stupeur que provoque la majesté sans délivrance, ligoté par la corde de la soumission [à Dieu], égorgé par le sabre de la mutilation , réduit à néant sous l’immensité de Sa puissance, répandu sous l’effet des gloires de Sa face. Puis II lui versa à boire du vin de l’amour. Il l’enivra par la vérité du Désiré [Dieu] d’une ivresse qui ne laisse aucun repos, d’un vin qui ne fait pas mal à la tête. Puis II l’emporta loin de la lice de l’effacement de soi et le fit descendre dans le site de la lucidité. Il lui enseigna l’interprétation mystique des questions difficiles et lui fit voir les étrangetés des ambiguïtés. Puis il lui fit voir les parures des contemplations revê­tues de l’habit des dévoilements. Il fut teint de multiples couleurs sous l’effet de la grâce de sa beauté, appréhendant la proximité de Sa proximité. Puis II le protégea de Lui-même par Lui-même. Il lui donna à voir ce qui préserve sa précellence. Il le para de la parure de la certitude. Il le fit asseoir sur le trône de la stabilisation, et le fit sortir de l’agitation dont frappe la coloration des états .

16   - Puis II l’installa en face du dais de la royauté et II le regarda avec bienveillance de l’œil de la magnificence. Il eut honte de lui-même pour Lui. Il voulut que son existence ne demeure pas au sein de Son existence car l’établissement respectif de deux [exis­tences ensemble] est contraire à la condition de l’unification. Il fut abandonné entre la honte et la confusion, blessé par le sabre de la majesté . Puis II le consola en rafraîchissant son œil avec la lu­mière de la pudeur pour le consoler. Il lui donna à entendre les merveilleuses voix du discours. Il le recouvrit des manteaux qui commandent le respect. Il plaça sur la raie qui sépare ses cheveux en deux la couronne de l’amitié. Il le fit asseoir sur le siège de la vénération. Il ouvrit pour lui le coffret de la satisfaction dans le­quel se trouvent les lumières de la providence. L’ivresse qu’il éprouva à voir la dilatation de soi lui troubla totalement l’esprit. Il fendit en deux le voile qui masque l’exultation, et réclama que la solitude divine soit isolée [pour lui] recouverte du vêtement de la souverai­neté [réconciliation : ms. AS]. Les attributs de la nature spirituelle disparurent dans la majesté de la nature compatissante par la recti­tude de [son] jugement .

17   - Puis II lui fit boire le vin de la sincérité à la coupe de l’effacement de soi [vérité : ms. T]. Il le fit pénétrer dans les jardins de la pureté d’intention 75. Il lui versa à boire [de l’eau] des sources de la distinction. Puis II tira de lui la partie la plus limpide au moyen de la crème de la pureté. Il lui fit présent du manteau du don. Puis II le rendit apte à [accéder] à l’amitié et le distingua par la providence. Il lui fit don de l’étendard de l’observance. Il l’honora en le gratifiant des subtilités des prodiges . Il l’éleva à la dignité des vérités des étapes spirituelles jusqu’à ce qu’il règne en commandant selon Son ordre, et qu’il possède un pouvoir absolu sur Son royaume par Son autorité. Chaque fois qu’il désira une chose elle fut sienne, ainsi que l’a dit le Très-Haut, et ses attributs sont décrits dans les propos de Jésus — sur lui le salut : « Je vais pour vous créer d’aigile une forme d’oiseau. Je soufflerai en elle, et ce sera un oiseau avec la permission de Dieu. Je guérirai le muet et le lépreux Je ferai revivre les morts avec la permission de Dieu » [Cor. : 111=49].

18   - Puis II ouvrit sa poitrine par Sa lumière. Il y plaça un miroir dans lequel se reflétaient les merveilles de Son œuvre afin qu’il voit les trésors de Son monde caché par la vérité de Son œil ainsi que l’a dit l’aimé de l’aimé — les bénédictions du Compatissant soient sur lui : « Croyez en la concentration visionnaire du croyant, car il voit à la lumière de Dieu » . Puis II lui fit revêtir la robe d’apparat de l’invocation. Il lui fit chevaucher la monture de la méditation et II le fit voyager sur les esplanades de la perception claire. Il lui ordonna [de passer] la porte de l’abondance [pénitence : ms. T]. Il fut familier [de Dieu] par l’invocation, croyant par la méditation, et convaincu par la perception claire.

19   - Puis la lampe de la sagesse vint à lui et éclaira pour lui les recoins obscurs de la vérité. Il apprit les réalités cachées de Sa science, et les subtilités de Son mystère. Il devint une feuille des versets divins ainsi qu’il l’a dit — que s’élève Sa louange : « Tout au contraire ce sont là des versets clairs dans les poitrines de ceux à qui a été conférée la science » [Cor. : XXIX=49]. Quand il n’eut plus la force de graviter dans les secrets, et qu’il se trouva tourmenté par ce qu’il apprenait, il pénétra dans la demeure de l’observation vigilante. Il fut éparpillé dans tous les coins à cause du lion qui prononce le discours. Il plongea dans l’océan du guet. Il s’envola par l’aile de l’amour. Il entendit les voix du hautbois (mizmâr ) des attributs, et il se mit à chanter  en proie au désir d’obtenir les rendez-vous [avec Dieu]. Il fut envahi par l’excitation du fait des égards que lui témoignait l’essence de l’existence. Il fut transporté d’avoir rencontré l’existence en soi. Il hurla sous l’effet de l’éclat de la contemplation.

Il frappa dans ses mains pour applaudir la libéralité dans la discussion. Les lumières de l’essence sortirent de la confusion. Il récita des vers sous l’effet du dévoilement des attributs. Il fut ravi par l’extase à l’apparition de la beauté divine. Il déchira le vêtement de la condition créaturelle sous l’effet de la violence avec laquelle la condition seigneuriale le frappa dans la perfection de la perfection. Il se mit à danser du fait de la plus belle union. Son instant d’extase fut un délice grâce à la douceur [que revêtait] la majesté. Il pleura de l’éloignement de Son éloignement au sein même de la proximité de Sa proximité, et il rit de la proximité de Sa proximité dans l’éloignement de Son éloignement.

- Puis il fut transporté de la halte des états spirituels à l’oasis des étapes spirituelles ainsi que l’a dit le Seigneur des mondes : « Il n'est pas des Nôtres à moins qu'il n'ait une station évidente » {Cor. : XXXVII=164]. Il [y] trouva la fraîcheur du doux souffle de la satisfaction, et il demeura stabilisé dans le flot courant de l’arrêt divin. Puis il se saisit de l’anse de la remise confiante. Il s’abaissa humblement dans les océans de l’humiliation devant celui qui terrifie le royaume de gloire. Puis il porta les fardeaux de la patience. Il s’envola loin des diverses sortes de faveur au moyen de l’aile de la gratitude. Puis il revêtit le manteau rapiécé de la pauvreté 80 et porta les parures du fardeau. Puis il regarda les anciennes faveurs dont il jouissait et il les dédaigna pour [goûter] la vérité de Sa vénération. Puis il apprit à pratiquer l’ascèse lorsqu’il est loin, et il s’habitua à ce qu’il soit proche. Il s’abstint de s’occuper d’un autre que Lui, par la crainte révérencieuse. Puis Dieu lui fit revêtir le vêtement de la piété. Il lui ordonna de supporter l’épreuve. Puis II lui fit don de la lampe du repentir, et II l’éleva jusqu’aux trésors de la connaissance mystique. Puis Dieu le Très-Haut le fit asseoir dans l’océan de la sainteté afin qu’il chante les gloires de Dieu le Très-Haut, qu’il récite l’attestation de foi en Son nom, qu’il Le loue, qu’il Le sanctifie, qu’il Le prie, et qu’il affirme Sa transcendance, durant mille années.

20   - Puis Dieu le Très-Haut créa l’intelligence, lumineuse, brillante. Il l’envoya pour qu’elle se mette à son service. Lorsqu’elle le vit, elle le salua et le servit. Il demanda : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : « Je suis l’intelligence ; c’est par moi que l’on s’adresse, par moi que l’on reçoit la plus grande récompense et que l’on est puni du châtiment ». L’esprit dit : « Que soit bienvenue l’honorée que Dieu le Très-Haut a choisie parmi tout ce dont II a suscité l’existence en la tirant du néant, ainsi qu’il — qu’il soit loué et exalté — l’a dit : « Certes en ceci sont des signes pour ceux qui sont doués de prudence » [Cor. : XX=54, 128] ». Puis Dieu créa la compréhension, pénétrant avec perspicacité les finesses les plus subtiles des états spirituels, et dominant les vérités des opérations théophaniques, et Il la lui envoya. Il la salua et demanda : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : « Je suis celle qui explique les difficultés, celle qui éclaire les obscurités ». Il dit : « Bienvenue au guide, bienvenue à celui qui suit une voie droite ». Puis Dieu créa la réflexion, qui remonte par degrés d’analogies en analogies et qui fait germer l’imagination ; et Il la lui envoya. Lorsqu’il la vit, il la salua et demanda : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : « Je suis la réflexion, celle qui est le miroir des ressemblances. Quiconque regarde en moi voit la vérité de la science et des actions ». Il dit : « Bienvenue à l’intermédiaire qui a été créé pour la créature [lieutenant : ms. AS] ». Puis Dieu créa la conscience, le lit où s’écoule [le fleuve de] la sagesse, le rouleau de papier où écrit l’intelligence, et II la lui envoya pour qu’elle entre à son service. Lorsqu’elle le rencontra, il la salua et demanda : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : «Je suis la sentinelle de la science, l’observateur du connu ». Puis Dieu créa la perception, espion de l’intelligence, et chambellan de la science, et la lui envoya pour qu’elle entre à son service. Lorsqu’il la découvrit, il demanda : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : « Je suis le gardien de la compréhension et de l’imagination, le comptable de la réflexion. ». Il dit : « Bienvenue à celle qui étudie le droit, bienvenue au jurisconsulte ». Puis Dieu créa l’imagination, tablette où sont tracées les lignes d’écriture, feuille où s’aligne ce qui est écrit, et II la lui envoya pour qu’elle se mette à son service. Lorsqu’il la vit, il la salua et demanda : « Qui es-tu ? ». Elle répondit : « Je suis le gouverneur qui soumet les dévoilements à sa loi, le gardien qui conserve les ambiguïtés ». Il dit : « Bienvenue au tisserand qui entrelace les difficultés, bienvenue aux registres des signes ». Puis Dieu créa le cœur, brillant de la lumière du dévoilement des secrets, orné de la parure des purs, tenu à distance par la pudeur, qualifié par la loyauté, créé de générosité, pétri de douceur et de rareté, le front ceint de la couronne du songe, marquant de son empreinte l’étoffe colorée de la science, vêtu de l’habit du pardon, enclin à la sympathie par la noblesse de l’inclination, amélioré par les états spirituels, joyeux de la beauté, généreux par les nobles actions de ses dispositions innées, brillant de la lumière levante des désirs, distingué par la méditation, purifié par la pureté de l’invocation, ainsi qu’il — que Son nom soit béni — l’a dit : « Certes en ceci est une réminiscence pour qui a un cœur » [Cor. : L=37], Il l’envoya à l’esprit, et lorsque celui-ci apprit sa venue il alla à sa rencontre. Il [le cœur] dit : « La paix soit sur le pur élu de Dieu teint de la teinture  de Dieu. ». Il demanda : « Qui es-tu ? ». Il répondit : «Je suis le breuvage dont s’alimente la certitude, le lieu où fait halte la tendre affection ». Il dit : « Bienvenue à la lampe de la pureté qui brille de la lumière de la splendeur ». Il donna au cœur l’étape de l’invocation par le détachement [des choses]. Il accorda à l’intelligence l’étape du discernement au moyen du don. Il offrit à la compréhension l’étape de l’intuition. A la conscience, Il fit don de l’étape de la vision. A l’imagination il rendit clair le discernement du dessin des dévoilements. Il donna pour domaine à la réflexion la figuration de la science en image, et à la perception la recherche des sciences.

82                  - Lorsque l’esprit se fut rendu maître de l’armée de Dieu, qu’il fût devenu prince, commandant selon l’ordre de Dieu, Dieu le Très-Haut lui dit par voie de révélation : « O esprit, voyage dans les ténèbres de Ma fureur, dans le pays de Mon tourment, comme tu as voyagé dans les jardins de Ma douceur et le verger de Ma sainteté, car celui qui n’a pas goûté à l’amertume de Ma fureur ne connaît pas la vérité de Ma douceur. La fureur est un attribut d’entre Mes attributs, et celui qui me connaît par la douceur mais ne me connaît pas par la fureur, ne me connaît pas d’une connaissance vraie. Entrer dans l’abysse de Mon tourment [Mon feu : ms. AS] est une condition de Mon amour ». Il dit : « Ou bien pensiez-vous que vous entreriez dans le paradis et que Dieu ne saurait pas lesquels d'entre vous firent des efforts sur eux-mêmes et lesquels furent patients ? » [Cor. : 111=142]. Comme l’a dit Ahmad [le Prophète] — sur lui le salut : « Le tourment se repaît des prophètes, puis des amis de Dieu, puis de ceux qui leur ressemblent » 82. Quant à ceux qui leur ressemblent, il en est comme II — qu’il soit loué et exalté — l’a dit dans la Torah : « O Moïse, qui M’aime, Je le tourmente. » 83. L’esprit dit : « Mon Dieu, Mon prince où donc se trouve le pays de Ta fureur ? ». Dieu fit paraître les ténèbres se superposant les unes au-dessus des autres. Il vit un abîme infernal 84 autour duquel poussaient les diverses sortes d’appétits. En lui se divisaient les diverses sortes de la passion ainsi qu’il — sur lui le salut — l’a dit : « Le paradis est encerclé par les misères qui provoquent le dégoût, et le feu [de l’enfer] est entouré par les appétits ». Il rencontra un vieillard voleur, tricheur, appuyé sur le trône de la vanité, sur le coussin de l’envie. Il y avait entre ses mains un large plat dans lequel étaient toutes sortes de turpitudes telles que l’appétit, la colère, l’avarice, la rancune, la haine, l’inimitié, le soin de son aspect extérieur, la recherche des honneurs, de l’argent, des louanges, la mollesse, la paresse, la stupidité, l’oubli, l’arrogance, la vantardise, l’avidité, l’insolence, la diffamation, la calomnie, la lâcheté, et l’ignorance et tant d’autres choses répugnantes en nombre tel que l’on ne peut les dénombrer. Comme l’a dit Dieu le Très-Haut : « L’âme appétitive est certes instigatrice du vice » [Cor : XII=53]. Elle mange comme mange la vache grasse une large et grande quantité de nourriture,  plus elle diminue, plus elle grandit. L’esprit s’adressa à lui en ces termes : « Qui es-tu et d’où viens-tu ? ». Il répondit : « Je viens du pays de la divergence. Je suis le pharaon de l’égarement85 ». Alors la main blanche [de Dieu] fit sortir l’esprit de [ce] versant du monde caché. L’âme fut mise en déroute fuyant l’esprit. Il la retrouva renversée sur la tête avec l’aide de Dieu le Très-Haut. Il la frappa avec le fouet de lanières tressées de la paix intérieure, et il la ligota avec la corde du blâme. Il la fit entrer dans le cachot de la condition de servitude, et il l’attacha à la porte de la condition seigneuriale. Après que l’esprit eût capturé l’âme, il vit dans la vallée de l’aberration un vieillard qui égare et qui sème la dépravation 86. Il portait la graine de l’impiété, et sa tête était coiffée du turban de l’associationnisme. Il portait à la taille la ceinture de la duplicité, et tenait à la main la cage de la ruse, de la tromperie, et de l’imposture. Il récitait [des formules] de magie tirées de la tablette de la fureur. L’esprit demanda : « Qui es-tu ? D’où viens-tu ? ». II répondit : « Je suis celui qui a été créé du feu de la négligence, le plongeur qui pêche dans l’océan de la malédiction, comme Dieu le Très-Haut l’a dit : « Tu m'as créé de feu alors que Tu Pas créé de boue » [Cor, VII=12 et XXXVIII=76] » . Il le transperça en lui jetant [la lance de] la récitation du Coran, et il le ligota avec la corde de la formule « Je prends refuge en Dieu contre Satan le maudit », comme Dieu le Très-Haut l’a dit : «Assurément quelque incitation de Satan t'animera. Cherche alors refuge en Dieu. » [Cor. : VII=200, XLI=36]. Lorsqu’il eût récité le Coran, il chercha refuge en Dieu. Lorsqu’il trouva Satan captif, il l’installa dans un cachot, et il l’attacha à l’âme. Et il récita une supplique à Dieu en ces termes : « O notre seigneur, fais-nous sortir de cette contrée dont les habitants sont injustes » Alors Dieu le fit sortir de l’abysse du tourment. Il le délivra de l’immensité de l’accablement. Il l’aida à se défendre contre Satan et l’âme jusqu’à ce qu’il les ait tous deux fait sortir avec lui. Il les mena se rendre prisonnier sous sa garde, et II lui conféra sur eux deux un pouvoir absolu de chaque instant.

89                 - Après cela, Dieu le rendit apte à [pénétrer dans] l’étape spirituelle de la gratitude. Il rendit grâce à Dieu pendant mille ans, Le remerciant de L’avoir comblé de bienfaits et de faveurs. Puis Dieu créa le trône d’une lumière qui se répand. Il le contempla de l’œil de l’admiration, et il chancela à tel point qu’il faillit en être renversé. Il le retint par Sa douceur. Il le fit entrer sous son ordre, et le fit sortir du néant, ainsi qu’il le savait de toute éternité. Son œuvre fut entièrement à la mesure de Sa science. Comme II — que Sa superbe soit exaltée — l’a dit : « Le compatissant se tient entièrement sur le trône » [Cor., XX=5]. Il disposa le trône pour être le manège où tourne l’esprit, et il plaça en son sein les trésors des conquêtes spirituelles. Il ordonna à l’esprit d’accomplir ses circumambulations rituelles autour du trône. Il se lava avec l’eau de sanctification. Il revêtit l’habit consacré pour réciter les gloires de Dieu. Il saisit au vol l’annonce que lui jeta Dieu le Très-Haut. Il dit : « Me voilà mon Dieu ! Me voilà ! ». Et il tourna rituellement autour du trône durant mille ans. Puis il se prosterna devant Dieu le Très-Haut, et dit : « Mon Dieu, Je ne T’ai pas invoqué autrement qu’avec négligence, je ne T’ai pas adoré autrement qu’avec mollesse ». Puis Dieu le Très-Haut créa l’enclos de la sainteté, et II l’orna avec les lumières de l’intimité. Il envoya l’esprit vers lui. Lorsqu’il le vit il demeura dressé en lui et sanctifia Dieu le Très-Haut durant mille ans. Puis Dieu créa mille voiles de lumière, sept cent mille voiles de musc à l’odeur puissante, et sept cent mille voiles de camphre, chaque voile se trouvant entre les cieux et la terre. Puis Dieu créa le piédestal de la lumière la plus pure . Puis II ordonna à l’esprit de pénétrer dans ces voiles. Il y entra, et il vit Dieu le Très- Haut entre chaque voile revêtu d’un vêtement composé de parties de la majesté et de la beauté, de la clarté et de l’éclat en nombre tel qu’on ne peut le compter, comme II veut, de la manière qu’il veut. Comme le Prince des amants de Dieu — sur lui le salut — l’a dit : « Dieu le Très-Haut donne à voir la belle apparence de Son essence comme II le veut ». L’esprit parvint au piédestal. Il vit le trône, le piédestal et le voile remplis par Dieu le Très-Haut, de sorte qu’il apparaissait à partir d’eux. Il demanda : « O seigneur ! que sont ces raretés et ces étrangetés ?» Il — que soit exaltée Sa majesté — répondit : « Ceci est la station des ambiguïtés dans les dévoilements. Qui ne Me voit pas dans ces attributs ne peut voir la vérité de l’essence. Nul autre n’en connaît l’interprétation que Moi-même et celui que J’aime ».

Comme II l’a dit : « Nul n’en connaît l’interprétation que Dieu et ceux qui sont enracinés dans la science » [Cor. : 111=7 ; cf. Luma‘-, 79]. Lorsque l’esprit vit ce qu’il vit il tourna autour du piédestal, il affirma la transcendance de Dieu, il s’inclina et il se prosterna devant Lui durant mille ans 93.

21    - Puis Dieu créa la tablette [préservée] et le calame [l’esprit et la science : ms. AS]. Il dit : « Ecris, ô calame ! ce qui témoigne pour lui et ce qui est contre lui ! ». Le calame passa mille ans à écrire ce qui était et ce qui sera. Dieu le Très-Haut dit alors : « Ô esprit ! contemple les réalités cachées de Ma science et la munificence de Mon verbe ! ». L’esprit regarda la tablette préservée. Il y vit ses lettres, chacune d’entre elles étant comme la montagne Qâf. Chaque fois qu’une chose y apparaissait, une chose y disparaissait94. Il demanda : « O seigneur ! que sont donc cette disparition et cette apparition, et que sont ces écritures ?» — Il répondit : « Dieu efface ce qu’il veut et inscrit [ce qu’il veut], en Lui est la mère du Livre » [Cor : XIII=39]. Puis Dieu le Très-Haut le fit asseoir entre le piédestal et le trône sous une tente faite de lumière jusqu’à qu’il soit familier de Son royaume angélique, et qu’il allume son feu avec le tison enflammé de la lumière de Son royaume de majesté 95.

93                 - Puis Dieu créa les porteurs du trône, qui sont les gnostiques, les très nobles anges vertueux. Dieu créa Séraphiel, Azraël96, Michel et Gabriel 97 — sur eux le salut. Dieu le Très-Haut leur adressa une  révélation en ces termes : « Ô Mes anges ! allez vous mettre au service du pur élu de l’amour, le prince du royaume ! », ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Prosternez-vous devant Adam ! » [Cor : 11=34, VII=11, XVII=61, XVIII=50, XX=116]. Ils dirent : « Yaurait-il donc meilleur que nous dans le monde angélique ? » Ils s’étonnèrent et furent pris de stupeur. Lorsqu’ils le virent, lui, le signe de Dieu qualifié par les attributs de Dieu le Très-Haut, dans le pays de Dieu, ils s’envolèrent pris d’étourdissement, et se prosternèrent sous l’effet de sa beauté et de son aspect vénérable. Dieu le Très-Haut ordonna : « Relevez vos têtes ! ». Alors ils relevèrent leurs têtes et demeurèrent en face de Lui, honteux et rouges de confüsion. Ils dirent d’une voix triste : « Nous ne possédons pas d'autre science que celle que Tu nous as enseignée » [Cor., 11=32]. Puis il le saluèrent et entrèrent à son service. Alors l’esprit dit : « Bienvenue aux très nobles que Dieu a choisis pour l’obéissance et la soumission ». Il s’habituèrent98 à le servir et le vénérèrent pour sa dignité. L’esprit se mit debout au milieu des anges pour remplir le service divin, mille ans en une seule station debout. Puis il s’inclina mille ans en une seule inclinaison, et il se prosterna mille ans en une seule prosternation. Ils furent stupéfaits par son comportement. Ils lui témoignèrent leur respect. Tous reconnurent qu’il était leur prince et qu’il était meilleur qu’eux-mêmes, ainsi qu’il — sur lui le salut — l’a dit : « Le croyant est meilleur que les anges » ".

22    - Puis Dieu créa le lotus de la limite d’une lumière brillante 10ü. Et Dieu créa en-dessous de lui le jardin de la demeure 101, comme II — que Sa louange soit exaltée — l’a dit : « Dans le lotus de la limite, en lui est le jardin de la demeure » [Cor. : LIII= 14-15]. L’esprit s’envola avec les anges. Il se posa sur le lotus, et récita les gloires de Dieu mille années durant. Puis il pénétra dans le jardin de la demeure. Il mangea de ses fruits, et il but à ses fleuves. Il vit ses palais et ses tentes. La belle (hûr) du paradis se tint devant lui prête à le servir et ses pages aussi. Puis Dieu le Très- Haut créa huit jardins [du paradis] emplis du délice éternel ; et il s’envola en leur sein mille années durant. Il se consacra à l’invocation de Dieu le Très-Haut en disant : « Le Très-Exalté, le Très-Saint ! O seigneur des anges et de l’esprit ». Alors Dieu le Très-Haut créa sept cieux pour être le lieu de sa gravitation. Il descendit dans les cieux et adora Dieu le Très-Haut durant mille années. Et Dieu créa le soleil, la lune et les étoiles pour lui servir d’édification. Puis II créa le feu pour l’effrayer et le menacer [d’un châtiment éternel]. Puis Dieu — qu’il soit béni et exalté — créa le temps et les jours pour fixer l’ordre de son culte, de son jeûne rituel, et de sa dévotion. Ensuite Dieu créa la terre, les montagnes, les océans, les fleuves, les nuages, les vents, les animaux, et les plantes pour qu’il retourne dans tous les sens Sa création, qu’il en agisse à sa guise avec elle, et qu’il la scrute avec discernement, ainsi qu’il — qu’il soit loué et exalté — l’a dit : « Dans la création des cieux et de la terre, l’opposition de la nuit et du jour sont des siffles pour ceux qui sont doués d’esprit » [Cor. : 111=190]. Puis Dieu voulut créer son corps et sa forme pour qu’il s’en charge, parce que les cieux, la terre, le trône, et le piédestal refusèrent à cause de la force de la connaissance mystique, et de l’empire de l’affirmation de l’unicité, ainsi qu’il — que soit exaltée Sa majesté — l’a dit : « Nous avons présenté le dépôt divin aux deux, à la terre et aux montagnes. Ils ont refusé de s3en charger et en furent terrifiés. Alors Phomme s3en chaigea » [Cor. : XXXIII=72]. Puis II saisit un peu de la surface de la terre et II la fit fermenter pour la destiner à la condition créaturelle. Il créa pour que s’écoule [en lui] la condition seigneuriale. Il créa ses deux yeux afin qu’il s’instruise en observant, ses deux oreilles afin qu’il écoute, la langue pour qu’il s’exprime, ses deux mains pour saisir avec force, ses deux jambes pour marcher, pour [lui] être une dignité spécifique et une marque d’honneur. Puis II fit croître avec soin le corps, durant quarante [matins], de la main de la tendresse et de la compatissance, ainsi qu’il l’a dit : « fai créé de Mes mains » , et ce jusqu’à ce qu’il atteigne la perfection de la puissance. Puis Dieu envoya l’esprit depuis le ciel jusque sur la terre, et lui ordonna d’entrer dans le corps. Il le vit à l’image de Sa propre forme, et bien fait à l’image de Sa belle apparence. Mais II vit qu’il était affaibli et livré à l’angoisse et qu’il le redoutait. Dieu — qu’il soit loué — dit alors : « Entre et n’ai pas peur car tu fais partie des loyaux ». Et il entra sur l’ordre de Dieu ainsi que l’a dit Dieu le Très-Haut : « fai insufflé en lui de mon esprit » [Cor. : XV=29, XXXVIII=72]. Lorsqu’il entra, il vit les signes supérieurs dans le lieu inférieur, tels que le trône, le piédestal, le voile, les anges, la tablette, le calame, le paradis, le feu [l’enfer], les cieux, la terre, les montagnes, les déserts, et les océans ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Nous leur ferons voir Nos signes dans ïunivers et en eux-mêmes » [Cor. : XLI=53]. Puis il vit les voiles nuptiaux dans les voiles nuptiaux, le voile dans le voile, le supérieur dans l’inférieur, l’inférieur dans le supérieur, le proche dans le lointain, le lointain dans le proche, le temps dans l’espace, l’espace dans le temps, et il y pénétra. Il rechercha Dieu le Très-Haut dans chaque demeure, dans chaque étape, mais II ne [Le] trouva pas. Il fut pris de stupeur après cela. Alors Dieu dévoila la Superbe [dans] le voile de la Superbe, et Se montra pour qu’il Le voit. Il se prosterna devant Dieu le Très-Haut et dit : « O mon prince ! J’ai été pris de stupeur à cause de Toi, et à cause Ton ordre. Quelle est donc cette amitié ? ». Il répondit : « La mine de la providence, la vérité de la suffisance, le site de la proximité et de la contemplation ». Comme Il — qu’il soit béni et exalté — l’a dit : « Nous sommes plus proches de lui que sa veine jugulaire » [Cor. : L=16].

23   - Puis, après cela, il fut doué de puissance dans la présence de la présence, et il fut façonné dans le monde de la forme. Il installa l’imagination dans le cerveau, l’intelligence, la compréhension, la réflexion, la perception, et la conscience dans le cœur, et le cœur dans la poitrine. Il emprisonna l’âme [appétitive] entre ses deux flancs et II plaça Satan, stupéfait et blessé, tapi entre la chair et le sang, ainsi qu’il — la bénédiction et le salut de Dieu soient sur lui — l’a dit : « Satan s’écoule de la descendance d’Adam par les canaux du sang » . Et l’on obstrue ses canaux par la faim et la soif.

24   - Lorsque la forme corporelle se mit à briller de la beauté de l’esprit, elle se mit en mouvement. Elle se dressa sur l’ordre de Dieu. Elle regarda le monde angélique des cieux et de la terre. Puis, après cela, elle dirigea son regard vers elle-même. Alors elle sut et connut qu’elle avait été créée, et qu’elle avait un créateur. Alors elle exalta la transcendance de Dieu le Très-Haut et Le sanctifia. Elle dit : « Que Dieu soit béni ! Lui, le meilleur des créateurs ». Elle se prosterna devant Dieu — qu’il soit béni et exalté — en gratitude et action de grâce pour Sa générosité et Ses faveurs, pour sa création et sa nature. Alors les anges du ciel se mirent à pleurer du fait de son désir [pour Dieu]. Ils demandèrent à Dieu de l’élever. Dieu l’éleva alors jusqu’au ciel. Il le fit pénétrer dans Son jardin, et II le fit asseoir sur le trône du royaume. Il fit se prosterner les anges du ciel devant lui  jusqu’à ce que fût passé autant de temps que ce que Dieu le Très-Haut voulut. Puis il apprit le péché jusqu’à ce qu’il lui pardonne par l’indulgence et lui fasse voir l’étape spirituelle du repentir. Comme Dieu le Très-Haut l’a dit : «Adam désobéit à son seigneur et fut dans l’erreur Puis son seigneur l’élut, lui pardonna et le dirigea. Il dit » [Cor., XX=121-122]. Dieu — qu’il soit loué et exalté — dit : « Ô vous qui êtes soumis à l’épreuve ! Sors de Mon paradis et va habiter la demeure de Mon épreuve » . Dieu le fit descendre du ciel jusque sur la terre, Il le précipita dans la stupeur, Il l’emplit de tristesse, et lui interdit de s’unir à Lui. Il [Le] supplia avec humilité. Il pleura deux cent années sur sa séparation et son exil. Puis II lui pardonna par Sa bienveillance et Son pardon. Il lui fit voir l’étape spirituelle de la résipiscence, et lui inspira la plus belle excuse et la récitation de : « Celui qui Me voit, L’a vu au tout premier commencement », ainsi qu’il — que Sa majesté soit exaltée — l’a dit : « Adam reçut des prescriptions de son seigneur, et II lui pardonna » [Cor., 11=37]. Puis II l’emprisonna dans la maison de l’épreuve jusqu’à ce que se soit écoulé un long moment. Et II le transportait chaque jour soixante-dix fois d’une étape spirituelle à une autre, ainsi que l’aimé du Compatissant — la bénédiction et le salut de Dieu soient sur lui — l’a dit : « Je demande pardon à Dieu soixante-dix fois par jour » et ce jusqu’à ce qu’il découvre dans l’exil ce qu’il avait vu dans la proximité [de Dieu]. Le commencement de l’esprit s’établit entièrement dans la nature primordiale par son achèvement dans la forme sensible. Lorsque ses opérations furent achevées, que ses états spirituels eurent atteint la perfection, vint l’instant du retour à sa demeure et au lieu de son séjour. Alors Dieu le Très-Haut l’appela par ses mots : « O âme pacifiée retourne à ton seigneur » [Cor., LXXXIX^ZT-ZS]. L’esprit atteignit les vergers de la contemplation. Dieu éleva alors sa forme corporelle jusqu’au paradis du dévoilement. Il la purifia avec la pureté simple, et lui fit revêtir la robe de la surexistence. L’esprit se mêla à la forme corporelle, et la forme à l’esprit jusqu’à ce qu’il devienne telle une lampe claire dont le verre est un verre limpide. Il pénétra dans Son éternité sans fin comme il était sorti de Son éternité sans commencement. Par Lui il fut suscité, à Lui il retourne .

II

Deuxième section

29    - Nous avons décrit l’itinéraire de l’esprit dans les étapes spirituelles de ceux qui sont doués du dévoilement, des gnostiques, des unifiés, et des amants, ainsi que ce que Dieu m’a révélé des principes de leur religion, de leur but, de leurs états spirituels, de leur dévoilement, de leurs secrets, de leurs sciences, de leur con­naissance mystique, de leurs vérités, de leurs finesses spirituelles, de leur ascension céleste, de leurs entretiens spirituels, et ce qui n’a pas de fin, celui que Dieu le Très-Haut a caché aux cœurs des créatures depuis le début de sa création jusqu’à la fin de son itiné­raire dans le monde angélique du Seigneur des mondes. Nous n’avons mentionné au sujet de cette chose, ni ce qu’elle contient de sacré, ni son essence, car Dieu, le Très-Haut, en a célé la science en disant — que sa majesté soit exaltée — : « Dis : l'esprit est issu de l'ordre de Mon seigneur, et il ne vous a été donné que peu de science » [Cor., XVII=85], c’est à dire de la science de mon Seigneur. ‘Abdallah ibn Burayda 108 a dit : « Nul, qu’il soit homme, génie, ange, ou démon, ne peut atteindre la science qui concerne l’esprit dont vit l’homme, si ce n’est Dieu le Très-Haut ».

108               - Les savants ont des opinions divergentes concernant la nature de l’esprit. Un groupe [d’entre eux] a dit : « L’esprit est le sang. Ne vois-tu pas que celui qui perd abondamment son sang périt ? ». Un groupe a soutenu l’opinion que l’esprit est le fait d’inspirer de l’air ; [ 109 et un autre groupe a dit : « L’esprit est une lumière issue de la lumière de Dieu le Très-Haut », et ils croient qu’il est fait de la lumière de Son essence. Un groupe a dit : « Une vie issue de la vie de Dieu » 110. Un autre a dit : « Les esprits sont créés, tandis que l’esprit-saint est issu de l’essence de Dieu le Très- Haut ». D’autres ont dit : « Les esprits du vulgaire sont créés, mais les esprits de l’élite ne sont pas créés. ». Un autre groupe a dit : « Les esprits sont prééternels, car ils ne meurent pas, ne sont pas punis et ne sont pas soumis aux épreuves ». Un groupe a dit : « Les esprits migrent d’un corps à l’autre » 111 ]. D’autres ont dit : « L’esprit a été créé de lumière ». Un autre groupe a dit : « L’esprit est double, esprit divin et esprit humain ». Le commun des mu'tazilites et des najjârites 112 a affirmé : « L’esprit est un accident ». Ils se sont tous trompés dans ce qu’ils ont pensé à son sujet, et la majorité d’entre eux n’a jamais réussi à tomber d’accord mis à part les chrétiens, [ parce qu’ils ont conçu une idée de sa constitution que Dieu avait exclu de sa nature ; et parce qu’il l’a placé au-dessus de ce que la science peut embrasser ou de sorte que quiconque ne puisse le décrire autrement que de la façon même dont Dieu le Très-Haut l’a décrit ] 113. Le Très- Haut a dit : « Ils te questionnent au sujet de l'esprit. Dis : l'esprit est issu de l'ordre de mon seigneur » [Cor., XVII=85].

30  - [ Ce sur quoi s’accordent les adeptes de la vérité et de la sagacité c’est [l’idée] que les esprits sont tous créés et qu’ils sont un ordre issu de l’ordre de Dieu. Il n’y a entre lui et Dieu aucun autre lien ou relation que le fait qu’il se trouve dans Son royaume et Son obéissance. Dans le lieu de son enfermement il n’est pas réincarné ; il ne sort pas d’un corps pour entrer dans un autre ]. Mais l’école des sages soutient à ce propos que « Dieu le Très-Haut a créé les esprits de six choses, de l’essence de la lumière, de parfum, de la surexistence, de la vie, de la science, et de la hauteur. Ne vois-tu pas que tant qu’il demeure dans le corps, celui-ci est lumineux, les yeux voient, les oreilles entendent, et il répand une bonne odeur. Lorsqu’il [en] sort, le corps sent mauvais. Il demeure, mais lorsque l’esprit s’en sépare, il disparaît. Il est vivant mais, quand il en sort, il meurt. Il est savant mais lorsque l’esprit sort de lui, il ne sait plus rien. Le corps est supérieur et subtil, tant que l’esprit demeure en lui, mais quand il en sort il devient inférieur et sale ». Ibn al-Rîwandî114 a dit : « L’esprit est un corps subtil qui habite le corps ». Le bon choix parmi ces dires réside [dans l’affirmation] qu’il est un corps subtil, ce que démontre le propos du Très-Haut qui décrit l’attribut des martyrs : « Au contraire ! Ils sont vivants auprès de leur seigneur, comblés par leur attribution, joyeux de la faveur que Dieu leur a accordée » [Cor, 111=169-170]. Or, le fait d’être comblé par la faveur de Dieu comme la joie font partie des attributs des corps, mais ce qui est désigné ici c’est leurs esprits puisque leurs corps, eux, sont tourmentés dans la terre. De même [le démontre] ce qu’on a rapporté : « Les esprits des martyrs sont suspendus à l'arbre du paradis, ils s'abritent auprès des lampes pendues sous le trône [de Dieu] » [hadîth}. Or ce phénomène ne peut provenir de l’accidentel. Quelqu’un a rapporté qu’ibn ‘Abbâs — que Dieu soit satisfait de tous deux — a dit : « Lorsque l’esprit sort [du corps] de l’homme, le corps meurt et l’esprit prend une autre forme ».

117               - Quant à ce à quoi a fait allusion la langue des adeptes des vérités spirituelles pour ce qui concerne la description de l’es­prit, c’est ce que Abû Bakr ibn Sa‘dân 115 a dit : « L’esprit a été créé de la lumière et a été établi dans les ténèbres des figures. Lorsque l’esprit devient plus fort il ressemble à l’intelligence ; les lumières se succèdent les unes aux autres et des figures s’effacent leurs ténè­bres. Alors les figures deviennent spirituelles [lumineuses : Rûzbihân- nâma] par les lumières de l’esprit et de l’intelligence. Il se laisse mener et suit assidûment sa voie. Les esprits retournent à leur mine originelle. Depuis le monde caché ils contemplent les voies qu’empruntent les décrets et ils en gravissent le cours. Celui-ci contempie ce qui s’écoule des arrêts divins et celui-là se satisfait des résultats du décret et de l’arrêt divins, ceci fait partie des états spirituels les plus subtils ». Certains ont dit : « Les esprits ont été créés de la joie, car ils s’élèvent à jamais vers le site de la joie ». Le maître Abû Nasr al-Sarrâj — que la miséricorde de Dieu soit sur lui a dit : « Dieu le Très-Haut a créé l’esprit d’Adam sur lui le salut — [de la lumière : Rûzhihân-nâma] du royaume angélique, et son corps de la terre » 116. Al-Wâsitî — que la miséricorde de Dieu soit sur lui — a dit : « Les deux déterminations de majesté et de beauté ont été puisées et les esprits sont apparus entre les deux ». Il a aussi dit : « Je suis le fils de l’éternité sans commencement et de l’éternité sans fin, parce que je suis le fils de l’éternité sans com­mencement et de l’éternité sans fin avant que de n’être le fils de l’eau et de l’argile » 117. Il a aussi dit : « Dieu le Très-Haut a créé les esprits entre Sa majesté et Sa beauté, et, si Dieu le Très-Haut ne les avait pas cachés par l’eau et l’argile, tout ce qui est apparu dans les deux régions de l’être se serait prosterné devant eux » 118. Al-Shiblî — que la miséri corde de Dieu le Très-Haut soit sur lui — a dit : « C’est par Dieu que se sont dressés les esprits, les corps et les pensées et non par leurs essences respectives » 119. al-Wâsitî — que la bénédiction de Dieu soit sur lui — a dit : « L’esprit est double, un esprit par lequel la créature [reçoit] la vie, et un esprit par lequel la créature 120 [reçoit] la lumière, lequel est l’esprit dont Dieu — qu’il soit loué et exalté — a dit : « C'est ainsi que Nous t'avons révélé un esprit issu de Notre ordre » [Cor, XLII=52] ». Abû Abdallâh al-Nibâjî a dit : « Lorsque le mystique atteint l’union, se trouvent en lui deux esprits dont un esprit qui n’est pas sujet au changement et à la coloration des états spirituels » 121.

118               - Quant à l’avis que je suis — mais Dieu est le plus savant — il est que l’esprit est un secret caché en Dieu le Très-Haut, nulle de Ses créatures ne peut l’observer à moins qu’elle ne soit au nom­bre des gnostiques investis de la condition seigneuriale à qui Dieu le Très-Haut a voulu qu’il se révèle dans le dévoilement. Ils le voient alors sous une forme de nature spirituelle, mais ils ne connaissent pas la vérité de sa constitution. La preuve qu’il est investi de cet attribut est apportée par le propos du Prophète — que la bénédic tion et le salut de Dieu soient sur lui — qui a dit au cours de l’ascension céleste : « J’ai vu Adam dans le ciel du monde d’ici-bas. J’ai vu Jésus et Jean dans le deuxième ciel. J’ai vu Joseph dans le troisième ciel, Idrîs dans le quatrième ciel, et Aaron dans le cinquième ciel. J’ai vu Moïse dans le sixième ciel, et j’ai vu Abraham dans le septième ciel »   . Et on ne dispute pas le fait qu’ils sont tous morts dans le monde d’ici-bas, à l’exception de Jésus, que leurs corps sont demeurés dans la terre mais que leurs esprits sont montés dans le monde angélique du ciel. Une autre preuve que l’esprit est une forme subtile est fournie par l’allusion du prophète — que la bénédiction et le salut de Dieu soient sur lui — concernant l’apparence des esprits : « Les esprits sont une armée rangée en ordre de bataille. Ceux d’entre eux qui se reconnaissent s’allient, et ceux qui s’ignorent s’opposent » ’23. Or l’amitié et l’opposition n’apparaissent pas autrement qu’à partir de la forme sensible. De la même manière quiconque voit le Prophète — la paix soit sur lui — dans le sommeil voit l’esprit du Prophète —Dieu le bénisse et le salue — car l’imagination et la représentation figurative font partie de la vision de la forme sensible, et non de la vision de l’esprit comme il — Dieu le bénisse et le salue — l’a dit : « Qui m’a vu, m’a véritablement vu, car le démon ne peut revêtir mon apparence ». Ceci constitue une allusion subtile pour les adeptes des vérités et des preuves manifestes pour les adeptes des finesses spirituelles. La réponse au problème qu’a soulevé quelqu’un qui demandait quelle est la preuve de ce que l’esprit a été créé avant le trône, le piédestal, le royaume et les anges, est — que Dieu nous assiste — que les êtres et les créatures sont tous des corps et des accidents, et qu’il n’y a donc aucune divergence quant au fait que Dieu le Très-Haut a créé les esprits avant les corps. La certitude en est donnée par la parole du Prophète — la paix soit sur lui — : « Dieu a créé les esprits deux millions d’années avant les corps » ,24. Il a été rapporté dans les traditions que la première chose que Dieu le Très-Haut a créé c’est la lumière de Muhammad 125 — Dieu le bénisse et le salue — ce qui constitue une allusion à l’antériorité de son esprit — la paix soit sur lui — sur les êtres.

31    - Apprends — que Dieu t’assiste dans la voie de la droiture — que Dieu — qu’il soit loué et exalté — a créé l’essence des esprits des hommes pourvue de différences comparables à celles qui existent entre les corps — certains sont sales et grossiers, tandis que d’autres sont doux et délicats, et certains sont noirs, d’autres rouges et d’autres encore, blancs — comparables à celles qui existent entre les caractè­res — certains sont sensibles, bienveillants, généreux, et proches des autres, d’autres sont cruels, durs, avares, et vils — et comparables à la différence entre ce qui attendrit et ce qui est détestable, et entre les voix agréables et les voix insupportables. Certains ont été faits des lumières du royaume angélique : ce sont les esprits des prophè­tes, des gnostiques, des saints et des rapprochés. Il les a fait entrer dans les chambres nuptiales de Sa majesté. Il S’est révélé à eux par la lumière de Sa beauté, et leur a fait revêtir le vêtement de Ses attributs. Comme l’a dit le maître Abû Nasr al-Sarrâj — la miséri­corde de Dieu soit sur lui — : « Dieu — qu’il soit loué et exalté — a créé l’esprit d’Adam — sur lui le salut — de la lumière du royaume angélique », et c’est pour cela qu’il a été pris d’un violent désir pour Sa majesté, Sa beauté, et Son union. Il a créé les esprits des croyants de nature spirituelle et paradisiaque, et c’est pourquoi ils ont éprouvé le désir du paradis. Les esprits des insouciants ont été faits de la nature de l’atmosphère, c’est pourquoi ils ont incliné vers le bas- monde. Il y a certes une grave méprise chez quiconque s’imagine que son esprit est comparable à celui de Muhammad — sur lui le salut — car l’esprit du Prophète — sur lui le salut — est une création de la réalité de majesté et de sainteté. Et les esprits des prophètes et des véridiques quoique d’une nature de pureté et apparentés au royaume angélique, ne peuvent lui être comparés, puisqu’il est dans la création le plus proche de Dieu — qu’il soit loué et exalté. Le joyau de son esprit a été distingué [par des propriétés spécifiques] entre toutes les créatures à la mesure de Sa proximité à Dieu — qu’il soit loué et exalté — et de même en ce qui concerne les esprits des gnostiques et des véridiques par rapport au commun des gens.

32    - Et aussi, de même que les esprits comportent des diffé­rences, l’argile de leurs corps comporte des différences. Par consé­quent certains sont meilleurs que d’autres comme il est rapporté dans les traditions de David — sur lui le salut — [où] Dieu le Très- Haut a dit : « O David ! J’ai créé l’argile de mes amis de l’argile d’Abraham, Mon ami intime, de Moïse, Mon confident [de Jean : ms. AS, F], et de Muhammad, Mon élu. C’est de Ma lumière que J’ai créé l’esprit de ceux qui brûlent de désir, et c’est de Ma majesté que Je les ai à précipités dans le malheur et comblés de bienfaits ». Il faut que tu saches que Dieu le Très-Haut les a distingués par la connaissance mystique l’amour, la proximité, le discours et la con­templation. Il a créé leur esprit de beauté, de majesté et de lumière, car II les a créés pour Lui-même ainsi qu’il l’a dit à Moïse — sur lui le salut — : « Je t’ai réservé pour Moi » [Cor., XX=41]. Or, il est nécessaire que celui que Dieu le Très-Haut a réservé pour Lui-même, soit plus beau que toute chose parce que Dieu le Très-Haut est délicat ; et seul le subtil peut parvenir à Son union ainsi qu’il — la paix soit sur lui — l’a dit : « Dieu est beau et II aime la beauté ».

33    - Apprends ô mon frère — que Dieu te confère la lumière de la certitude — que l’esprit, le cœur, et l’intelligence sont doués de contemplations. La contemplation de l’intelligence consiste en ce que les attributs de la puissance divine se dévoilent à partir de l’occultation des signes divins ainsi que l’a dit al-Wâsitî : « Les choses ont souri aux mystiques à travers les lèvres de la puissance divine » . La contemplation du cœur est la représentation de la lumière de la certitude ainsi que certains l’ont affirmé : « La contem­plation du cœur est la certitude ». La contemplation de l’esprit con­siste en la contemplation de visu ainsi que Dieu le Très-Haut l’a promis dans les jardins [du paradis]. Et aussi comme l’a dit al-Shiblî — la miséricorde de Dieu soit sur lui — : « Pour les gnostiques la contempla­tion du bas-monde se dévoile à partir de celle de l’autre monde ». La plupart des créatures sont retranchées de cette étape spirituelle par un voile, y compris les serviteurs de Dieu, les ascètes, les grands savants qui affirment que la vision de Dieu est impossible dans le bas-monde en invoquant la parole du Très-Haut : « Les regards ne peuvent Le voir alors que Lui peut voir les regards » [Cor, VI= 103]. Ils se sont trompés en cela parce que Dieu le Très-Haut a mentionné [ici] les regards de l’extérieur [du corps]. Quant à ce que nous admettons c’est ce que nous avons affirmé, à savoir qu’il s’agit [ici] des regards de l’inté­rieur et non des regards de l’extérieur. De plus, Dieu a voulu dési­gner ainsi une représentation qui embrasse la totalité, même s’il ne peut y avoir dans le monde d’ici-bas, ni dans l’autre monde, de représentation de Lui, ni de représentation qui L’englobe, puisqu’il est tellement grand et puissant qu’aucune de ses créatures ne sau­rait Le voir et en embrasser la totalité. D’autant que les gnostiques détiennent une étape spirituelle plus grande que celle-ci. C’est que lorsque la pureté de Sa majesté illumine l’esprit des gnostiques et que cette lumière atteint l’œil externe apparaît entre l’œil de l’es­prit et l’œil externe un chemin par lequel la lumière s’écoule. Alors, le gnostique voit par cette lumière les attributs de Dieu le Très- Haut en toutes choses ainsi que certains l’ont dit : « Je n’ai jamais vu une chose que je n’ai vu Dieu avant cette chose » . Ceci cons­titue pour les gnostiques une importante allusion subtile à la vi­sion, et c’est la limite extrême de l’étape spirituelle des adeptes du dévoilement. Nul doute que cet ensemble d’hommes n’atteindra jamais cette étape spirituelle car leurs cœurs sont occupés du bas- monde et leurs regards se dérobent et se détournent de la vie future ; or, quiconque est investi de cette propriété, Dieu lui interdit d’attein­dre cette étape spirituelle. La plupart des adeptes des paradoxes extati­ques ont été pris de rire et de stupeur dans cet océan, parmi eux Abû Yazîd al-Bistâmî, Dhû’l-Nûn al-Misrî, Yûsuf ibn al-Husayn al-Râzî , al-Shiblî, Abû’l-Husayn al-Nûrî, al-Junayd, Muhammad al-Jurayrî, Samnûn, al-Husayn ibn Mansûr, Abû’l-Abbâs ibn Atâ , Abû Bakr al-Wâsitî, Yahyâ ibn MiTâdh al-Râzî, Abû Muzahim al-ShîrâzîAbû Abdallâh Muhammad ibn Khafîf130 — la preuve de Dieu pour Sa [Cor., VI=103] création — Hishâm ibn Abdân, Abû Bakr al-Tamastânî, Ja‘far al- Hadhdhâ, Abû’l-Husayn ibn Hind al-Qurashî 131, et bien d’autres en­core qui leur sont semblables parmi les maîtres spirituels — que Dieu soit satisfait d’eux tous. [D’autres] qui leur sont comparables ont re­culé devant cet océan et ses remous car la main de Dieu accorde le bienfait à qui II veut. Dieu est le grand détenteur des bienfaits.

34    - Certains des falsificateurs contemporains affirment que Dieu le Très-Haut peut être vu dans l’autre monde, mais par les coeurs et non pas par les yeux car l’œil externe ne peut supporter de voir Dieu le Très-Haut du fait de la faiblesse de sa lumière, et parce que l’œil ne peut voir quelque chose que dans l’espace, alors que Dieu transcende l’espace. Ceci est la croyance des miftazilites. Ils se trom­pent sur ce point car le croyant ami de Dieu et sincère, et quand bien même ses péchés seraient nombreux, verra Dieu le Très-Haut dans l’autre monde de visu par l’œil externe comme le prouve la parole du Très-Haut — que soit exaltée Sa majesté — : « Des visages, ce jour-la, seront tournés vers leur seigneur en contemplation » [Cor., LXXV=22-23]. Or Dieu le Très-Haut a privilégié la mention de la vision par les visages et non par les poitrines, et l’œil fait partie de l’ensemble du visage, tandis qu’il est certes impossible d’affirmer que la poitrine fasse partie de l’ensemble du visage. Le cœur n’a pas le privilège du regard. En effet, c’est l’existence toute entière du croyant dans le paradis qui est regard parce que l’esprit et le corps sont là une seule chose comme le soleil et sa chaleur, de sorte qu’il voit Dieu le Très-Haut par tous les membres [de son corps] 132. De même que le cœur est admis à voir le Très-Haut sans [la condition de] l’espace, l’œil peut voir Dieu le Très-Haut sans [la condition de] l’espace car l’œil et le cœur sont tous deux des choses créées, et il n’existe entre elles aucune différence du point de vue de la réalité créaturelle. En fait, leur dessein, lorsqu’ils adjoignent la vision au cœur, est la négation de la vision, puisqu’ils affirment que la vision du cœur n’est qu’un supplément qui ajoute à la conviction, et que la science qui porte sur Dieu n’est pas une véritable vision. Mais c’est là une immense erreur et un raisonnement spécieux. Que Dieu nous protège ainsi que vous-mêmes de leur croyance.

35   - Certains d’entre eux ont dit que les anges sont meilleurs que les prophètes et les véridiques. Ils se sont trompés en cela car Dieu le Très-Haut a joint l’esprit d’Adam — la paix soit sur lui — à Lui-même, et II a dit : « J’ai insufflé en lui de Mon esprit » [Cor., XV=29, XXXVIII=72]. De même il a lié la formation de Sa créature à Lui-même, et II a dit : « J’ai créé de Mes mains » [Cor., XXXVIII=75] durant quarante [matins]. D’ailleurs Dieu l’a élu [en le plaçant] au- dessus des anges par Sa lieutenance en disant : « Je vais placer un lieutenant sur la terre » [Cor., 11=30], et II leur a ordonné de se pros­terner devant lui. Or tout ceci constitue une spécificité et une supériorité sur les anges. De plus, Dieu le Très-Haut a créé les anges de nature spirituelle, et les esprits des prophètes et des gnos- tiques de la réalité de majesté et de sainteté, et ceci aussi est une immense spécificité ainsi qu’il — que soit exaltée Sa majesté — l’a dit : « Nous avons certes honoré les fils d’Adam » [Cor., XVII=70].

36    - Certains des théologiens prétentieux ont dit : « L’esprit n’est ni à l’intérieur de la forme corporelle ni à l’extérieur ». Ceci est une grave faute parce que Dieu le Très-Haut dit : « J’ai insufflé en lui de Mon esprit » [Cor., XV=29, XXXVIII=72], or ce verset est une allusion à l’entrée de l’esprit dans la forme corporelle. Leur affir­mation selon laquelle « il n’est ni à l’intérieur ni à l’extérieur » provient de la faiblesse de leur compréhension de ce problème. Ils se sont en effet figurés que la forme corporelle est un lieu étroit qui ne peut contenir l’esprit. Ceci est une erreur de l’imagination et une représentation absurde parce que la forme corporelle de l’homme est le monde inférieur et parce qu’elle contient le cœur, plus vaste que les cieux, la terre, le trône, et le siège, et que celui-ci contient l’esprit qui est un signe de Dieu le Très-Haut ainsi qu’il l’a dit : « Nous leur ferons voir Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes » [Cor, XLI=53].   '

37    - Les sages divergent quant au [problème du] siège de l’intelligence. Les savants en médecine affirment « qu’elle se situe dans le cerveau », et les adeptes de la connaissance mystique affir­ment « qu’elle se trouve dans le cœur ». L’une des preuves qu’invo­quent les savants à l’appui de cela est qu’elle est semblable aux cinq sens par lesquels l’homme perçoit les choses telles que l’odeur, [le goût de] la nourriture, la chose visible, et la voix, et qu’en effet tout ceci se trouve ensemble dans la tête. Nous avons appris que l’intel­ligence se situe dans le cerveau, car les adeptes de la connaissance mystique le démontrent en prenant argument de la parole du Très- Haut : « N’ont-ils point parcouru la terre ? » [Cor, XII= 109, XXI=46, XL=82, XLVII=10]. Or, ils possèdent des cœurs par lesquels ils con­naissent, et comme Dieu leur a manifesté clairement qu’ils ont des cœurs par lesquels ils connaissent, nous avons su que l’intelligence se trouve dans le cœur. L’origine en est le propos des adeptes de la connaissance mystique selon lequel Dieu le Très-Haut a créé l’es­prit pour la contemplation et le discours divin, et qu’il a créé l’intelligence pour la bonne action et la recherche. L’esprit est le roi du corps tandis que l’intelligence est son ministre, et tous deux sont parmi les habitants du cœur car celui-ci est la contrée de la théophanie, de la contemplation, du dévoilement, du discours, et de l’inspiration. Les merveilles du cœur sont à l’image des disposi­tions innées, des mystères, et des trésors des sciences et des sagesses. L’esprit se préoccupe de la vérité, et l’intelligence de la loi divine. Tous deux ne se séparent pas l’un de l’autre autant dans le monde d’ici-bas que dans l’autre monde, car l’esprit est à la recherche de la contemplation, et l’intelligence à la recherche du paradis. L’intelli­gence obtient le délice éternel par la bonne action, tandis que l’es­prit obtient la contemplation de Dieu — qu’il soit loué et exalté — par la vigilance intérieure. La claire évidence réside en ce que Dieu a promis dans l’éternité de l’éternité. Comme l’a dit ‘Alî ibn Sahl : « L’intelligence et l’esprit sont tous deux conviés ensemble à [re­joindre] l’autre monde et à se défaire de la passion et des appétits. C’est pourquoi on les nomme tous deux esprit » .

38   - Certains savants ont affirmé que « l’esprit goûte à la mort comme le corps » et l’ont démontré par la parole du Très-Haut : « Toute âme goûte à la mort » [Cor, 111=185, XXI=35, XXIX=57]. Ils se sont trompés dans ce qu’ils se sont figurés car l’esprit est un ordre de réalité seigneuriale, de sainteté, ayant la nature du paradis et du royaume angélique. Il a été créé de la vie [forme : ms. T] éternelle et pérenne. Dieu l’a fait grandir à l’ombre de Sa majesté, dans la lumière de Son éclat, en face de Ses attributs. Il ne succombe pas à l’ivresse de la mort, et la mort ne peut se frayer un chemin jusqu’à lui ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Au contraire ! Ils sont vivants auprès de leur seigneur, comblés par leur attribution, se réjouissant de lafaveur que Dieu leur a accordée » [Cor, 111=169-170]. D’ailleurs les esprits des gnostiques sont plus apparents et plus élevés auprès de Dieu le Très-Haut que ne le sont les esprits des martyrs parce qu’ « une seule âme d’entre les gnostiques est meilleure que mille martyrs ». Ce que Dieu le Très-Haut a mentionné, à savoir que l’âme goûte à la mort concerne l’âme animale humaine composée des quatre éléments premiers. Lorsque Dieu le Très-Haut veut que l’esprit sorte [du corps] Il l’appelle en disant : « O toi âme pacifiée retourne à ton seigneur satisfaite et agréée » [Cor, LXXXIX=27]. Or celui qui est distingué par le retour à la présence prééternelle et ancienne comment se pourrait-il qu’il meure ? Après que l’esprit en soit sorti, les éléments premiers sont pris d’agitation et les corps sont anéantis. Ce propos de Dieu le Très-Haut : « Toute âme goûte à la mort » {Cor, 111=185, XXI=35, XXIX=57]. désigne celle qui a été créée de terre, puis d’une goutte de semence^ puis d’un caillot de sang, puis d’une masse flasque. On a identifié avec certitude les esprits spirituels et célestes dans l’exégèse de la parole du Très-Haut : « Alors il sera souffle dans la trompe et ceux qui sont dans les deux et sur la terre seront foudroyés sauf ceux que Dieu voudra {épargner} » {Cor., XXXIX=68], et l’exception s’applique [ici] au paradis et à ce qu’il contient, ainsi qu’au feu, au trône, au piédestal, aux anges et aux esprits. Or voici que ce qui est inférieur aux esprits ne périt pas, et les esprits ont la précellence par la surexistence parce que Dieu le Très-Haut a créé les esprits de la lumière aurorale, et s’il ne les avait pas voilés par la nature créaturelle de l’homme [l’ensemble de] l’être se serait évanoui dans sa lumière comme les étoiles disparaissent sous l’éclat du soleil. Dieu possède des serviteurs qu’il a distingués par le désir, l’amour et la contemplation. Il se révèle à eux chaque jour un million de fois, et leurs esprits sont chaque fois sur le point de fondre sous l’effet des gloires de Sa face, et du désir de s’unir à Lui. Chaque fois qu’il contemple leurs cœurs, leurs corps se consument sous le tranchant du regard qu’il pose sur eux. Lorsqu’ils sont dans cet état, ils deviennent purs, nettoyés qu’ils sont de la saleté de l’humanité et de la souillure de la nature. Lorsqu’arrive le temps de la métamorphose, l’esprit et le corps deviennent de même espèce , car l’esprit attire le corps jusqu’aux jardins [la vie : ms. T] du délice éternel et l’arrache aux affres de la mort. Alors il demeure pour l’éternité de l’éternité en compagnie de l’esprit. Il n’est pas anéanti. Il s’envole par l’aile de la bonne action en compagnie de l’esprit dans l’univers du royaume angélique ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit à propos de l’ascension céleste de notre prince Muhammad — Dieu le bénisse et le salue — : « Gloire à Celui qui a transporté Son serviteur la nuit du sanctuaire sacré au sanctuaire très éloigné » [Cor, XVII= 1 ], à propos du cas de Jésus — la paix soit sur lui — : «Je vais te rappeler et t’élever à Moi » [Cor, 111=55], et à propos de l’état d’Idrîs — sur lui le salut — : « Que Nous élevâmes à un rang auguste » [Cor, XIX=57]. Il a dit — que les bénédictions du Compatissant soient sur lui — : « Nous sommes le compagnon des prophètes et nos corps sont un esprit ». On a raconté une histoire qu’a rapportée le maître Muhammad Abû ‘Abdallah ibn Khafîf — la miséricorde de Dieu soit sur lui — qu’un adolescent kurde s’était envolé dans les airs si bien qu’il disparut des regards de ses compagnons et qu’ils ne le virent pas revenir . De même, Dieu le Très-Haut a des serviteurs qui volent dans les airs parmi les substituts, les vertueux, les rapprochés, les pèlerins, et les choisis. Et parmi eux se trouvent le pôle [ms. Fatih et Topkapi : le pôle ; autres mss. : al-‘Itrî] et al-Khidr — que la paix soit sur eux deux. Que Dieu nous comble ainsi que vous de l’étape spirituelle des gnostiques rapprochés.

39   - Les avis divergent pour ce qui concerne ce à quoi s’adresse Dieu le Très-Haut en l’homme. Certains ont dit que « c’est l’âme », et ils invoquent à l’appui de cela la parole du Très-Haut : « Par l’âme et ce qui l’a formée harmonieusement et lui a inspiré son libertinage et sa piété » [Cor, XCI=7], et aussi le propos du Très-Haut : « L’âme appétitive est certes instigatrice du vice » [Cor, XII=53]. D’autres ont dit que « c’est l’intelligence » et ils l’ont prouvé par la parole du Très- Haut : « En vérité, en cela sont des signes pour un peuple qui raisonne » [Cor, XVI=67, XXX=24], et aussi par le propos du Prophète — Dieu le bénisse et le salue — qui a dit : « La première chose que Dieu a créé c’est l’intelligence ». D’autres ont dit que c’est le cœur, et l’ont démontré par la parole du Très-Haut : « L’ouïe, la vue et le cœur de tout cela il sera demandé compte » [Cor, XVII=36], par Sa parole : « Il a fait descendre [la révélation] sur ton cœur » [Cor, 11=97], et par Sa parole : « Le cœur n’a pas menti sur ce qu’il a vu » [Cor, LIII=11]. D’autres ont dit que c’est l’esprit et ont invoqué comme argument la parole du Très-Haut : « Au contraire ! Ils sont vivants auprès de leur seigneur, comblés par leur attribution » [Cor, 111=169-170], et le propos du Prophète — Dieu le bénisse et le salue — : « Les esprits sont dans les entrailles d’un oiseau vert » [ + qui s’égaie dans les jardins, boit à ses fleuves, et mange de ses fruits » in {Mashrab : 91, 251 & Abhar : 142)]. D’autres enfin ont dit : « L’âme, le cœur et l’esprit sont un » . Mais ils se trompent à ce sujet à l’exception de celui qui ajoute que la racine [en] est l’esprit. Quant à celui qui dit que « l’âme est l’interlocutrice [du discours divin] », il se fait des illusions, car l’âme que Dieu le Très- Haut a mentionnée là est la forme corporelle. Ne vois-tu donc pas ce que dit Son propos : « Par l’âme et ce qui l’a formée harmonieusement » [Cor, XCI=7] ? Or, c’est là une allusion à la formation harmonieuse de la forme corporelle. Et si on demande quelle est la signification de Sa parole : « et II lui a inspiré son libertinage et sa piété » [Cor, XCI=8].

40    - La réponse — que Dieu [nous] assiste — est qu’elle [la forme corporelle] se trouve entre la voie du bien et la voie du mal dans lesquelles elle habite. C’est donc l’esprit parce que la forme sensible est le vêtement qui couvre l’esprit. Or, lorsqu’il sort d’elle le corps est détruit. Il ne peut donc y avoir de discours avec la forme sensible à moins que l’esprit ne soit en elle. Quant à celle que Dieu le Très-Haut a mentionné en ces termes : « L’âme appétitive est certes instigatrice du vice » [Cor, XII=53], il s’agit de l’inclination pour l’appétit et pour la passion qui se trouve dans la forme sensible de l’homme afin d’éprouver l’esprit, et des différents caractères tels que les instincts blâmables comme la haine, l’ignorance, l’avarice, et la jalousie, lesquels sont des ténèbres que Dieu le Très-Haut a créées . Mais quant à celle que Dieu le Très-Haut a spécifiée par le serment et l’appel au retour ainsi qu’il l’a dit : « J’fen] jure par Pâme qui censure » [Cor, LXXV=2], et « Ô âme pacifiée » [Cor, LXXXIX=27-28], il s’agit de l’esprit dont la nature appartient au royaume angélique, parce que la paix intérieure et la censure sont deux attributs bénis d’entre les attributs de l’esprit. En effet, l’âme a été créée de feu et l’esprit de lumière. Or le feu retourne au feu, tandis que la lumière retourne à Dieu — qu’il soit loué et exalté — ainsi que l’a dit le Prophète — Dieu le bénisse et le salue — : « Toute chose retourne à son principe ». Il a dit — que Sa majesté soit exaltée — : « J’ai insufflé en lui de Mon esprit » [Cor, XV=29, XXXVIII=72]. Al-Husayn ibn Mansûr [Hallâj] — que Dieu sanctifie son précieux esprit — a dit : « Il y a en l’homme de l’épais et du subtil, les ordres s’appliquent à l’épais tandis que le discours se produit avec le subtil ». Mais celui qui affirme que l’intelligence est l’interlocuteur se fait des illusions parce que Dieu le Très-Haut a créé l’intelligence, lumière pour éclairer le cœur, exposition claire de la science, charge qui s’impose à l’action et non dans un autre but. L’intelligence est une lampe issue de Dieu le Très-Haut destinée [à éclairer] les ténèbres des formes. Si donc il n’y avait pas d’intelligence, les paroles seraient fausses et les états d’âme corrompus. Quant à celui qui dit que l’interlocuteur est le cœur, et dont l’argument est la parole du Très-Haut : « Il l’a fait descendre sur ton cœur » [Cor., 11=97], « Le cœur n’a pas menti sur ce qu’il a vu » [Cor, LIII=11 ], et « lien sera demandé compte », ainsi que d’autres comparables, celui-là s’est trompé parce que le cœur est le site de l’esprit et son siège. Si jamais une autre chose que ce que Dieu a déjà mentionné se présente au cœur , le responsable en est l’esprit, ainsi que Dieu — qu’il soit loué et exalté — l’a dit : « Interroge la cité » [Cor, XII=82] c’est à dire les gens de la cité. L’inspiration prophétique descend en révélation sur le cœur parce que le cœur est la maison de l’esprit, car l’interlocuteur de l’inspiration prophétique est l’esprit et le cœur est pour l’esprit le miroir de Dieu. Si une chose du monde caché apparaît en lui c’est parce qu’il est la demeure de la vision. Toutefois le cœur est ce qui est regardé par l’esprit et l’esprit celui qui regarde. Le sens de ce que le Très-Haut a dit : « Le cœur n a pas menti sur ce qu’il a vu » [Cor, LIII=11 ] est que le cœur n’a pas menti au sujet de ce que l’esprit a vu, c’est à dire qu’il a agréé la vision qui est apparue dans le cœur. Tout ceci signifie que le cœur est la cité de l’esprit, que l’esprit en est l’habitant. L’esprit est donc en elle l’interlocuteur de Dieu ainsi que l’a dit al-Husayn ibn Mansûr [Hallâj] : « Il y a en l’homme de l’épais et du subtil » jusqu’à la fin [du propos]. Certains ont dit : « Les créatures sont séparées de Dieu par un voile et l’esprit est à la fois celui qui prononce le discours et celui à qui il est adressé ». Par suite, le cœur pour les gnostiques est l’orient de la théophanie, tandis que l’esprit est un pèlerin dans la sphère céleste de l’imminence. Le cœur est la lucarne du royaume angélique, mais l’esprit est la lampe du royaume de gloire. Le cœur est la conque de nacre [coffret : ms. AS] des attributs, et l’esprit est le plongeur de l’océan de l’essence. Le cœur est le jardin luxuriant de l’inspiration et l’esprit l’étendard de la générosité. Le cœur est la mine originelle des caractères dont l’esprit est le vestige. Le cœur est la cage de l’amour tandis que l’esprit est le rossignol du désir. Le cœur est le verger de l’amour et l’esprit est le pur élu du royaume. Le cœur est l’allée du dévoilement et l’esprit est assidu à l’ascension céleste de la contemplation. Le cœur est l’œil de la sagesse et l’esprit est teint de la teinture de la connaissance mystique. Le cœur est le miroir de la concentration visionnaire et l’esprit est illuminé par la lumière de la providence. Le cœur est la maison de la tendresse et l’esprit est ivre de certitude. Le cœur est celui qui gravit le repentir et l’esprit est le voyageur de la conversion à Dieu. Le cœur est la balance qui pèse la création tandis que l’esprit est ce qui assure la subsistance du Vrai [Dieu]. Quant à [ce que représentent] l’intelligence et l’âme pour les gnostiques : l’intelligence est l’exégète des secrets tandis que l’âme est le portefaix des péchés. L’intelligence est la guidance de Dieu, mais l’âme est l’ennemi [égarement : ms. T] des créatures. L’intelligence est le défenseur qui repousse les suggestions [du démon] et l’âme est la maison de l’échec. L’intelligence est l’habitant de l’inspiration, et l’âme est l’intrigant qui manigance les rêves. L’intelligence marche en tête des drapeaux tandis que l’âme épie l’occasion favorable [pour commettre] les péchés. L’intelligence interdit la colère, alors que l’âme est le trésorier du plaisir. L’intelligence recherche la douceur, tandis que l’âme s’adonne avec assiduité à la gourmandise. L’intelligence soupèse les paroles, mais l’âme corrompt les actions. L’intelligence médite sur les versets divins, alors que l’âme provoque les malheurs. L’intelligence est le teinturier de la sagesse, tandis que l’âme est le plongeur de l’océan de la souffrance. L’intelligence est emplie par la représentation tandis que l’âme est créée d’associationnisme.

III

Troisième section

41    - Apprends que l’esprit le cœur, l’intelligence et l’âme possèdent des caractères innés. En ce qui concerne les caractères innés de l’esprit, ils consistent dans l’itinéraire dans les mystères [les bienfaits : ms. M] et l’immersion dans les arrêts divins.

Parmi ses caractères innés se trouvent la purification et la bonne guidance, l’ivresse et la sobriété, la contraction et la dilatation, la crainte et l’espoir, le cheminement dans l’éternité sans commencement et l’envol dans l’éternité sans fin, l’esseulement et le dépouillement de soi, la patience dans l’exil et le cheminement dans les tristesses, la recherche de la contemplation et la proximité dans la conversation [avec Dieu]. Parmi ses caractères innés se trouvent encore la conservation des instants extatiques et le fait de tenir cachées les oraisons, la satisfaction dans l’aspiration [l’adversité : ms. M] et l’attention portée à l’antériorité de la providence qui accorde les oraisons, le rire quand il est la proie de l’exultation et les pleurs lorsqu’il s’accable de reproches, le plaisir dans l’audition du concert spirituel et l’entrée dans la pureté simple, le fait de regarder de beaux visages et l’intimité de la rose et du myrte, ainsi que l’a dit Dhû’l-Nûn Misrî — que la miséricorde de Dieu sur lui — : « Qui demeure dans l’intimité de Dieu, est l’intime de toute belle chose blanche et claire, de toute voix douce, et de tout parfum agréable »

Parmi ses caractères innés, figurent aussi la consomption et le désir passionné, le fait de humer ce qui sent bon et le désir passionné pour le visage de l’aimé, la tristesse et le gémissement, le cri et les sanglots, l’agita­tion au cours de l’extase mystique, et l’anéantissement de soi dans l’existant, l’amour de la retraite spirituelle et la quête de l’union mystique, la contem­plation et le dévoilement, le fait de s’élever dans l’ascension céleste et le fait de gravir le chemin droit, la joie dans la surexistence et la soumission à l’anéantissement de soi, le chant et la danse, le fait de s’affranchir de la condition humaine et [le fait d’atteindre] l’unité avec la déité.

J’ai mentionné un certain nombre de caractères innés de l’es­prit à ceux d’entre les adeptes des vérités qui recherchent la droite à ceux qui s’instruisent des sciences des finesses spirituelles.

Quant aux caractères innés du cœur, en font partie la contrition et la conversion à Dieu, la crainte révérencielle et l’effroi, l’attendrissement et la crainte [l’extase : ms. M], la pureté et la fidélité, la patience et l’humble contentement, l’invocation [des noms de Dieu] et la méditation, la vigilance intérieure et l’observation, la recherche de l’extase, et la tristesse, la sincérité et la pureté d’intention, la pudeur et la générosité 141, la science et le songe, la probité et la loyauté, la bienfaisance et le courage, l’ascèse et la pauvreté, la soumission [à Dieu] et la docilité, le regret et les lamentations, la pitié et la compassion, et tant d’autres vertus que l’on ne saurait les dénombrer toutes.

Quant aux caractères innés de l’intelligence, parmi eux se trou­vent le discernement et la réflexion, la science et l’exposition claire, l’allusion et ce qui est en suffisance, la bienveillance et l’indulgence, le soin et l’édification, la guidance et l’exultation, la compréhension et la représentation, la sagacité et la gouverne, la faim, la soif, et l’abandon du bas-monde et de ce qu’il contient, enfin l’ensemble des actions louables qui sont issues des caractères innés de l’intelligence.

Et ce que j’ai indiqué à son propos est suffisant pour celui qui est doué de compréhension.

Pour ce qui concerne l’âme, on ne peut la connaître dans son essence de même que l’on ne peut connaître l’essence de l’esprit dans sa vérité parce que l’esprit est le signe de la douceur de Dieu le Très-Haut tandis que l’âme est le signe de Sa fureur. Or, la fureur et la douceur sont deux des attributs de Dieu le Très-Haut, et Ses attributs et Son essence sont une chose unique. Et de même que la science de Sa vérité et de Sa substance est absurde, connaître la nature de l’esprit et celle de l’âme est absurde, puisqu’ils sont tous deux recouverts de deux des vêtements de Dieu le Très-Haut, lesquels sont la fureur et la douceur. Nul d’entre ses créatures ne peut s’élever jusqu’à la vérité de Ses attributs, même s’ils sont avérés grâce à la manifestation de Ses opérations théophaniques. Si quelqu’un pose une question sur le sens de son propos — sur lui le salut — : « Qui connaît son âme connaît son seigneur » [et affirme] qu’il s’agit d’une allusion au fait qu’elle est douée de la connaissance mystique, nous répondons quant à nous que le Prophète — que la bénédiction et le salut de Dieu soient sur lui — a voulu au contraire nier qu’elle soit douée de la connaissance mystique. Ceci est en effet un enseignement qu’il a adressé aux créatures concernant l’impuissance à connaître Dieu — qu’il soit exalté. Ce qui revient à dire que si vous ne pouvez connaî­tre la vérité du créé, comment pourriez-vous donc connaître la vérité du créateur ? La preuve de cela réside dans Sa parole — qu’il soit loué et exalté — : « Ils n'ont pas mesuré Dieu à sa vraie mesure » 142. C’est dans le même sens que le Prophète a dit : « Je ne puis parvenir à épuiser Ta louange, car Tu es tel que Tu Tes loué Toi-même » 143. On a demandé au prêcheur des gnostiques, médecin de ceux qui brûlent d’amour [pour Dieu], cierge du temps, preuve du compatissant, le “grand maître”, Abû ‘Abdallâh ibn Khafîf — que Dieu sanctifie son esprit — de quelle nature est l’âme. Il répondit « On ne peut la connaître en son essence ». Toutefois c’est par la manifestation de ses actes qu’est démontré ce qu’elle est. Parmi ses attributs se trouve l’opposition à Dieu. Elle est encline aux appétits. Les actes de dévotion lui pèsent et c’est dans les futilités qu’elle trouve le repos. Al-Wâsitî — que Dieu sanctifie son esprit — a dit : « U âme est ténèbre et sa conscience secrète est sa lampe de sorte que celui qui na pas de conscience secrète demeure à jamais dans les ténèbres ».

De même que l’esprit a des caractères innés louables, l’âme a des caractères innés blâmables que nous allons exposer aux aspi­rants [de la voie spirituelle] si Dieu le Très-Haut le veut.

42    - Parmi ses vices se trouvent l’amour de la compagnie des gens du vulgaire adonnés aux futilités, des gens du marché qui sont négligents, et des rapporteurs de traditions prophétiques ignorants. Le moyen de s’en guérir consiste à fréquenter la compagnie des savants qui craignent [Dieu], et des serviteurs de Dieu qui sont vertueux.

Parmi ses vices se trouve la compagnie des marchands, des gens du conseil du gouvernement, des chefs des turcs, et des pri­sonniers [des fous : ms. AE, M, V] qui sont dans le cercle qui entoure les princes et qui ne se soucient de leurs affaires que par intérêt pour le bas-monde. Le moyen de s’en guérir consiste à re­chercher la compagnie des ascètes et de ceux qui pratiquent l’absti­nence et de songer aux états [des âmes] lors de la résurrection en les rapportant aux diverses sortes de châtiments réservés aux tyrans.

Parmi ses vices se trouvent la fréquentation des gens qui prônent une liberté illimitée, des gens qui intriguent et qui exer­cent le pouvoir, la fréquentation des lecteurs [du Coran] qui trahis­sent [le texte], des juristes négligents, et des soufis ignorants. On la guérit par la compagnie des gens de la vénération, de la piété, et de la gouverne qui font partie des maîtres spirituels doués de certi­tude et des saints véridiques.

Parmi ses vices se trouve la fréquentation des gouvernants, des gens pétris d’arrogance, de ceux qui miment ceux qui invoquent [Dieu] et ceux qui viennent siéger sur leurs chaires [pour les imiter]. Le moyen de s’en guérir consiste à s’asseoir en compagnie des soufis sincères empreints de la crainte de Dieu et qui se livrent à la vigilance intérieure, comme l’a dit al-Junayd — que la miséricorde de Dieu soit sur lui — : « S’il [Dieu] veut du bien pour l’aspirant, Il lui facilite l’accès à la compagnie des soufis et l’empêche de fréquenter les lecteurs [du Coran] ».

Parmi ses vices se trouvent la familiarité et l’inclination à tenir compagnie aux femmes et aux adolescents, à contempler leurs visages, comme le fait d’entretenir des rapports avec eux et de s’amu­ser en leur compagnie  ; de plus, celui qui se conduit ainsi pense que cela ne lui est pas nuisible, comme l’a décrit le Très-Haut : « Celui pour qui la laideur de son action sera parée pour lui [de fausses apparences] et qui la considérera belle » [Cor, XXXV=8]. Le moyen de s’en guérir consiste à cesser de les fréquenter, à entrer dans la compagnie de ceux qui s’abreuvent de Dieu, et de ne s’en séparer en aucune manière, ne serait- ce qu’une heure, ou même un instant, car ils sont la forteresse de Dieu sur la terre. Quiconque est l’un d’entre eux se voit donc protégé d’Iblîs et de ses armées, ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Tu ne disposes d'aucun pouvoir sur mes serviteurs » [Cor, XV=42, XVII=65], et ainsi qu’il — sur lui le salut — l’a dit : « L’homme est plus fort grâce à son frère ». Yûsuf ibn al-Husayn   — que Dieu sanctifie son esprit — a dit : « Chaque fois que vous me verrez faire quelque chose faites-le sauf de fréquenter des jeunes hommes car ce sont là les plus grandes des tenta­tions ». Et il a dit : « Le malheur des soufis se trouve dans la fréquen­tation des jeunes hommes et des femmes ».

43  - Parmi ses vices se trouvent l’inclination pour le divertisse­ment, la plaisanterie, les choses agréables, le fait de se précipiter incon­sidérément dans les plus grands péchés, et diverses actions telles que celles que commettent les jeunes garçons. Or ces actions dans leur ensemble durcissent le cœur. Le moyen de s’en guérir consiste à exami­ner avec soin les sciences de la communauté [des soufis], leur bonne éducation ainsi que leurs bonnes actions jusqu’à pouvoir se délivrer du malheur qu’engendre la nature et à s’éduquer en adoptant les usa­ges propres à la vérité parce que Dieu le Très-Haut a jeté le blâme sur un groupe d’impies en disant — qu’il soit exalté — : « Ceux qui ont pris leur religion comme jeu et distraction » [Cor, VII=51] [ms. Topkapi : « Ceux dont la religion est une distraction et un jeu » (Cor, VI=70)]. Le Prophète — la paix soit sur lui — a dit : « Ne dispute pas avec ton frère, ne plaisante pas avec lui, et ne lui promets rien de crainte de tromper son attente » 146. Certains d’entre eux [les soufis] ont dit : « La plupart des plaisante­ries proviennent de la fausseté ».

Parmi ses vices se trouvent l’ignorance et la fausseté. Le moyen de s’en guérir consiste à apprendre la science en compagnie des maî­tres de la vérité, et à s’engager dans les bonnes actions des soufis.

Parmi ses vices il y a l’habitude de se rendre chez ses pères, ses mères, et ses proches parents, de fréquenter les maisons d’appa­rence brillante, les hôtelleries et les amis que l’on se fait parmi les gens de la région [où l’on habite]. Le moyen de s’en guérir consiste à s’exiler loin de sa terre natale, à entrer dans un couvent de soufis sincères, luttant contre leur âme et brûlant d’amour [pour Dieu] ainsi que Dieu — qu’il soit loué et exalté — l’a dit : « Qui sort de sa maison s'exilant en direction de Dieu et de Son prophète » [Cor, IV=100], et consiste à prendre patience en s’unissant à leur effort [ascèse : ms. AS] et à leur pauvreté comme l’a dit Dieu le Très-Haut à Son Prophète — la paix soit sur lui — dans le verset : « Prends patience en compagnie de ceux qui prient leur seigneur le matin et le soir qui désirent Sa face » [Cor, XVIII=28].

Parmi ses vices se trouvent l’amour de l’argent, des terrains, des immeubles, des maisons spacieuses brillantes et dorées, des enfants nés esclaves, de la famille et des esclaves, les parures d’or et d’argent, et les diverses sortes de vêtements de soie. Le moyen de s’en guérir consiste à contempler le caractère éphémère du monde, la venue de la mort, l’incarcération de l’âme dans la tombe, la résurrection, le compte à rendre à Naqîr et Qamtîr, la chaleur brû­lante du feu [de l’enfer], [comparée à] la pérennité du paradis et de son délice, et la subsistance de Dieu — qu’il soit béni et exalté — ainsi qu’il — que Son nom soit exalté — l’a dit : « Tous ceux qui sont sur elle [la terre] sont périssables, alors que subsiste la face de ton seigneur qui détient la majesté et la générosité » [Cor, LV=26-27]. Le Prophète — la paix soit sur lui — a dit : « Le bas-monde est un pont, traversez- le et n’y fixez pas votre séjour ».

Parmi ses vices se trouvent le fait de douter de la science, l’étude de ce qui s’oppose [au consensus], le fait de se livrer aux disputes dans les assemblées des jurisconsultes, le fait de tenir des propos acerbes en chaire, le fait de prononcer des avis juridiques, des sentences, des jugements, de rendre la justice, l’amour des oeuvres littéraires, le fait de déclamer la poésie, la lecture mesurée, la calli­graphie, l’éloquence, le fait de parler de nombreuses langues, la grammaire, le fait de se plonger dans l’astronomie, la théologie, la science de la philosophie, et d’autres choses du même type qui ont toutes pour but le pouvoir et le voile qui en est l’insigne, qui ont pour but de faire se tourner les visages vers soi, et de s’attirer les profits. Le moyen de s’en guérir consiste à goûter la pureté de la pratique religieuse, à s’appliquer avec assiduité à la vigilance inté­rieure, à fréquenter les maîtres de l’extase et du dévoilement, et à écouter les paroles des adeptes de l’amour. On a ainsi rapporté qu’Abû’l-Abbâs Surayj  — la miséricorde de Dieu soit sur lui — dit à al-Shiblî : « O Abû Bakr ! Si tu [daignais] prêter un regard à la science du droit, ils te demanderaient de rendre des avis juridiques ». Al-Shiblî répondit : « Une pensée qui transporte ma conscience secrète est bien plus aimable que soixante dix des juge­ments que peut prononcer ibn Surayj ».

Parmi ses vices se trouvent le fait d’orner les vêtements rapié­cés, le fait de coudre des vêtements de plusieurs couleurs dans le but de soigner son apparence, le fait de se distraire l’esprit avec les couleurs des vêtements et des frocs soufis qui comptent parmi les instruments dont se servent les soufis. Or ce luxe provoque la suggestion diabolique. Le moyen de s’en guérir consiste à se vêtir d’une étoffe rugueuse et d’avoir des égards pour la conscience se­crète ainsi que l’a dit Ruwaym à quelques-uns de ses compagnons : « Cette situation n’arrive que par l’avilissement de l’esprit. Pour l’éviter, que l’on ne s’occupe donc pas des futilités des soufis » .

Parmi ses vices se trouvent la pratique ostentatoire des de­voirs religieux, la douceur des propos, le fait de témoigner des égards aux créatures, l’étalage de la misère et des sacrifices que l’on consent, le fait de simuler en faisant une retraite spirituelle en poussant de grands cris et en recherchant l’extase dans le but de se montrer aux autres d’acquérir de la renommée et de jouir de la considération du vulgaire. Or ceci est la racine de l’association­nisme. Le moyen de s’en guérir consiste à sortir de cet endroit, dans l’intention d’entrer au service des gens, de se réduire à la mendicité, et d’autres actions semblables, consistant à ôter les vête­ments de la renommée et à revêtir le costume des gens du commun parce que Dieu a chassé les hypocrites, comme le Très-Haut l’a, en effet, dit : « Ils sont emplis d’ostentation envers les gens ; cependant ils n’invoquent guère Dieu, hésitant entre ceci et cela » [Cor., IV= 142-143]. Le Prophète — la paix soit sur lui — a dit : « Le méchant dans ma communauté est celui que l’on se montre du doigt sauf celui que Dieu le Très-Haut préserve ». Yahyâ ibn Mu‘âdh [al-Râzî] — que la miséricorde de Dieu soit sur lui — a dit : « Le pouvoir c’est les esplanades d’Iblîs, il descend en elle accompagné de ses armées ».

Parmi ses vices se trouvent le fait de beaucoup manger et de beaucoup boire, l’avidité pour les repas de toutes sortes, les assai­sonnements et les sucreries, et le fait de boire de l’eau froide. Le moyen de s’en guérir consiste à jeûner continuellement et à ne manger que peu, comme Dhû’l-Nûn l’a rapporté à propos d’al- Shuqrân  — que la miséricorde de Dieu soit sur lui — qui était son maître et qui disait : « La perdition du novice n’est pas ailleurs que dans le fait de se régaler de friandises ».

Parmi ses vices se trouvent la langueur et le désœuvrement. Le moyen de s’en guérir consiste dans la fréquentation des servi­teurs [de Dieu] et le zèle dans les devoirs religieux.

Parmi ses vices se trouvent le fait de beaucoup parler de choses qui n’ont aucun sens. Le moyen de s’en guérir consiste à garder le silence en s’abstenant de tout ce qui n’est pas l’invocation de Dieu le Très-Haut. Parmi ses vices se trouvent le fait de tenir des propos malveillants envers quelqu’un alors qu’il est absent, la calom­nie, le fait de se répandre en injures contre quelqu’un, l’insulte, la diffamation, le fait d’accuser quelqu’un à tort, l’intrigue [la rancune : ms. T], la calomnie, le fait d’embellir les apparences, le fait d’espion­ner les faits et gestes d’autrui guidé par une intention malveillante, et le fait de laisser sa langue libre de se répandre en discours oiseux. Ceci entraîne l’endurcissement du cœur et le châtiment du feu [de l’enfer]. Le moyen de s’en guérir consiste à réfléchir sur les suites de la parole de Dieu le Très-Haut, et sur le fait que c’est elle qui chasse les péchés, à penser au long temps que dure la résurrection, au compte qui y est réclamé, à l’immensité du feu et de son supplice, parce que Dieu le Très-Haut a dit : « Au jour où leurs langues témoigneront contre eux » [Cor., XXIV=24]. Il — la paix soit sur lui — a dit : « Prenez garde à la médi­sance, car la médisance est pire que l’adultère » .

Parmi ses vices se trouvent le fait de scruter les défauts que cachent les musulmans, et de prêter l’oreille aux propos des négli­gents. Le moyen de s’en guérir consiste à baisser son regard, à se détourner des futilités et du bavardage comme le Très-Haut l’a dit à son Prophète — la paix soit sur lui — : « Dis aux croyants qu’ils baissent leurs regards et demeurent chastes » [Cor., XXIV=30], puis II a décrit les véridiques et en disant : « [ceux qui] Lorsqu’ils passent à côté de la futilité, passent noblement » [Cor., XXV=72].

Parmi ses vices se trouvent la pétulance, l’enjouement, le rire, et la joie à commettre les péchés. Le moyen de s’en guérir consiste à entrer dans les cimetières, à visiter les [tombes des] maîtres spirituels, à pleurer en leur présence, et à s’éloigner de la demeure des vanités [de ce monde], comme Dieu le Très-Haut l’a dit : « Ne te réjouis point car Dieu n’aime pas ceux qui se réjouissent », et comme il — la paix soit sur lui — l’a dit : « Dieu aime tout cœur en proie à la tristesse » .

44   - Parmi ses vices se trouvent la paresse dans l’accomplisse­ment des devoirs religieux, et la recherche du repos dans l’oisiveté. Le moyen de s’en guérir consiste à rester immobile en prosterna-

tion, à se réveiller du sommeil aux aurores, à prendre son repas dans la demeure où l’on séjourne perpétuellement, et à rester à guetter en contemplation jusqu’à atteindre le contemplé.

Parmi ses vices se trouvent la convoitise et l’avidité pour ce qui est détenu entre les mains des gens. Le moyen de s’en guérir est de prendre patience, d’être satisfait des biens que Dieu le Très-Haut dispense, et de savoir que l’humiliation et la misère dans le bas- monde et l’autre monde naissent de l’avidité comme certains l’ont dit : « L’avidité s’en va avec l’eau [l’éclat : ms. T] du visage ».

Parmi ses vices se trouve l’espérance d’être doué d’une lon­gue vie. Le moyen de s’en guérir consiste à observer la mort heure après heure ainsi que l’a dit ‘Abdallah ibn ‘Umar — que Dieu soit satisfait d’eux deux — : « L’envoyé de Dieu — que la bénédiction et le salut de Dieu soient sur lui — me saisit par une partie de mon corps et dit : « Sois dans le bas-monde comme si tu étais étranger ou comme si tu passais ton chemin et mets-toi au nombre de ceux qui sont les compagnons des sépulcres » .

Parmi ses vices se trouvent la flatterie des gens du bas-monde [gens du moment : ms. AE, M, V]. Le moyen de s’en guérir consiste à savoir de science certaine que Dieu le Très-Haut est son créateur, son nourricier, et que si Dieu veut le frapper [d’un malheur], Il le frappe, ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Si Dieu te touche d'un malheur, nul ne saurait l'écarter de toi si ce n'est Lui » [Cor., VI=17, X=107], et ainsi qu’il — que la paix soit sur lui — l’a dit : « Qui s’abaisse devant le riche à cause de sa fortune, un tiers de sa religion l’a quitté ».

48    - Parmi ses vices, il y a l’envie. Le moyen de s’en guérir consiste à regarder le vice de sa propre âme, à la blâmer avec la plus grande sévérité, à la transformer, et à savoir de science certaine que la faveur qu’accorde la main de Dieu, Il la donne à qui II le désire.

Parmi ses vices se trouve l’avarice. Le moyen de s’en guérir consiste à faire grande dépense d’argent pour les pauvres qui vivent dans le dénuement, et aux adeptes de la vigilance intérieure qui ne mendient pas en importunant les gens, et ce jusqu’à ce que l’on goûte au parfum [au repos : ms. M, T] qu’exhale la libéralité, et que l’avarice sorte de son cœur par les bénédictions qu’il contient, et que l’on obtienne le jardin du délice par leur amour, ainsi qu’il — que la paix soit sur lui — l’a dit : « Le jardin [du paradis] est la demeure de ceux qui sont doués de libéralité ».

Parmi ses vices se trouvent les mauvais instincts [l’opinion : ms. AS, F], le fait d’avoir une mine sévère entre frères et le fait de les chasser. Le moyen de s’en guérir consiste à observer les usages des maîtres spirituels, leur façon de se traiter les uns les autres selon la loi de la science divine, la bienveillance qu’ils laissent baigner leurs visages ouverts, leur douceur et la bonté dont ils témoignent envers leurs compagnons. D’ailleurs Dieu le Très-Haut a dit de l’élévation de Son prophète — que la paix soit sur lui — : « En vérité tu es d’une élévation morale éminente » [Cor., LXVIII=4], et il a aussi dit : « Si tu avais été rude et d’un cœur dur, ils auraient fait sécession autour de toi » [Cor., 111=159]. Et il — que la paix soit sur lui — a dit : « Que le croyant atteigne le degré de celui qui demeure ferme dans le jeûne par la beauté de son caractère ».

Parmi ses vices se trouvent l’inimitié, l’hostilité, et la haine. Le moyen de s’en guérir consiste à abandonner le monde d’ici-bas à ceux qui l’habitent car ce vice est engendré par les querelles et les querelles font partie des choses auxquelles s’appliquent les gens du bas-monde. Or ceci est un ordre éminent pour Dieu le Très-Haut ainsi qu’il — que la paix soit sur lui — l’a dit : « Il n’existe pas, pour Dieu le Très-Haut, de chose qui ait plus de valeur que l’ascèse dans le monde d’ici-bas ».

Parmi ses vices se trouvent la fierté et la colère. Le moyen de s’en guérir consiste à considérer sa propre faiblesse, son impuissance et le besoin que l’on a de toute chose et même le fait que lorsque l’envie pressante de faire ses besoins s’empare de soi au point de ne pouvoir se contenir on ne peut la repousser de son âme. Comme Dieu le Très- Haut l’a dit : « L’homme a été créé faible » [Cor., IV=28]. De plus, il convient de savoir que la fierté et la colère sont deux des attributs de Dieu le Très-Haut. Or celui qui revendique pour soi Ses attributs, revendique aussi Sa souveraineté, ce qui constitue un terrible associa­tionnisme, et qui est coupable d’associationnisme, Dieu le Très-Haut le précipite dans le feu [de l’enfer] ainsi qu’il — que la paix soit sur lui — l’a dit : « Le Très-Haut a dit : « La superbe est Mon manteau et la magnificence est Mon voile, et quiconque M’enlève l’un des deux, Je le précipite dans le feu et ne M’en soucie plus ». ».

Parmi ses vices se trouvent la tromperie, la falsification, l’obscénité et l’injustice. Le moyen de s’en guérir consiste à craindre la rétribution [promise] par Dieu le Très-Haut, car c’est Lui qui consent au dessein que l’on poursuit, ainsi qu’il — que la paix soit sur lui — l’a dit : « Qui cherche à obtenir quelque chose au moyen du péché est au plus loin de ce qu’il espère et le plus près de la venue de ce qu’il n’attend pas » .

Parmi ses vices se trouvent l’amour de la richesse, la prétention et Farrogance. Le moyen de s’en guérir consiste à rester modeste face aux petits et aux grands en faisant de grands efforts sur soi- même jusqu’à ce que l’on réalise en soi-même l’humilité et la soumission, parce que les plus viles des créatures de Dieu sont les gens de la prétention et de l’arrogance. Et [c’est cela même] qui oppresse de son poids les coeurs des croyants, et [les] fait chuter hors de l’amour du seigneur des mondes ainsi que Dieu le Très- Haut l’a dit : « Dieu n 'aime pas l'insolent plein defierté » [Cor., XXXI=18].

Parmi ses vices se trouvent le fait de se quereller avec ses frères et les prétentions infondées propres à la nature humaine. Le moyen de s’en guérir consiste à savoir de science certaine que Dieu le Très-Haut est au-dessus de son cœur et qu’on doit craindre qu’il ne lui interdise d’atteindre la station spirituelle de la communauté [soufie], parce que quiconque prétend être ce qu’il n’est pas ne peut atteindre cette station. Quiconque s’oppose à la communauté entre dans la trahison et se livre au blâme.

Parmi ses vices se trouve le fait de s’écarter par fierté de ses pères et mères. Le moyen de s’en guérir consiste à manifester clairement le lien qui unit à eux deux, à manifester le fait que le caractère ait été formé entre leurs mains, et consiste à rester à les servir ainsi que Dieu le Très-Haut l’a dit : « Sois reconnaissant envers Moi et envers tes parents » [Cor, XXXI=14].

Parmi ses vices se trouvent le fait de négliger les moments [prescrits pour la prière] et de délaisser l’accomplissement des de­voirs religieux, de ne pouvoir se résoudre à les rattraper, et de les renvoyer à plus tard, heure après heure, jusqu’à ce que l’âme trouve l’apaisement dans la mollesse. Le moyen de s’en guérir consiste à respecter les périodes et les moments prescrits chaque fois que tu vois une partie des rites surérogatoires qui réclame d’être accom­plie à son heure, à ne plus écouter ce que peut l’âme inventer et son manque de précipitation afin de ne plus sombrer dans le désœuvre­ment, comme l’a dit le “grand maître” Abû ‘Abdallâh ibn Khafîf— que la miséricorde de Dieu soit sur lui — : « Il n’y a pas de chose plus nuisible pour les novices que d’être indulgent envers l’âme » .

Parmi ses vices se trouvent la recherche de la tolérance et des interprétations [permissives]. Le moyen de s’en guérir consiste à abandonner l’intérêt qu’a l’âme en toutes choses, et à lui imposer la conduite religieuse de la communauté [des soufis] car quicon­que obéit à l’âme tombe dans l’abîme de la passion et de l’appétit, et quiconque délaisse ne serait-ce qu’un élément des principes et ne se préoccupe que d’obtenir la tolérance fait fuir les maîtres spiri­tuels ainsi que l’a dit le “maître de ceux qui profèrent les paradoxes”, Abû Bakr al-Tamastânî : « Celui qui fuit la confiance que l’on place en l’âme retourne à l’interprétation [vraie] de la science » .

Parmi ses vices se trouve le fait de beaucoup dormir. Le moyen de s’en guérir consiste à peu manger, à ne boire que peu d’eau, à ne rien manger d’épais, et à observer le zèle dont font preuve les vertueux dont Dieu le Très-Haut a fait mention dans Son livre en ces termes : « C’est peu de temps, la nuit, qu’ils dormaient » [Cor., LI=17].

Parmi ses vices se trouve le fait de fuir la retraite spirituelle comme la vigilance intérieure. Le moyen de s’en guérir consiste à prendre patience au commencement de la vigilance intérieure jus­qu’à ce que Dieu le Très-Haut lui donne à voir quelque chose du dévoilement et que son cœur goûte à la pureté de l’invocation ainsi que le Prophète — que la paix soit sur lui — l’a dit : « La patience se révèle au cours des premiers assauts de l’épreuve ».

Parmi ses vices se trouvent le fait de se réjouir de l’éloquence et le fait de tenir des paroles de sagesse lors même que l’on est négligent et non durant les instants de pureté et où on éprouve des états spirituels. Or c’est là une terrible tentation pour les novices. Le moyen de s’en guérir réside dans le fait de savoir de science certaine que la sagesse est un droit qui appartient à Dieu le Très- Haut. Et quiconque néglige le droit de Dieu le Très-Haut, Dieu le combat et dans le monde d’ici-bas comme dans l’autre monde. Il faut savoir que celui qui parle sans prendre appui sur son propre état, sa parole a pour effet d’oppresser les cœurs des hommes et les sciences des bonnes actions lui deviennent troubles.

Parmi ses vices se trouvent le fait de se livrer à des insinua­tions en posant une question. Le moyen de s’en guérir consiste à savoir de science certaine que les clés des nourritures divines se trouvent dans la main de Dieu, que les cœurs des serviteurs [sont soumis] à l’ordre de Dieu, et que nul ne peut faire de don à qui que ce soit autrement que par la volonté de Dieu.

Parmi ses vices se trouvent la tristesse et le fait de s’inquiéter de ce que Dieu prodigue. Le moyen de s’en guérir consiste à consi­dérer ses jours passés, ce que Dieu le Très-Haut a dispensé tout au long de sa vie, et à comparer ce qui reste encore de sa vie à l’échelle de ce qui en est déjà passé.

Parmi ses vices se trouve le fait d’accompagner la conscience secrète après que le dévoilement soit parti. Le moyen de s’en guérir consiste à la chasser [l’âme] pour l’empêcher d’accompagner [la conscience secrète] dans chaque état spirituel.

Parmi ses vices se trouve le fait de demander de Dieu de pouvoir accomplir des prodiges destinés aux gens, ce qui vient de ce que l’on éprouve un doute au sujet de la voie mystique. Le moyen de s’en guérir consiste à lui interdire [à l’âme] de fréquenter les gens du vulgaire, de lui imposer d’accomplir les bonnes actions des gens de l’élite jusqu’à ce que son cœur parvienne à la pureté de l’invocation et à la saveur de l’amour.

49    - Parmi ses vices s’en trouvent beaucoup plus que ce que l’on peut mentionner parce que l’âme apprend les vices des océans de la fureur. Or la fureur fait partie des attributs de Dieu le Très- Haut et on ne peut parcourir Ses attributs jusqu’à leur extrémité. Mais nous nous sommes contentés [de mentionner] le moins plutôt que le plus, prenant en considération celui qui est doué de droiture de sorte qu’il puisse s’instruire, dans cette mesure, de ses stratagèmes et de sa ruse [de l’âme] et soit ainsi bien guidé pour choisir les moyens appropriés à la lutte contre son vice [de l’âme], si Dieu le Très-Haut le veut.

Le livre est fini. Grâce soit rendue à Dieu qui a distingué Ses amis en leur dispensant les finesses spirituelles des sciences, et en leur dévoilant les vérités spirituelles des symboles, dans leur réalités premières et dernières, extérieures et intérieures. Mais Dieu est le plus savant. Que Dieu nous accorde Son pardon ainsi qu’à ceux qui accordent un regard à ce noble livre. Que Dieu bénisse notre prince Muhammad et toute sa famille.

Fin du manuscrit Velieddîn

[Le moyen de s’en guérir] réside dans la servitude et l’accom­plissement des devoirs religieux. Dieu le Très-Haut dit : « Qu’il ne leur a été ordonné que d’adorer Dieu lui vouant le culte sincèrement » [Cor, XCVIII=5], et Sa parole, le Très-Haut : «Æ-tu vu celui qui a pris sa passion pour son dieu ? » [Cor, XLV=23]. Nous avons mentionné dans les sujets de la plus grande partie de notre livre que celui qui aime Dieu est issu de la voie de l’élite des gens. La preuve en est que l’ennemi de Dieu le Très-Haut est idolâtre, et il ne hait le savant qu’à cause de ce qu’il est. Alors que l’ami de Dieu n’aime le ver­tueux que précisément pour ce qu’il est, et il n’aime la nourriture que parce qu’elle lui donne des forces pour se soumettre à Dieu le Très-Haut. Il ne mange, ne boit et ne se vêt que pour Dieu le Très- Haut, sur l’ordre de Dieu et avec [Sa] permission — qu’il soit exalté et élevé. Il n’aime le Prophète et le saint que pour Dieu et sur l’ordre de Dieu le Très-Haut. Il n’aime ses proches et ses parents que pour Dieu et dans la mesure de ce que Dieu a ordonné, et il ne les sert et ne veille à leur entretien que pour Dieu le Très-Haut et sur Son ordre. Qu’il prenne garde à cela car il pourrait en mourir le pèlerin des opérations divines ; qu’il ne se lève pas, qu’il ne s’assied pas, ni ne boive d’eau froide si ce n’est pour Dieu, en Dieu et dans la voie de Dieu. Car toute action qui n’est pas pour Dieu, ou toute action que l’on accomplit par un autre que Dieu ou pour un autre que Dieu rend idolâtre. On est alors idolâtre même dans la servitude au point que l’on s’aime soi-même et que l’on aime les choses profitables à l’âme à moins que ce ne soit pour Dieu le Très- Haut et selon la mesure que Dieu le Très-Haut a ordonné. Or si on œuvre ainsi, on est un pur serviteur de Dieu le Très-Haut soumis à la condition selon laquelle on ne peut commettre ne serait-ce qu’une atome des péchés, et l’on ne saurait même abandonner ne fut-ce qu’un atome des obligations religieuses, ainsi que nous l’avons clairement exposé auparavant à savoir que celui qui contredit Dieu le Très-Haut dans Ses ordres et Ses interdits, celui-là affronte Dieu par son opposition. Comprends bien cela parce que quiconque le comprend, s’y fie et emploie tous ses efforts à atteindre [ce but] pour son âme, je souhaite que Dieu le place dans le degré de ceux qui ont atteint la perfection de la servitude, selon la parole de Dieu le Très-Haut : « Quiconque sort de sa maison s’exilant vers Dieu et Son envoyé puis est frappé par la mort voit échoir sa rétribution qui incombe à Dieu » [Cor., IV=100]. Quiconque commence à s’assimiler à un groupe en fait déjà partie, et quiconque emprunte les voies d’un groupe leur ressemble nécessairement et est l’un d’entre eux comme le montre sa parole — la paix soit sur lui — : « Qui aime une commu­nauté en fait partie, et celui qui aime en tire profit ». Fin [du livre].

Not: Bazen Büyük Dosyaları tarayıcı açmayabilir...İndirerek okumaya Çalışınız.

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